Soccer Football - Premier League - Wolverhampton Wanderers v Tottenham Hotspur - Molineux Stadium, Wolverhampton, Britain - December 27, 2020 Wolverhampton Wanderers' Romain Saiss celebrates scoring their first goal Pool via REUTERS/Carl Recine EDITORIAL USE ONLY. No use with unauthorized audio, video, data, fixture lists, club/league logos or 'live' services. Online in-match use limited to 75 images, no video emulation. No use in betting, games or single club /league/player publications. Please contact yo (Reuters)

Romain Saïss (Wolverhampton) : «Ici, tout est un peu plus pointilleux»

Quatre ans, déjà, que Romain Saïss a rejoint Wolverhampton, alors en Championship. Si les Wolves connaissent quelques difficultés actuellement, ils se sont imposés comme une formation importante du Royaume. Entre la crise sanitaire, le point sur le projet de son club, son entraîneur, l'absence de Raùl Jimenez, l'ancien Angevin répond aux questions de FF. Sans oublier, bien sûr, le Maroc.

«Romain, les temps sont durs à Wolverhampton : une seule victoire en neuf journées de Premier League depuis début décembre. Que se passe-t-il ?
Sous l'ère du coach (NDLR : Nuno Espirito Santo, coach portugais des Wolves en place depuis 2017), c'est la période la plus compliquée. Jusqu'à présent, on n'avait pas trop vécu de période comme celle-là, aussi longue. Il y a eu des moments où, forcément, tu es un peu moins bien dans les résutats mais là...

S'il y avait un mot pour résumer cette mauvaise passe ?
Nouveauté : beaucoup de choses sont un peu nouvelles dans le sens où c'est une période très longue et qu'on a du mal à s'en sortir. Nouveauté parce que c'est la première fois qu'on a cumulé autant de blessés en même temps. Et des blessures d'assez longues durées. Ce n'était jamais arrivé avant. Donc c'est plus difficile forcément, surtout quand il s'agit de joueurs importants (NDLR : voir plus bas). Pour un club comme le nôtre qui a des objectifs assez élevés... Malgré tout, le moral de l'équipe est bon. Il y a beaucoup de matches, le plus important est de continuer dans ce qu'on sait faire le mieux et ce qui nous a permis de faire des bonnes saisons auparavant en Premier League. A nous aussi d'ajuster certains points qui ont pu nous coûter des défaites. Et le retour de plusieurs joueurs va faire du bien. On reste confiants, on sait où sont nos forces.

«Tu es constamment dans l'adaptation»

Qu'est-ce qui vous pénalise le plus en ce moment ?
Dernièrement, on a pris pas mal de buts assez évitables. Cette saison, on a concédé pas mal de penaltys. Souvent des petites erreurs qui font que le match bascule. Et quand tu es moins bien, c'est plus compliqué à gérer. On doit retrouver ce qui faisait notre force : cette solidité défensive collective qui nous permettait de mieux gérer nos matches car on savait que, devant, on allait avoir une occasion pour marquer.

Justement, cette défense : la saison passée, les Wolves étaient la cinquième meilleure défense du Royaume. Aujourd'hui, vous êtes seulement quinzième dans ce domaine avec 29 pions encaissés contre 40 sur tout l'exercice 2019-20... Comment l'explique-t-on ?
Il y a beaucoup d'ajustements qui ont été faits. Tu perds des joueurs pour une longue durée. Ensuite, il arrive des cas de Covid-19, moi le premier. C'est valable pour tous les clubs mais tu es constamment dans l'adaptation aux conditions actuelles. Il y a de plus en plus d'équipes en Premier League qui ont des soucis de blessures, avec les cas de Covid-19 qui augmentent. Ce sont les équipes qui parviennent le plus à s'adapter, malgré ces absences, qui sont les plus performantes. C'est là-dessus qu'il faut qu'on travaille. Peu importe l'équipe qui est en place, chacun doit savoir ce qu'il doit faire. Jusqu'à ce que le Covid-19 se termine, la situation sera compliquée. Tout le monde est donc très important dans l'équipe et doit être prêt à répondre présent.

