8th March 2017 - Premier League - Manchester City v Stoke City - Saido Berahino of Stoke - Photo: Simon Stacpoole / Offside. *** Local Caption *** (L'Equipe)

Saido Berahino, itinéraire d'un Lion devenu Hirondelle

Capitaine du Burundi pour la première CAN de l'histoire du pays, Saido Berahino vit une parenthèse enchantée dans la tempête qu'il traverse outre-Manche. Retour sur un parcours en dents de scie, entre étiquette de prodige, de bad boy et de porte drapeau burundais.

Sueur au front, brassard au bras, mains sur les hanches, Saido Berahino, dépité, n’a pas pu empêcher la défaite inaugurale du Burundi contre de plus expérimentés nigérians (1-0). Mais peu importe, l’attaquant d’1,80m sait que ses coéquipiers et lui viennent de marquer l’histoire de leur pays avec ce premier match de CAN disputé par les Hirondelles. Avant d’éprouver ce sentiment de fierté patriotique, le joueur de Stoke City en a ressenti d’autres, moins savoureux - souvent plus amers - dans son parcours pour le moins cabossé. A seulement 26 printemps.

Arrivé en Angleterre à l’âge de 10 ans pour rejoindre sa famille, alors que son père disparaissait d’une mort violente pendant la guerre civile burundaise, le natif de Bujumbura est rapidement mis sur un piédestal dès qu’il foule les pelouses britanniques. D’abord en jeunes où il est continuellement sélectionné avec les Three Lions. Puis en Premier League où il se révèle en 2013 avec son club formateur de West Bromwich, notamment lors de sa première réalisation contre Manchester United, fin septembre. «Il est apparu comme un jeune homme apparemment bien adapté, qui comprenait bien les souffrances de ceux qui étaient restés dans son pays d'origine», écrit dans ses colonnes le Guardian, en 2017. Deux saisons plus tard, Saido Berahino a déjà planté 19 buts en Championnat et 10 sous le maillot des espoirs anglais. Des performances qui lui collent l’étiquette de talent brut à polir. Et lui offre une convocation avec l’équipe nationale d’Angleterre, alors sous les ordres de Roy Hodgson. Mais finalement, le petit prodige ne rentre pas en jeu avec les Three Lions. Cela comptera dans sa carrière.

«Il est apparu comme un jeune homme apparemment bien adapté, qui comprenait bien les souffrances de ceux qui étaient restés dans son pays d'origine»

Alors directeur général du club, Tony Scholes, qui a fait venir l’avant-centre pour 12 millions d’euros, déclarait lors de la présentation de sa recrue : «Après une période frustrante, il tient maintenant à relancer sa carrière et nous sommes impatients de le voir avec nous.» Mais le rebond se fait toujours attendre... En deux saisons et demi, les Potters n’ont toujours pas connu le retour sur investissement espéré et ont même été relégués en Championship à l’issue de l’exercice 2017-2018. En deuxième division, Saido Berahino retrouve (un peu) le chemin des filets avec trois petits buts. On le pensait (enfin) assagi. Mais ses démons ressurgissent…

Lion en disette

En pleine lumière, Saido Berahino s’est peu à peu ébloui et a montré les parts d’ombre de sa personnalité. A l'été 2015, Tottenham souhaite le recruter. Mais le transfert se trouve bloqué par les dirigeants de West Bromwich. L’attaquant ne le supporte pas et boude le début de saison 2015-2016. «J'ai parlé à Saido en lui disant de ne s'intéresser à rien d'autre qu'au football. Malheureusement, encore une fois, il ne m'a pas écouté. (...) Il a envenimé la situation. Il doit grandir et réaliser que les membres du club l'ont soutenu depuis le début de sa carrière», s’agaçait alors son coach Tony Pulis dans les colonnes du Guardian. Après cette prise de bec, l’Anglais d’adoption ne parvient pas à retrouver son niveau et s’envole pour Stoke City au mercato hivernal de la saison 2016-2017.

Mais le 18 février dernier, l'attaquant de Stoke City se retrouve cette fois dans la rubrique des faits divers. Il est arrêté au volant de son véhicule à Londres avec un taux d'alcoolémie trois fois supérieur à la norme autorisée. Comme en 2012 et 2015 où il avait déjà été arrêté en état d’ébriété. Malgré tout, le joueur a prouvé en justice qu’il avait fui une attaque à arme blanche d’un voleur à son domicile. Mais ses antécédents lui valent un retrait du permis pour 30 mois et une suspension pour le reste de la saison à Stoke City, qui ne cache plus ses envies de se débarrasser du joueur.

En deux saisons et demi, les Potters n'ont toujours pas connu le retour sur investissement espéré.

Presse people et faits divers

C’est que l’ancien prodige a plus souvent fait la Une des magazines people que sportifs, si on exagère un poil. Comme quand il s’est retrouvé au coeur d’une affaire complètement dingue qui faisait de lui le père de trois enfants nés entre le 30 mai et le 17 juillet 2019… mais de trois femmes différentes ! Ou alors quand il est suspendu huit semaines par la fédération anglaise pour usage de drogue “récréative” alors qu’il se morfondait dans la dépression et connaissait des problèmes de poids. Une réputation de bad boy qu’il cultive à son insu depuis le début de sa carrière. «Les gens lisent et entendent parler de moi, mais personne ne sait vraiment qui je suis», avait-il déploré en 2015 dans une interview accordée au Telegraph.

«Les gens lisent et entendent parler de moi, mais personne ne sait vraiment qui je suis»

Comme une hirondelle en pleine tempête

Pas l’idéal pour se préparer à une Coupe d’Afrique des nations. Car oui, six mois plus tôt, en septembre 2018, Berahino répondait enfin favorablement aux sirènes de son pays natal et le sélectionneur Olivier Niyungeko sautait sur l’occasion pour le convoquer pour les éliminatoires de la CAN 2019. Là encore, la pépite écrit son destin singulier en inscrivant le but de l’égalisation contre le Gabon (1-1) lors de sa première sélection. 10 mois plus tard, il retrouve les Hirondelles en Egypte après s’être entretenu physiquement et footballistiquement seul. «Je ne veux plus faire d’erreur, car une carrière passe vite. Il faut s’appeler Cristiano Ronaldo ou Lionel Messi pour durer longtemps. La concurrence est rude», confiait, visiblement apaisé, le néo international burundais sur RFI, le 21 juin dernier.

Il sait que ce retour aux sources l’aidera dans sa quête de rédemption, lui fera retrouver les joies du terrain et découvrir celles de représenter son pays. «La première fois que j’ai joué au Burundi, c’était incroyable. Toute mon enfance remontait à la surface et je pensais à mon père. Je vais tout donner, car j’ai les couleurs du Burundi dans mon cœur», confiait au début de la compétition sur RFI Saido Berahino qui voudra certainement faire un bon tournoi pour tenter de séduire de nouveaux clubs avant la fin de l’été. Et de prendre un nouvel envol.

Augustin Audouin