Soccer Football - Ligue 1 - Stade Rennes vs Lille - Roazhon Park, Rennes, France - January 24, 2021 Lille's Jonathan David celebrates scoring their first goal with Sven Botman REUTERS/Stephane Mahe (Reuters)

Sven Botman : «Je ne dirais pas que je n'étais pas fait pour l'Ajax mais...»

Formé à Amsterdam, le puissant gaucher a dû s'exiler pour donner la pleine mesure de son talent. C'est à Heerenveen, puis à Lille, qu'il a trouvé un contexte tactique favorable à son épanouissement. Juste avant les retrouvailles avec son club formateur, le principal intéressé et ceux qui l'ont façonné racontent pourquoi ça n'a pas fonctionné à l'Ajax. Et pourquoi ça marche aussi bien au LOSC.

«Je ne suis jamais arrivé à un endroit en me disant qu'il fallait que j'y prouve ceci ou cela, que je n'en reparte qu'après y avoir accompli telle ou telle chose.» Sven Botman dégage, par écrans interposés, la même prestance et la même tranquillité que sur le terrain. Comme tous ceux qui vont loin, celui qui a débarqué dans le Nord de la France l'été dernier semble avoir trempé dans le meilleur des mélanges : un savant dosage entre confiance en soi et humilité. Son parcours ne lui a de toute manière pas vraiment laissé le choix. Lorsqu'on vous fait comprendre, à 18 ans, que votre place n'est plus parmi ceux que vous pensiez être les vôtres, mieux vaut être pourvu de ces deux qualités. Exit Amsterdam, le club formateur qui vous indique gentiment la sortie, bonjour Heerenveen et la province néerlandaise. Sans avoir joué une seule minute chez les grands avec l'Ajax.

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- Comment Heerenveen a façonné Ziyech

Pari osé ? All in gagnant, surtout. «On l'a rencontré au club avec son agent et la direction du club, se remémore Johnny Jansen, premier entraîneur pro du défenseur central. On lui a parlé du projet collectif et de pourquoi on le voulait. Il avait 19 ans mais on sentait beaucoup de maturité dans son regard et ses questions. Il était ouvert. Et vous voyiez dans ses yeux qu'il avait de l'ambition. Il rencontrait un autre club après mais il nous a rappelé deux jours plus tard pour nous dire qu'il signait (NDLR : sous la forme d'un prêt).» Ni le SCH, dont la propension à lancer des jeunes joueurs n'est plus à démontrer, ni le clan Botman ne regretteront leur choix. Alors que l'Ajax n'était pas en mesure de lui certifier qu'il jouerait un rôle important lors de la saison 2018-2019, misant davantage sur la relance de Daley Blind, le jeune Sven effectue des débuts fracassants en Eredivisie. Le ton avait de toute manière été donné dès la présaison, le temps de réduire les attaquants de Southampton au silence lors d'un stage en Angleterre. «Il est entré en jeu lors de cette rencontre amicale parce qu'un de nos défenseurs s'était blessé, raconte Jansen. Il n'est plus jamais ressorti de l'équipe.» Il faut dire qu'une envie de tout casser animait le garçon depuis ses derniers échanges avec le board de son club formateur.