C'est peut-être excessif ce qu'on va vous dire mais diriez-vous que vous ne faites pas le même sport depuis un peu moins d'un an ?
Bien sûr que ce n'est pas le même sport ! Tu vas jouer un match de Premier League ou de Coupe d'Europe et tu as en fait l'impression de disputer une rencontre de pré-saison. Il n'y a pas de supporter, il n'y a personne, tu dois respecter les distances dans le bus, les vestiaires. Au début, tu ne pouvais même pas partager le même vestiaire que les remplaçants... Un vestiaire, c'est censé être important pour nous ! Il y a beaucoup de choses mises en place pour continuer à jouer mais c'est sûr que ç'a des répercussions sur le football en général. Le foot aujourd'hui, sans supporter, ce n'est pas le même. L'année dernière, on arrivait à faire de bons résultats et de sacrés come-back en deuxième période parce qu'on avait la chance d'avoir nos supporters qui poussaient. Tu n'as pas le choix de faire avec...

Comment s'est passée votre "expérience" Covid-19 (NDLR : Il a été touché en novembre) ?
Je l'ai eu en rentrant de sélection. Lors du rassemblement, je n'avais pas vu femme et enfants pendant dix jours. Je rentre, je suis testé positif à l'aéroport. En isolement pendant dix jours sans avoir de moment en famille. C'était compliqué. Je n'ai donc pas vu non plus mon équipe pendant une vingtaine de jours... Tu sais que des personnes meurent de cette maladie, et même si on est en bonne santé et qu'on est très surveillés, ce sont des choses qui te font réfléchir. Cela fait aussi relativiser : des fois, on se prend la tête pour le foot ou pour des choses de la vie qui peuvent paraître futiles. Et il y a des choses bien plus graves, comme le Covid-19 par exemple.

«Bien sûr que ce n'est pas le même sport !»

Nuno Espirito Santo félicite Romain Saïss lors du succès face à Chelsea en décembre dernier. (Marc Atkins/OFFSIDE/PRESSE SPO/PRESSE SPORTS)

«La défense à quatre, c'était nouveau pour tout le monde»

Revenons au sportif : votre coach a choisi de passer à quatre en défense récemment. Une nouveauté difficile à appréhender ?
Les soucis de blessures, le fait qu'on était un peu moins bien : le coach a voulu essayer. C'était nouveau pour tout le monde : depuis qu'il est là, on a toujours jouer à trois derrière. Mais on a vu qu'on a réussi à faire de belles performances à quatre. Je pense au match à domicile face à Tottenham dernièrement (NDLR : 1-1 fin décembre). On a gagné à Arsenal à quatre (NDLR : 2-1 à l'Emirates, en novembre). C'était le bon moment pour essayer ça car on ne sait pas ce qu'il peut se passer donc il faut essayer de s'adapter à de nouveaux systèmes, à être prêts en cas de problème. Comme je le disais, avec la période actuelle, on est tous un petit peu dans l'adaptation : tu peux préparer un match et, deux jours avant, tu fais un test, toi et d'autres joueurs peuvent être positifs et tu es du coup obligé de tout changer. Tu dois avoir une roue de secours.

Parlez-nous de la méthode Nuno Espirito Santo...
Même si on dit souvent à la télévision qu'il ne laisse rien transparaître, c'est quelqu'un qui est émotif donc tu vois tout de suite s'il est content ou si quelque chose le tracasse. Il est quand même proche de ses joueurs. Il a ramené ses idées depuis qu'il est là, on travaille en parfaite harmonie, si je peux dire, avec tout le staff. On a confiance en ce qu'on fait. On a beaucoup travaillé tactiquement, car ce n'est pas tout le monde qui peut jouer à trois. Du travail avec et sans ballon. Et tu te rends compte que tu as des certitudes sur le terrain car tu sais exactement ce que tu dois faire. Que ce soit quand tu as la balle ou pas. Quand tu dois presser ou pas. Cela a été du travail à répétition qui fait qu'on est plus sereins, plus en confiance. Même pour moi : je suis habitué à dépanner quand il y a des petits soucis. Le fait d'avoir évolué à plusieurs postes m'a permis d'assimiler plus de choses plus rapidement. Tu sais tout de suite ce qu'il attend de toi.

