(L'Equipe)

Romaric Yapi : «Il faut faire confiance aux jeunes du PSG»

Le jeune titi a quitté le Paris Saint-Germain pour Brighton l'été dernier, où sa montée en puissance chez les jeunes est remarquée. Il a pris le temps de faire le point sur son début de carrière et revenir sur ses années de formation, entre les conseils de Thiago Motta et ses bons souvenirs.

«Le confinement, comment cela se passe ?
Je suis rentré en famille, en France. Le club nous a laissés rentrer, donc je suis à la maison en famille. On s’occupe comme on peut. On a un programme à suivre, des visioconférences avec le groupe pour tout ce qui est abdos, gainage… On le fait tous ensemble. C’est super. On s’entretient. Et ça rigole bien… Comme toujours !
 
Tu es satisfait de ta première saison en Angleterre ?
Je suis très satisfait, seulement un peu dégoûté qu’il y ait eu le coronavirus pour couper ma lancée… Mais sinon, je suis super content. Le club, super. Les joueurs, super aussi. Donc vraiment, je suis très content de toute cette année. J’étais lancé, je me suis intégré, j’ai bossé. Ça se passait bien. Je me suis donné les moyens pour rentrer en Coupe avec les pros, notamment. Je pense que tout ça a payé. Je suis toujours un peu dégoûté, comme je te l’ai dis… Mais j’espère que je vais pouvoir prouver encore plus à l’avenir.
 
L’adaptation a été compliquée au début ?
Au départ, c’est toujours un peu difficile… Je ne connaissais pas le pays, la langue. C’est compliqué… Pour l’intégration avec les autres, aussi, je me posais des questions. Dans un nouveau pays, est-ce qu’ils vont mal me voir ? Mais pas du tout, au final. Dès que je suis arrivé, ils m’ont tous parlé. Ils étaient contents que je sois là, que ce soit les joueurs ou le staff. Directement, ils m’ont mis dans le mood. C’était plutôt cool, c’était fun dès le départ. J’étais dans de bonnes conditions.
 
Et le cadre de vie, à Brighton, est plutôt pas mal…
Ah, c’est super ! La ville est incroyable. C’est le bord de mer. Tu peux faire des petites sorties, on se balade tous ensemble… C’est le top. Il n’y a rien de mieux.
 
Et par rapport à Londres ou Paris, que tu as parfaitement connu, ça ne bouillonne pas toute la journée.
Non, c’est plus cool. C’est relax. Les gens ne sont pas comme à Paris, stressés ou hyperactifs. Là, c’est tranquille. Les gens sont super sympas. Il n’y a pas cette ambiance où la ville fait que tu es dans un mood stressant. Tu peux prendre ton temps, aller à la plage…

«Ça fait plaisir de découvrir une nouvelle culture et de s'y adapter»

Brighton, comme beaucoup de clubs anglais, offre une structure très complète. Comment tu le ressens ?
C’est impressionnant. Il y a des choses mises en place que tu ne trouveras pas en France. Déjà, ici, ils sont plus assidus. C’est très différent. Tu arrives dans un club de Premier League et, en sortant du PSG, tu te demandes comment ça va être. Mais Brighton, pour moi, sur tout ce qui est structure etc, ils sont loin… Ils sont prêts, structurés. Il n’y a pas de mauvaise chose ou de faux-pas. C’est vraiment pas mal. Le centre de formation, par exemple, il est parfait. Sur tout ça, il n’y a rien à redire. J’ai été agréablement surpris.
Tu vis au club ?
Non, pour l’instant, je suis dans une famille d’accueil. C’est un couple anglais. Je dors là-bas, je mange là-bas, je fais tout là-bas. Pour mon intégration, ils m’ont énormément aidé. Ils ne parlent pas français mais tous les soirs, je parle avec eux. Je fais aussi des sorties avec eux, donc ils m’ont vraiment bien accueilli et ça m’a facilité la tâche. Et puis je découvre leur mode de vie, ce qu’ils font et d’autres choses comme la façon de manger… Il y a beaucoup de choses qui changent de la France. Et ça fait plaisir de découvrir une nouvelle culture et de s’y adapter. Voir des choses différentes, connaître une nouvelle langue, pouvoir la parler, être dans les délires des autres, c’est super.
L’anglais, ce n’est pas trop compliqué ?
Au début, si… Mais j’ai pris des cours dès mon arrivée. J’en prends encore, j’essaye de me perfectionner. Bon, ce n’est pas encore top (rires)... L’anglais et moi, ça faisait 15. Mais maintenant, ça va. C’est venu au fur et à mesure. À force d’entendre les joueurs parler, que ce soit entre eux ou à moi directement, ça rentre plutôt vite.
Graham Potter, le coach de l’équipe première, a beaucoup d’idées et Brighton est une des équipes les plus agréables à regarder du pays. Tu as joué en majorité avec les U23, mais tu sens tout cela ?
Je me suis senti dépaysé, au début, par rapport au jeu du PSG. À Paris, il y a un peu ce côté tiki-taka, possession. À Brighton, c’est davantage dans l’agressivité, l’intensité… Mais plus tu joues avec eux, plus tu vois que c’est football. Ça joue bien. Tout ce qui est mis en place par l’équipe U23 est suivi par le coach de l’équipe première. C’est la première qui fait parvenir son idée de jeu. Quand tu t’entraînes avec la première, ensuite, tu as le même système de jeu que les U23. Tu es habitué, et tout le monde tire dans la même direction. C’est très cool d’avoir des équipes sur la même longueur d’onde. Le coach de la première nous parle aussi beaucoup. C’est super pour nous, pour les jeunes et le club en général.
Tu as l’impression d’avoir grandi ?
J’ai beaucoup pris en maturité. Quand tu joues avec des joueurs comme Neal Maupay, Leandro Trossard, Yves Bissouma, Shane Duffy… Ça se fait tout seul. Ils t’aident beaucoup, ils te parlent beaucoup. Quand tu es tout le temps avec eux, ou même avec les U23, tu es obligé de prendre en maturité. Et ta vision des choses change énormément. Par rapport au football et d’autres choses. Ils t’apportent et ils te font grandir plus vite. Quand tu quittes ton pays natal pour un autre pays, c’est une prise de risque mais qui te fait grandir quoi qu’il arrive. De cette expérience, tu es obligé d’en tirer quelque chose et d’apprendre.