Télévision nationale et clean sheet

«Quand je suis arrivé là-bas (à Heerenveen), j'avais 18 ans, presque 19. Si vous voulez progresser, vous faire un nom en quelque sorte, vous devez vous montrer à la télé au plus haut niveau. C'était mon choix d'y aller. L'Ajax m'avait fait comprendre qu'il voulait me garder pour intégrer le groupe pro mais je sentais bien que ce n'était pas pour un rôle important. Donc quand Heerenveen est arrivé, c'est rapidement devenu limpide dans ma tête. C'était juste le bon challenge à relever.» Le bon projet de jeu, aussi ? Surpuissant, le natif de Badhoevedorp (commune située en périphérie d'Amsterdam) n'est alors pas vraiment réputé pour la fiabilité de sa relance. «J'aime avoir le ballon, mais je pense que si je devais montrer mes qualités à tout le monde sur un match, je choisirais une rencontre durant laquelle il me faudrait défendre, concède Botman. C'est durant ce type de rencontre-là que je suis le meilleur. Obtenir un clean sheet, j'ai toujours su faire.» .Kaj Serhius, partenaire de formation du côté d’Amsterdam, valide cette analyse en forme d’auto-critique. En ajoutant une nuance, toutefois. «C’était difficile pour lui d'obtenir du temps de jeu au sein de cet Ajax-là, estime celui qui évolue désormais au Stade de Reims. Vous aviez des garçons comme Blind ou Martinez pour jouer au poste de numéro 4. Et il n'a pas le profil d'un relanceur comme Daley (Blind), c'est vrai. Mais je pense que c'était surtout une histoire de timing.» 

Botman sous les couleurs du SC Heerenveen et face à son ancien club, en 2019. (Maurice van Steen/ANP SPORT/PR/PRESSE SPORTS)

Johnny Jansen partage le dernier constat. Pour celui qui est toujours en poste à Heerenveen, son ancien protégé aurait très bien pu finir par s'imposer à l'Ajax. «Vous savez... ll faut jouer pour progresser. Ce club adore avoir des joueurs comme Blind, très bon ballon aux pieds. Mais Sven n'avait que 19 ans. Ça aurait fini par le faire. Il avait tout ça (ce qu'il montre à Lille) en lui, il fallait juste qu'il joue. Il devait devenir meilleur avec le ballon, bien sûr, mais il n'était pas non plus mauvais. Progresser ballon au pied, ça passe par jouer des matches...» Cela tombe bien, celui dont «personne n'imaginait qu'il évoluerait à ce niveau-là» (dixit Karel Brandsma, celui qui l'a fait venir à Heerenveen) va enchaîner les rencontres comme titulaire au SCH. Et rapidement gagner les cœurs des fans locaux. Bref, le plein de confiance est fait. Direction Amsterdam au printemps pour un point avec Edwin van der Saar et l'état-major amstellodamois. Mais là encore, le jeune Sven ne sent pas une immense confiance de la part de ses dirigeants. Alors même que de nombreux clubs lui font la cour, et ce depuis le mercato hivernal.

Luis Campos et le timing

A Noël, plusieurs clubs du top 5 européen sont en effet venus toquer à la porte de Nikkie Bruinenberg, son agent depuis maintenant six ans, mais il n'était pas question de précipiter les choses. Comme cet hiver - mais nous y reviendrons -, tout est toujours question de timing et de progression pour le clan Botman. «Beaucoup d'équipes le voulaient, se remémore Bruinenberg. On a parlé avec tout le monde mais la meilleure option était de finir la saison. Et de préserver Sven. On filtre systématiquement les demandes, il n'y a que lorsque l'on juge un projet vraiment pertinent que le joueur est mis au courant.» Après un coup de fil de Luis Campos, par exemple. En juin dernier, le boss du recrutement lillois contacte l'Ajax et tout ira ensuite très vite. «L'essentiel c'était de continuer de progresser donc cela semblait être une bonne option, récapitule Botman. Après avoir joué au plus haut niveau national dans mon pays, c'était cohérent de partir jouer en France dans un club qui cherche à jouer le titre. Dans un Championnat qui mélange physique et technique, aussi

«Je crois en moi mais pas de là à imaginer les plus grandes choses non plus. C'est un équilibre.»