Beaucoup s'étonnent du classement un peu trop bas de Wolverhampton en ce moment : cela symbolise aussi les attentes de plus en plus grandissantes autour de ce club.
C'est un club qui grandit de plus en plus. Quand je compare à la première année où je suis arrivé... (NDLR : Il a signé en 2016 en provenance d'Angers) Beaucoup de choses ont changé dans les séances, le staff technique, le staff médical... Tout est un peu plus pointilleux. Cela s'est ressenti dans les résultats. La période actuelle nous met un petit coup de frein mais c'est à nous de faire ce qu'il faut pour en sortir et continuer à avancer. Je ne me pose pas trop de questions là-dessus, je sais qu'on va y arriver. Et, quoiqu'il arrive, le club continue à progresser et à avoir de nouveaux objectifs d'année en année.

Quelle est la place de Wolverhampton aujourd'hui ?
On part dans l'idée, chaque année, de faire mieux que les saisons précédentes. On a terminé deux fois de suite à la septième place donc on voudrait jouer plus haut, accrocher un top 6.

Wolverhampton, ce sont aussi des individualités qui, à l'image de Diogo Jota cet été à Liverpool, sont amenées à connaître les meilleures équipes anglaises dans le futur. On pense à un Daniel Podence qui vous fait souvent du bien.
Daniel a réussi à profiter du départ de (Diogo) Jota et de saisir sa chance. Il n'a pas eu trop de temps de jeu après son arrivée la saison dernière (NDLR : Podence a signé en janvier 2020). Mais le coach sait toujours ce qu'il fait avec ses recrues et qu'il y a un temps d'adaptation pour assimiler tout ce qu'il demande. On voit que cela paye parce qu'aujourd'hui, c'est un joueur très important pour nous de par ses qualités techniques. C'est quelqu'un de très professionnel, il travaille beaucoup. Il amène quelque chose de différent dans le jeu. Ce n'est pas celui à qui tu vas envoyer des ballons pour les gagner de la tête comme tu peux faire avec (Raùl) Jimenez. C'est un mec intelligent, qui se place entre les lignes et qui arrive aussi à prendre la profondeur. Pour un défenseur, c'est difficile ! Aujourd'hui, il nous fait le plus grand bien. J'espère qu'il va être encore plus décisif.

«Daniel Podence amène quelque chose de différent dans le jeu.»

Votre contrat se termine le 30 juin chez les Wolves : arrivez-vous à un tournant de votre carrière (NDLR : Il fêtera ses 31 ans en mars) ?
Le terrain est le plus important, surtout avec la situation un peu compliquée. Mais bien sûr que ce sont des questions qui vont être amenées à se poser. A 30 ans, c'est vraiment un tournant, il faut prendre la meilleure décision possible pas seulement pour moi, mais aussi pour ma femme et mes enfants.

Avez-vous des envies ?
J'ai toujours voulu jouer dans ce Championnat. Je me sens bien dans cette nouvelle vie. Mes enfants ont aussi l'opportunité d'apprendre l'anglais, quelque chose de merveilleux pour eux, ça leur sera utile dans leur futur. Je ne sais pas ce qu'il peut se passer demain... On va tenter d'inverser la tendance pour retrouver le chemin de la victoire et pour le reste, je laisse ça à mes agents.

Pour retrouver la victoire, ce sera face à Chelsea, ce mercredi, avec un nouvel entraîneur, Thomas Tuchel. Et votre dernier succès, c'était face aux Blues (NDLR : 15 décembre, 2-1)...
Exactement ! C'est un peu le match du doute entre deux équipes qui ne sont pas très bien en ce moment. Quand il y a un changement d'entraîneur, les équipes veulent montrer qu'elles essaient de rebondir tout de suite. Et même s'ils sont dans le doute, ça reste Chelsea. On va rentrer dans une période avec beaucoup de matches sur trois semaines. Il va falloir être prêts, car ce match est très important pour la suite.

