kubo (takefusa) (A.Reau/L'Equipe)

Takefusa Kubo : «Être timide sur le terrain ne fait pas grandir»

Le Japonais est un exemple de football moderne, starifié dès son jeune âge et dont l'avenir anime médias et plateformes numériques. Un univers que la jeune promesse du Real Madrid aborde avec beaucoup de distance, laissant à sa plus grande qualité le loisir de s'exprimer : son talent.

Madrid Tokyo. Takefusa Kubo profite de sa demi-journée d’avion pour répondre à nos questions. Ce long-courrier, qui marque la fin d’un chapitre, invite aussi aux rêves, aux ambitions futures. C’est l’heure des vacances et déjà bientôt celle du retour pour le feu-follet japonais, au Real Madrid ou ailleurs, enhardi par une fin de saison canon avec Majorque, malgré tout relégué. «Le club m'a fait grandir en tant que joueur et aussi en tant que personne, lance ‘Take’ sur cet exercice formateur. Je laisse de très bons amis avec qui j'ai partagé de bons et de mauvais moments, et j'ai toujours remarqué l'affection des gens de l'île. Ce fut une saison inoubliable à bien des égards.» Devenant le club le plus suivi au Japon, le RCD Mallorca a découvert un môme talentueux, «générationnel» diront certains, que tout le monde s’arrache depuis des années. «Il est très connu ici, et ce depuis qu’il a 10 ans, contextualise Wataru Funaki, journaliste local. Surtout car il a été le premier joueur japonais à signer au Barça. Lorsqu'il a signé au Real Madrid, ensuite, toutes les chaînes de télévision ont fait état de l'actualité pendant une semaine. Sa popularité n'est déjà pas seulement pour les fans de football, mais aussi pour les Japonais en général.»

Le Barça passe à côté, pas le Real

Barcelone, Real Madrid… Les joueurs qui osent le port cumulé des camisetas culé et merengue goûtent souvent aux joies du clivage le plus torride du football. Pas Take Kubo. Après avoir fait quatre années de formation à la Masia, de 2011 à 2015, le Japonais est reparti chez lui découvrir le football professionnel. Le club barcelonais n’a pas respecté les règles sur les transferts des joueurs mineurs. Le meneur-dribbleur en garde pourtant un héritage. «Les qualités de Kubo sont celles qu’exigeaient le Barça, explique Cristian Martin, auteur d’un livre sur le centre de formation barcelonais. Il a toujours fait bonne impression. Un joueur technique, très vertical, dangereux avec le ballon. Il a fait partie d’une génération qui s’entendait très bien d’un point de vue technique.»

«Mon rêve a toujours été d'être l'un des meilleurs joueurs...»

Le Barça passe à côté de Kubo, pourtant, et l’aficion catalane y voit un énième raté de la direction pendant que le Real Madrid ne débourse qu’un million d’euros pour l’acheter au FC Tokyo. «Un échec pour le Barça, peut-être pas, mais une déception, évidemment, poursuit Cristian Martin. C’est triste qu’un joueur comme Kubo n’ait pas trouvé sa place au Barça. Le voir à Madrid, c’est quelque chose qui fait mal à Barcelone.» Take Kubo, lui, n’a plus que l’équipe de Zinédine Zidane en tête, avec le désir de s’y imposer. «Mon rêve a toujours été d'être l'un des meilleurs joueurs, et je n'arrêterai pas de travailler pour y parvenir, pose l'intéressé. J'ai toujours dit que mon objectif était de jouer pour le Real Madrid. Pour cela, je travaille et fais de mon mieux, même si je ne sais pas ce qui va se passer. Et puis j'aime vraiment pouvoir jouer au football dans l'une des meilleures ligues du monde. Cela se voit, non ? (rires)»

Élevé au jeu

Le nippon entend également y imposer son style unique, modelé par l’inspiration et les heures à taper dans le cuir. «J’aime recevoir le ballon entre les lignes ou au milieu de la densité, ensuite jouer des un-contre-un et, enfin, être décisif, répond Kubo à l’invitation d’un auto-portrait. Ma technique de dribble, c’est tout ce que j'ai appris en jouant au football jusqu'à présent, et comme j'ai de nombreuses années devant moi, j'ai beaucoup de marge de progression. C'est bien ! Quand j'étais petit, je jouais beaucoup au football, de huit heures du matin jusqu'à la tombée de la nuit. Je ne me fatiguais pas. C'était ma passion, et le football a été une grande partie de ma vie depuis mon enfance. Je joue au football avec la seule intention de m'améliorer, car j'adore ça.» Transpirant l’humilité, la réserve, il n’en demeure pas moins une attraction, comme lorsque le Japon envoie ses U20 jouer la dernière Copa America, où son talent saute aux yeux des supporters du Brésil et d’ailleurs.

Retrouvailles. (Daisuke Nakashima/AFLO/PRESSE/PRESSE SPORTS)

Aujourd'hui et demain

«Il est très intelligent, logique, humble, ambitieux et calme, poursuit Wataru Funaki sur la personnalité du bonhomme. Je n'ai jamais vu un joueur comme lui. Il n'a pas l'air d'avoir 19 ans. Il est déjà le meilleur attaquant de l'équipe nationale du Japon. Je ne pense pas qu'un joueur comme Kubo se manifestera dans les prochaines décennies au Japon. Il est spécial.» Son entourage le décrit comme discret, loin des lumières des réseaux sociaux et quelque peu timide face aux médias. «Mais sur le terrain, je ne suis jamais timide, répond Take Kubo. Un joueur doit s'exprimer sur le terrain. Être timide sur le terrain ne fait pas grandir. Je pense que le jeu est ce qui parle sur le terrain, mais la personnalité elle-même est tout aussi importante.» Et quand on lui demande quelle facette de lui-même le public doit encore découvrir, le Japonais répond avec un brin de malice : «En vieillissant, je verrai aussi un nouveau visage, je suppose...» Reste à savoir ce que vieillir implique comme trajectoire, entre un Real Madrid qui veut miser sur lui et une montagne de clubs, dont le Paris Saint-Germain, qui suit avec intérêt l’évolution du gaucher de Kawasaki. Comme souvent plein de sagesse, c’est peut-être Zinédine Zidane qui résume le mieux la situation : «Kubo est un joueur du futur. Bien sûr, ce serait bien de le voir au Castilla et de s’entraîner avec nous pour voir comment nous allons le faire grandir. Il est jeune, comme Rodrygo, comme Vinicius, et vous devez y aller doucement.» Jusque-là, patience et impertinence ont nourri avec justesse son début de carrière. Du Japon à l’Espagne, il se dit «pourvu que ça continue».

Antoine Bourlon 

- La fiche de Takefusa Kubo