Physiquement, tu as aussi évolué.
C’était nécessaire pour moi. J’étais tout, tout, tout maigre… Oui, j’étais une petite crevette au PSG (rires). Je ne tenais pas au contact. Ici, j’ai pris en muscle, en masse. Je travaille beaucoup à la salle, et il faut que j’en fasse même un peu plus que les autres car j’ai du retard. C’est devenu mon mode de vie. Je vais tout le temps à la gym. J’ai pris le rythme. Et à force, j’évolue. Même au niveau du cardio, je ressens que j’ai progressé. Je n’étais pas mauvais là-dessus, même au PSG, mais ça se ressent. Et ma prise de muscle se voit sur le terrain. J’ai plus d’impact. J’ai pu avoir des crampes à la 70e minute et je n’en ai plus, par exemple. Je peux finir le match tranquille. Je fais tout comme il faut. Cette évolution me sert énormément.
 
Depuis 2-3 ans, tu as beaucoup changé de poste. Ailier, latéral, ailier… Ça se passe comment ?
J’ai toujours été excentré. Le fait de passer arrière droit m’a quand même mis en lumière au PSG car on a vu que je pouvais arriver à défendre. Brighton, c’est un autre football avec une autre intensité. Et même si cette touche française t’apporte, ici, l’apprentissage du football anglais te complète. Surtout autour de l’impact et du duel. Donc au final, je joue ailier ici mais ça ne m’a pas trop changé. Mon football n’a pas changé, je le fais comme je le ressens. Vraiment, pour moi, ça ne change pas. Ça ne m’a pas forcément perturbé.

«Jouer latéral, au départ, c'est parti d'une blague avec Thiago Motta...»

C’est Thiago Motta qui t’a fait jouer latéral en U19. Qu’est-ce que ça t’a apporté ?
De la rigueur, surtout. Je n’ai plus la même vision des choses que lorsque je jouais ailier. Je ne voulais pas trop défendre… Et finalement, être latéral, c’est être un excentré avec plus de rigueur. Ça ne change pas ton football. J’avais encore cette folie de tenter des gestes même en tant que latéral. D’autres n’auraient pas essayé, mais ça m’arrivait de tenter des petits ponts ou d'autres choses. Mais ça m’a apporté des choses différentes. À la fois le travail défensif tout en conservant ma petite folie, ma créativité. Ç’a aussi été mon choix d’être latéral. J’en ai parlé avec le coach Motta, je lui avais demandé. Au départ, c’est parti d’une blague… Je lui ai dit “moi aussi, je peux jouer latéral”. Et il m’a dit “ok, tu vas jouer latéral”. Et ç’a été bénéfique pour moi. J’ai été plutôt bon sur une partie de saison et ça m’a fait grandir pour la suite. Le coach m’a appris énormément de choses là-dessus. Sur le positionnement, quand et comment faire le bon choix sur son intervention, quand aller de l’avant ou rester en place… C’était aussi un apprentissage sur les structures du jeu. Thiago Motta m’a énormément aidé.
Au final, en tant qu’ailier, sur tout ce qui est pressing et repli, ça doit être positif…
Exactement. Ce genre de choses, j’en ai besoin. Ça presse beaucoup à Brighton, on est dans l’agressivité et aller chercher l’adversaire très haut sur le terrain. Sur les replis, tout le monde est à fond. Personne ne trottine. Ce sont des sprints, du box-to-box. Ça va vers l’avant, ça se replie, ça se replace… Il y a beaucoup de choses mises en place par rapport au pressing. Parfois, c'en est même compliqué car, quoi qu’il arrive, tu te mets dans une mauvaise posture quand tu presses. Si l’adversaire te passe, il a énormément d’espaces. Donc tout ce que j’ai pu apprendre, notamment avec Thiago Motta, me sert dans tous ces domaines-là.
Ç’a été un choix difficile de quitter le PSG ?
Difficile… Oui et non. Je crois que pour évoluer, il faut prendre des risques. Et ça passe par connaître un autre football. Ce qui a été le plus compliqué, c’est de quitter ma famille pour aller vivre dans un autre pays. Après, le PSG, bien sûr que ça me manque. C’est mon club de coeur. J’y ai toujours joué, j’ai tout connu. Le titre de champion de France, par exemple. J’ai créé énormément de liens au PSG. Par moments, ça me manque forcément. Mais partir à Brighton a été l’un des meilleurs choix que j’ai pu faire.