Le coup de tête victorieux de Saïss face à Brighton. (Reuters)

«Mon rêve était de jouer en Premier League»

A quel point Raùl Jimenez, victime d'une fracture du crâne en décembre, est un manque pour votre équipe ?
On ne va pas se cacher : bien sûr que Raùl a été une grosse perte pour nous. C'était lui l'artilleur de l'équipe (NDLR : 17 buts en 2019-20, 4 en 10 matches cette saison), il marquait la plupart des buts. Tu as le petit Fabio Silva qui est entré à sa place, il fait de bonnes choses mais il ne faut pas oublier qu'il n'a que 18 ans et qu'il vient d'arriver de Porto... Ce n'est pas facile d'assumer le rôle qu'avait Raùl.

Niveau buts, on vous a vu prendre temporairement le relais lors des fêtes de fin d'année : vous touchiez tout de la tête sur coups de pied arrêtés !
(Il sourit.) Je suis défenseur, mais j'aime bien marquer des buts et créer des occasions. La seule chance que tu as, quasiment, c'est sur coups de pied arrêtés. C'est quelque chose que je me suis dit : être plus décisif, toucher plus de ballons. Cela m'a plutôt réussi ces dernières semaines (NDLR : deux buts en cinq jours entre fin décembre et début janvier face à Tottenham et Brighton). J'espère que cela en amènera d'autres.

Au-delà des buts, diriez-vous que vous avez désormais trouvé votre rythme de croisière dans cette Premier League ?
Quand j'ai signé ici, l'objectif était d'arriver en Premier League et de me pérenniser dans ce Championnat. Je n'ai aucun regret d'être venu ici. Mon rêve était de jouer en Premier League. Même le fait de ne pas avoir de vacances l'hiver mais de jouer le Boxing Day, ça me régale (Il sourit.) ! C'est un Championnat magnifique. Tu dois être encore plus compétitif chaque semaine. Aucun match n'est facile. Physiquement, ça demande beaucoup donc si tu es un peu en-dedans, tu peux vite te faire punir, même par le dernier du classement. Cette intensité m'attirait.

«A 30 ans, c'est vraiment un tournant, il faut prendre la meilleure décision possible pas seulement pour moi, mais aussi pour ma femme et mes enfants.»

«Le Maroc ? Avoir cette culture de la gagne pour nous amener à faire de belles choses»

Une dernière question sur le Maroc : un an et demi après l'échec de la CAN, où en est cette sélection selon vous ?
On est entrés dans un nouveau cycle. Un nouveau cycle qui a pris du temps à cause de la crise sanitaire. On ne s'est pas vus pendant un an. Qui dit nouveau cycle, dit nouveau staff, nouveaux joueurs... On a plutôt bien démarré avec les qualifications pour la Coupe d'Afrique des Nations. Il y a encore beaucoup de travail pour arriver là où on souhaite, on en est conscients. La qualité est là, quand tu vois les joueurs qui composent cette équipe : (Hakim) Ziyech, (Achraf) Hakimi, (Yassine) Bounou, (Youssef) En-Nesyri... De ce point de vue là, tu ne peux pas t'en faire. Maintenant, quand tu es en Afrique, il faut que tout le monde tire dans le même sens, notamment mentalement, avec le même objectif. C'est l'état d'esprit qui fera la différence : vouloir gagner tous les matches, qu'il n'y ait pas de petits matches, peu importe l'opposition. Avoir cette culture de la gagne pour nous amener à faire de belles choses.

Lire : Romain Saïss après l'échec cuisant du Maroc lors de la CAN : «Un sentiment de honte»

La CAN et la Coupe du monde, ça fait forcément saliver...
On n'en parle pas encore. Les qualifications ne sont pas terminées. On travaille surtout pour avoir des certitudes dans notre jeu. On sait que tout cela va vite arriver et on sait qu'il n'y aura plus de matches amicaux. Tout ce que tu travailles, tu dois le peaufiner encore plus vite, en matches officiels. Il n'y aura pas de périodes d'essais, de vouloir essayer ci ou ça en match amical. Chaque stage est très important. Il faut continuer dans cette mentalité de travail pour avoir des résultats. A nous d'être exigeants avec nous-mêmes.»

Timothé Crépin