Le style de jeu mis en place par Christophe Galtier finira de convaincre le défenseur. Lorsque vous l'interrogez sur le système du LOSC, qui lui permet tout à la fois de défendre de manière agressive sans avoir à endosser d'immenses responsabilités à la relance (Benjamin André venant régulièrement prêter main forte à Botman et José Fonte), le joueur sourit et donne plus que jamais l'impression d'être au bon endroit, au bon moment. «Je ne dirais pas que je n'étais pas fait pour l'Ajax, mais disons que le système lillois me convient parfaitement. Tout le monde est important et il y a en effet un parfait équilibre. Vous avez un ensemble de mecs qui savent parfaitement ce qu'ils doivent faire. C'est ce qui nous permet d'être en course pour le titre.» Même expression du visage à l'évocation de Fonte, celui qu'il surnomme affectueusement son «partner in crime» et qui a déjà beaucoup fait pour lui, sur comme en dehors du terrain. Un peu plus de retenue, en revanche, lorsqu'il lui faut répondre à la question suivante : s'attendait-il à ces six premiers mois en forme de conte de fée ? «Je ne suis pas du genre à me projeter plus que cela. Je crois toujours en moi mais de là à jouer toutes les minutes, que tout se passe aussi bien... Je pense en tout cas que ça me résume assez bien : je crois en moi mais pas de là à imaginer les plus grandes choses non plus. C'est un équilibre

Botman, ici avec les U21 néerlandais, compte 28 sélections chez les jeunes. (MAURICE VAN STEEN/PRESSE SPORTS)

L'Euro en ligne de mire

Un équilibre qui lui a permis de garder les pieds sur terre lors des ultimes instants du dernier mercato, lorsque l'intérêt de Liverpool (notamment) lui est revenu aux oreilles. Pas question de quitter Lille alors que le club truste la première place d'un Championnat que le joueur entend remporter («Avant les matches contre les concurrents directs de Lille, il m’écrit toujours pour me demander de grapiller des points» raconte Sierhius). Encore moins à quelques jours des retrouvailles avec l'Ajax en seizièmes de finale de la Ligue Europa, une double confrontation que le garçon attend avec impatience. «J'espère qu'il sortira l'un de ces tacles qui diffusent de l'énergie à toute une équipe» espère Jansen. Pour mieux impressionner les Hollandais et marquer des points en vue de l'Euro ? «L'équipe nationale, c'est la prochaine étape oui, résume son ancien coach. Cela passe par la répétition de bonnes prestations. Mais s'il continue comme ça, il ira.» En tant que joueur du LOSC ou d'un géant européen ? Le gaucher a le sentiment qu'il doit encore se développer un peu avant de penser à tout cela. Probablement parce qu'il sait que le niveau d'exigence montera encore d'un cran. «Je crois qu'un défenseur moderne doit exceller avec et sans le ballon ! Les meilleures équipes ont beaucoup la balle, donc vous ne pouvez pas être trop limité à ce niveau-là. Si vous voulez faire partie du top, vous n'avez pas le choix, vous devez avoir les deux

Surnommé Robocop

Entre sa formation à l'Ajax, la saison jouée dans une équipe habituée à défendre dur (Heerenveen) et celle qu'il est en train de signer à Lille (sorte de compromis entre tout ça), le jeune homme a en tout cas déjà accumulé un tas de skills. Ce qui fait dire à Jansen que le numéro 5 «joue déjà comme un mec de 30 ans». Et s'il ne parle pas encore parfaitement le français, son anglais est impeccable. En bref, le Néerlandais semble destiné à faire le grand saut cet été. D'autant que sa valeur marchande augmente de manière exponentielle et que Lille verra probablement une vente du bon œil une fois la saison terminée. L'avis du garçon sur la suite des opérations ? «Je le répète, mais je ne suis pas du genre à me projeter. On verra.» Les supporters lillois et les scouts européens ont, eux, déjà tout vu : après deux mises à jour du côté d'Heerenveen et du Nord de la France, Robocop - son surnom au LOSC - est prêt à tout casser. Et cela n'a pas grand-chose à voir avec un scénario de science-fiction.

Thymoté Pinon

Les propos de Sven Botman sont issus du long entretien qu'il a accordé à France Football. L'interview complète est à retrouver ici en version numérique et dans le nouveau numéro de FF, disponible dans tous les points de vente dédiés

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