Ici sous le maillot du Paris Saint-Germain en Youth League. (E.Garnier/L'Equipe)

En parlant de liens, dans le documentaire Le Jardin qui vous est consacré, on découvre une vraie bande de potes lors de ta dernière année U19.
Ça se voit dans le reportage que c’est une vraie équipe, qui aime le football. Même s’il y a de la concurrence, tout le monde s’entend bien. Tu ressens cette complicité entre nous. On s’amusait et on a pris énormément de plaisir. Tu peux voir que, parfois, il y a des conflits, mais c’est toujours dans l’amusement. Il n’y a pas de coup par derrière. C’est quelque chose de cool. Dans tout, cette équipe, c’est le top. On est toujours en contact. On a tous vécu la même chose et c’est un peu de notre vie.
 
Hugo et Jesse, les deux réalisateurs du documentaire, nous ont dit que le plus fou de la bande, c’était toi…
(rires) Ouais… On va dire que je suis le plus fou un peu partout. Dans mon comportement de tous les jours et même sur des choses insignifiantes. Comme t’as pu le voir, dans le documentaire, on peut faire des débats sur la cuisine… Je n’étais pas content, on parlait de pâtes et de crème fraîche. Donc voilà, c’est moi, tu vois… Mais il y avait vraiment une ambiance géniale. Et je savais être fou mais sérieux ! Amuser la galerie mais bosser.
 
De tes années à Paris, quel est le meilleur souvenir ?
J’en ai beaucoup… Mais ceux qui m’ont le plus marqué, ça va être cette année-là, qu’on voit dans le documentaire, et puis être champion de France U17. C’est quand même gagner un Championnat de France, aller aux play-offs, les gagner, battre Monaco. C’est fantastique.
 
On dit que l’environnement est plus compliqué à Paris qu’ailleurs. Quand on est joueur, on le sent ?
Forcément. On ne peut pas être comme tout le monde. Ce n’est pas pour dénigrer les autres clubs, mais on ne peut pas être comme quelqu’un d’Ajaccio, Bastia, qui va être moins médiatisé et mis en lumière. Nous, il y a beaucoup de personnes autour de nous et de pression. Parfois, c’est compliqué. Tu es jeune, tu es dans un club comme le PSG, qui a une histoire, il y a beaucoup d’engouement et tu es obligé d’être professionnel très très jeune, d’avoir le comportement d’un pro. Dans d’autres clubs, il peut y avoir un peu plus de laisser-aller sur certaines choses. Au PSG, ce n’est pas possible.

«Presnel Kimpembe a toujours cette mentalité de titi parisien...»

C’est quoi être un titi parisien ?
Ah, ce sont beaucoup de choses… Avant tout, c’est défendre le maillot, l’honneur du club, se battre sur le terrain et avoir cette passion pour le PSG. Quand tu y es, toute la France veut te battre. Tu dois prouver que si tu as ce maillot-là et cet écusson, c’est que personne ne le mérite plus que toi. C’est ça, être un titi parisien. C’est cette mentalité. “On est le PSG et personne ne viendra prendre notre place”. Soit tu es un titi, soit tu ne l’es pas. Tu vois Presnel Kimpembe ? Il a toujours cette mentalité-là de titi. C’est quelqu’un qui passait au centre, qui venait nous voir, qui venait nous parler. Ça fait toujours du bien de voir un titi avec la première. Ce n’était pas le seul, après. Il y avait Christo Nkunku, Moussa Diaby... Et maintenant Loïc Mbe-Soh, Tanguy Kouassi, Adil Aouchiche, Garissone Innocent. Ça fait plaisir de les voir. Ils montrent qu’ils sont là, qu’ils sont bons, qu’il y a des joueurs au centre et qu’il faut faire confiance aux jeunes du club.
Que peut-on te souhaiter pour l’avenir ?
Déjà, la santé ! J’en ai besoin. Et puis que du bonheur, que le football continue pour moi, que je continue à travailler et que j’aille le plus loin possible. Tout en restant un titi quand même… (rires) Si possible, j’aimerais pouvoir être en Premier League, faire mes preuves, montrer ce que je vaux et surtout que je peux faire beaucoup de choses dans ce Championnat. Ça va être ça, mes objectifs. Avoir ma place et montrer que je peux apporter quelque chose à la première.»
Antoine Bourlon

(photo d'illustration : Brighton - D.R.)