Vitorino Hilton face à Zlatan Ibrahimovic au Parc. (ARGUEYROLLES LAURENT/L'Equipe)

Yvan Le Mée : «En France, il y a encore une date de péremption»

L'un des agents français les plus en vue explique l'évolution du marché français et européen vis-à-vis des vétérans, en marge du dossier de France Football cette semaine sur la longévité des footballeurs.

Qu’est-ce qui fait encore courir CR7, Zlatan et les autres ? Pourquoi et comment les footeux continuent à être performants de plus en plus vieux ? FF a enquêté cette semaine pour répondre à ces questions, donnant la parole à de nombreux témoins, joueurs (Maldini, Giroud, Cifuentes, Sammaritano, Butelle, Nivet…) mais aussi membres de staff et scientifiques. L’occasion de creuser le sujet ici en évaluant l’image qu’ont ces vétérans sur le marché en France et en Europe, où ils ne sont pas tout à fait traités de la même manière, comme l’explique l’agent Yvan Le Mée.

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«Il y a de plus en plus de vétérans performants dans le foot français et européen. Pourquoi ?
Parce que les vieux joueurs garantissent des résultats, tout simplement. On a vu Lille il y a deux ans : ils étaient à la ramasse, au bord de la descente, et la simple arrivée de José Fonte a stabilisé l’équipe.

Le LOSC est d’ailleurs l’équipe de Ligue 1 qui compte le plus de joueurs de plus de 35 ans dans son effectif…
Les deux postes les plus importants, c’est devant et derrière. À Lille, il y a Fonte et Burak Yilmaz. Ce n’est pas un hasard. Ce sont des postes avec une maturité tardive. À 36 ans, Fonte n’est peut-être pas très rapide, mais l’essentiel à cette place-là, c’est le placement, l’intelligence. Il n’y a qu’à voir Giorgio Chiellini à la Juve. Et devant, en Italie, un (Antonio) Di Natale garantissait un quota de buts à l’année jusqu’à très tard (il a arrêté sa carrière en 2016, à 39 ans). Aujourd’hui, on trouve encore un Fabio Quagliarella (attaquant de la Sampdoria qui fêtera ses 38 ans dans deux mois).

Justement, Quagliarella pourrait-il jouer en Ligue 1 aujourd’hui, par exemple ?
La réponse est simple : il y a quatre ans, on l’avait proposé à Marseille, ça coûtait 1,5M€ de le faire venir. Il avait 34 ans, on nous a répondu qu’il était trop vieux. À la place, ils ont préféré prendre un Ecossais (Steven Fletcher), on sait ce qui est arrivé (2 buts en 12 matches de Championnat) ! Un Cyril Théréau, par exemple, ça fait un moment qu’ils ne le feraient plus jouer ici, alors qu’il était encore titulaire à la Fiorentina à 35 ans.

Pourtant, le vétéran des cinq grands Championnats, Hilton, joue en France, à 43 ans.
Il y a de belles exceptions, bien entendu. Et c’est tant mieux. Mais la réalité, c’est qu’en dehors de ces joueurs hors normes, on a l’impression qu’en France, passé 30 ans, il y a une date de péremption qui n’existe pas ailleurs.

Elle a toujours plus ou moins existé, non ?
Cela varie avec le temps. Pendant des années, la L1 n’avait pas de souci avec les joueurs âgés. Mais depuis deux ans, depuis que tout le monde veut faire du trading parce que les clubs ont enfin compris qu’ils pouvaient payer leurs déficits structurels avec la vente de joueurs, ils ne veulent plus de vieux. Ou alors moins, parce qu’ils se disent qu’ils ne pourront pas les revendre derrière. On a l’impression que la L1 est devenue un super mercato, et on ne veut plus trop de joueurs vieux alors qu’avant, ça ne posait pas de problème. Au contraire, quand je disais aux dirigeants français qu’on pouvait faire comme l'Udinese, ils me répondaient que leur club n’était pas un supermarché !

Ils se trompent de combat, d’après vous ?
Ce que j’essaie d’expliquer aux présidents français, c’est que le mec expérimenté, il te bonifie le jeune qui est à côté de lui. La saison passée, à Dijon, (Julio) Tavares bonifiait (Stephy) Mavididi (il représente les deux joueurs). Quand on avait pris (Pierre-Emerick) Aubameyang à Dijon, il y avait (Eric) Carrière pour lui donner des ballons. À l’OM, (Duje) Caleta-Car et Alvaro, ce n’est pas pareil que Caleta-Car et (Boubacar) Kamara. Pareil au Real, Vinicius et Rodrygo, ce n’est pas pareil avec ou sans Karim Benzema !

Pour vous, les clubs français ne raisonnent qu’à court terme, sans réfléchir à la globalité du problème.
Exactement ! À l’Atlético Madrid, pendant longtemps, ils ont gardé Diego Godin malgré son âge, et ils mettaient à côté de lui José Maria Gimenez, Stefan Savic, des jeunes qu’ils pouvaient revendre tout en gardant Godin. L'Udinese a fait pareil avec Di Natale et Alexis Sanchez. Il faut trouver ce genre d’associations. Ça se fait moins en France, parce que le regard envers les vieux n’est pas le même qu’ailleurs. À l’étranger, si tu es performant, peu importe ton âge. Il n’y a qu’à voir le Bayern qui a continué avec Arjen Robben et Franck Ribéry jusqu’à 35 ans !»

Arnaud Tulipier

«Il y a quatre ans, on avait proposé Quagliarella à Marseille, ça coûtait 1,5M€. Il avait 34 ans, on nous a répondu qu'il était trop vieux...»

«Depuis deux ans, depuis que tout le monde veut faire du trading, les clubs de L1 ne veulent plus de vieux»

L'intégralité du dossier sur la longévité des footballeurs, intitulé «La trentaine n'est plus en quarantaine», est à retrouver cette semaine dans France Football, disponible en kiosque ou en version numérique en cliquant ici.