Soccer Football - Premier League - Tottenham Hotspur v Arsenal - Tottenham Hotspur Stadium, London, Britain - July 12, 2020 Arsenal's Alexandre Lacazette celebrates scoring their first goal with Pierre-Emerick Aubameyang, as play resumes behind closed doors following the outbreak of the coronavirus disease (COVID-19) Tim Goode/Pool via REUTERS EDITORIAL USE ONLY. No use with unauthorized audio, video, data, fixture lists, club/league logos or "live" services. Online in-match use limited to 75 images, no v (Reuters)

Rôle de neuf et demi, pressing et sens collectif... Pourquoi la reconversion d'Alexandre Lacazette à Arsenal fonctionne si bien

C'est peu dire qu'Alexandre Lacazette a parfois peiné à trouver sa place au sein de l'attaque d'Arsenal. Mais alors que son avenir s'inscrit en pointillé, Mikel Arteta lui a enfin trouvé un rôle taillé sur mesure, encore davantage au service du collectif. Analyse.

Paraît-il que l'amour dure trois ans. Dans le cas d'Alexandre Lacazette, l'adage va bientôt demander vérification, alors que l'échéance se rapproche et que la prolongation de son contrat avec Arsenal est toujours en stand-by. Mais parfois, un rien suffit à recoudre les plaies causées par la lassitude et l'instabilité d'un club sur la pente descendante. Un nouvel entraîneur, un changement de système au lendemain d'une déroute à Brighton fin juin et voilà que Alexandre «The Great», dont on s'est souvent demandé comment l'associer aux autres - et a fortiori à Aubameyang -, est devenu la pièce maîtresse d'une nouvelle animation en 3-4-3, où il est la caution créative de l'attaque des Gunners. L'un des premiers noms que l'on couche sur la feuille de match quand il s'agit d'enchaîner Leicester, Tottenham, Liverpool et Manchester City. Ca change la perspective comme l'explique James Benge, qui couvre Arsenal pour le site football.london : «En Premier League, il a beaucoup galéré car son rôle a constamment changé suite à l'arrivée d'Aubameyang. On a estimé qu'il devait être un créateur en plus d'un buteur. Il peut l'être, mais il y a une façon de le faire.» Et longtemps, Lacazette - ou ses entraîneurs, au choix - s'est campé dans l'idée qu'il pouvait être le «target man» qu'Arsenal avait perdu avec le départ de Giroud. Non pas qu'il l'ait mal fait, mais ses qualités sont ailleurs. «Ca me parait difficile de comparer le rôle de Giroud à celui de Lacazette, il y a une dimension athlétique qui n'est pas la même, confirme Armand Garrido, ancien boss de la formation à l'OL. Alex, il faut qu'il ait le jeu devant lui, mais il a peut-être fallu qu'il se fasse une place pour cela.»

En bas du triangle

Maintenant que c'est fait, les supporters peuvent ruminer le fait que l'idée n'ait pas émergé plus tôt. Car depuis plusieurs matches, Lacazette s'illustre sous un nouveau jour, en pointe basse d'une attaque à trois - lui qui avait toujours été l'attaquant le plus haut du triangle. Terminée l'illusion qu'il pouvait être un bon point d'appui pour ses coéquipiers, l'ancien Lyonnais n'hésite pas à redescendre jusqu'au rond central pour toucher le ballon, et pas pour le remiser immédiatement mais pour se tourner face au jeu et chercher l'ouverture. Sa zone d'activité a radicalement changé et le voilà désormais derrière Aubameyang et même Pépé ou Nelson, qui complètent le trio d'attaque. «Arteta aime son abattage, poursuit James Benge. Il gagne ses tacles, il presse la défense et le milieu défensif adverse. Ajoutez à cela le fait qu'il tire le meilleur de ses coéquipiers avec un bon jeu de passe et de bons déplacements et ça en fait un joueur très important.» Son nouveau rôle le rend plus imprévisible pour les défenseurs, voire même les milieux de terrain adverses, qui hésitent à suivre ses décrochages. Et le nouveau système en 3-4-3, qui peut se muer en 3-2-5 en phase de possession, permet de créer des triangles intéressants sur les côtés, où les pistons n'hésitent pas à plonger dans le dos de la défense (voir ci-dessous le match contre Sheffield).

Un esprit sain dans un corps sain

En quelque sorte, Lacazette a bénéficié des carences défensives d'Arsenal. Car pour James Benge, pas de doute : le changement de système est uniquement dû au fait que la défense à quatre n'était pas assez fiable dans la tête d'Arteta pour être reconduite. Forcément, les centraux sont désormais forcés de prendre leurs responsabilités balle au pied pour casser des lignes. Lacazette, lui, oscille entre le front de l'attaque et le milieu de terrain composé de Xhaka et Ceballos, comme un numéro 10. Sur les trois matches de Premier League face à Leicester, Tottenham et Liverpool, il est d'ailleurs celui qui a réussi le plus de passes dans le dernier tiers adverse (18) juste derrière le Suisse (33) et l'Espagnol (30). Tout à la fois milieu de terrain et buteur, en somme. Car l'attaquant français retrouve aussi la réussite devant le but, lui qui a connu une période hivernale particulièrement délicate à ce niveau-là (aucun but en Premier League entre fin décembre et mi-février). Sa réalisation contre Tottenham montre d'ailleurs bien sa nouvelle zone d'activité, en retrait de la doublette Aubameyang-Pépé qui occupe les half-spaces. Quant à sa passe décisive pour Reiss Nelson face à Liverpool, digne d'un véritable meneur de jeu, elle prouve à quel point sa vision du jeu n'est pas uniquement de mise lorsqu'il a le ballon.

Face à Tottenham, on voit bien la structure en 3-2-5 avec des pistons très hauts. Lacazette ne va pas hésiter à décrocher au milieu de terrain pour avoir le jeu (et quatre partenaires) devant lui.

Mikel Arteta l'a bien saisi, lui qui ne fait que louer «l'intelligence» de son joueur. Et lors des derniers matches face à Liverpool et Manchester City en Coupe, où Arsenal a dû laisser le ballon à son adversaire, le technicien espagnol a su utiliser Lacazette pour endiguer la construction du jeu des Reds et des Citizens. Laissant le duo d'attaque couper les lignes de passe des centraux vers les latéraux, le Français s'est chargé de cadrer Fabinho et Gundogan au milieu de terrain. Dans le cas du second, où l'on pouvait presque parler de marquage individuel, le pari tactique d'Arteta a payé : à la fin du match, Gundogan n'avait monopolisé que 5,5 % de la possession de son équipe, un chiffre particulièrement faible pour le milieu allemand (à titre de comparaison, il culminait à 8,9 % de possession face à Bournemouth quelques jours plus tôt).

Une stratégie de cadrage qui n'est pas sans rappeler celle de Liverpool et qui, automatiquement, vaut à Lacazette quelques comparaisons ici et là avec Roberto Firmino. «Les joueurs comme ceux-là provoquent des maux de tête aux défenseurs, pouvait-on lire sur le site de football.london après le match contre City. Ils décrochent très bas pour créer le surnombre au milieu de terrain, jouent devant et réapparaissent quelques instants plus tard dans la surface pour créer le chaos. Roberto Firmino le fait chaque semaine. Il n'a jamais marqué plus de 15 buts en Championnat mais son mouvement détourne l'attention d'autres joueurs dangereux.» Et James Benge d'ajouter : «Arsenal ne l'admettra jamais publiquement, mais on m'a dit quand ils ont signé Pépé que c'était dans l'objectif d'avoir une ligne d'attaque semblable à celle de Liverpool, avec Lacazette qui joue le rôle de Firmino. Un rôle qu'il a sans doute mieux joué que le Brésilien la saison dernière lorsqu'il cumulait 10 passes décisives en Premier League.»

«Arsenal ne l'admettra jamais publiquement, mais quand ils ont signé Pépé, c'était dans l'objectif d'avoir une ligne d'attaque semblable à celle de Liverpool, avec Lacazette qui joue le rôle de Firmino.» (James Benge, journaliste)

Ils parlent de Lacazette...

II y a deux ans déjà, Lacazette était l'un des attaquants qui gagnait le plus de ballons sur des phases de pressing. Une qualité ô combien importante qu'Arsenal a mis longtemps à associer à celles d'Aubameyang. Armand Garrido ne s'y trompe pas : «Aujourd'hui, c'est un point fort pour un attaquant de pouvoir harceler le porteur, d'être capable d'imposer un pressing haut. Et c'est quelque chose que recherchent beaucoup de grands clubs.» A deux ans de la fin de son contrat, Lacazette est lui aussi courtisé et les négociations avec Arsenal semblent au point mort. Dans l'optique d'une refonte de l'effectif, les Gunners vont avoir besoin de fonds et il faudra probablement faire un choix entre l'ancien de l'OL et Aubameyang. Comme ce fut si souvent le cas lors de leur ère à Arsenal. Et une nouvelle fois, pas sûr que Lacazette parte avec l'avantage, quand bien même il se révèle sous un nouveau jour ces dernières semaines...

Antonin Deslandes