lasne (paul) (N.Luttiau/L'Equipe)

Paul Lasne (Brest) : «Il faut être très intelligent pour jouer au football»

Paul Lasne, le joueur de Brest qui a sorti MurMures, un recueil de chroniques écrites pendant le premier confinement, repousse les stéréotypes que son milieu traîne. Extraits.

Sur sa légitimité à sortir un livre

«Écrire un livre, ce n’est quand même pas rien. Je me suis posé la question de la légitimité tous les jours : "Qui tu es pour oser écrire ? Qui tu es pour oser dire : Voilà, Paul Lasne, je vous propose ce livre entre La Peste d’Albert Camus et Le hussard sur le toit de Jean Giono ?" Mais j’ai fini par tout balayer en me disant : "Et puis merde, j’ai envie d’écrire, j’écris, et je sors un livre. La légitimité, on s’en fout !" Écrire ne répond à aucune règle. Ce qui compte, c’est ce que celui qui écrit transmet à son lecteur. Et ça, ça ne s’apprend pas dans des universités, ou dans le simple fait de lire. Il y a autre chose. Il faut péter un peu ces barrières. Quand on ressent quelque chose au fond de soi, il faut le faire. S’engager est déjà une première victoire. Il ne peut en sortir que du bon, même si ce n’est pas pour les autres, au moins pour soi.»

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Sur l'image caricaturale du footballeur, qui aurait tout dans les pieds et rien dans la tête

«C’est déjà bien d’avoir quelque chose dans les pieds, certains n’ont rien nulle part. Le footballeur qui joue en L1 a nécessairement les pieds et la tête. C’est une phrase qui n’a pas lieu d’être même si je comprends derrière ce que ça veut dire. L’intelligence est plurielle, elle a différentes formes. Les gens l’assimilent à ceux qui sont cultivés. L’intelligence n’est pas que la connaissance. OK, il y a des joueurs qui ont des difficultés à s’exprimer, qui ne maîtrisent pas bien le français, qui ne savent pas qui est Picasso, je prends un exemple un peu gros. Mais allez dire à quelqu’un qui connaît Picasso de faire les bons choix dans un match d’une heure et demie, en étant capable d’analyser les situations qui lui sont données.»

Sur l'intelligence du footballeur

«Ça me fait rire quand on dit que les footballeurs sont bêtes, idiots, qu’ils ne jouent qu’à la PlayStation. C’est vrai, beaucoup y jouent. Et d’ailleurs, il y a beaucoup de monde qui y jouent, pas que des joueurs de foot. Il faut être très intelligent pour jouer au football. On ne se rend pas compte. Déjà, c’est un jeu avec les pieds, la coordination est plus difficile qu’avec les mains. Quand les gens regardent, ils ont une vue aérienne. Toi, sur le terrain, tu es au même niveau que les autres et tu dois analyser une situation très vite, faire le bon choix et très bien le réaliser techniquement. Il faut que l’esprit jongle très vite. Il faut voir avant, le cerveau se met en alerte, un adversaire peut fermer ton angle de passe au dernier moment, un partenaire va se déplacer, etc. Le cerveau réfléchit en permanence, fait des calculs, et c’est pour ça qu’il y a des erreurs aussi. Quand tu finis un match, tu es rincé, tu es concentré intellectuellement pendant une heure et demi, t’as le cœur parfois à 180, tu es en zone rouge… Il faut une grande intelligence pour être footballeur. Et je ne me jette pas des fleurs, c’est pour tous les joueurs de foot. Ceux qui jouent se retrouveront dans ce que je dis. Il faut être capable de tout connecter très vite entre la tête, la vue, les pieds.»

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Sur l'étonnement provoqué par un footballeur qui écrit

«Il y a des préjugés. Alors ils ne sont pas toujours infondés. Il y a beaucoup de joueurs qui passent leur temps à ne rien faire, ou à être sur les réseaux sociaux, mais comme beaucoup de jeunes qui font partie de nouvelles générations qui grandissent dans un monde d’écrans. C’est comme ça aujourd’hui. Avec le trading et des clubs qui ne comptent plus que sur des potentiels qu’ils vont pouvoir revendre plus chers, les joueurs sont de plus en plus jeunes. Et à 20 ans, quand tu gagnes beaucoup d’argent et que tu es célibataire, quand tu n’as pas entraînement, tu t’amuses sur la Play avec tes copains, tu balances de l’argent dans une belle bagnole. Mais est-ce qu’on peut vraiment jeter la pierre ? Je ne suis pas sûr. Évidemment, il y a cette image qui colle un peu. Il y a des grands joueurs qui font parfois des choses qui sont un peu déplacées et on en fait vite une généralité. Tous les autres en pâtissent derrière parce qu’on fait partie du même milieu. Cela fait dix ans que je fais ça et il y a beaucoup de joueurs qui font plein de choses à côté du foot, qui ont plein de centres d’intérêts.»
 
Thomas Simon
 
Retrouvez l'interview de Paul Lasne dans le nouveau numéro de France Football en kiosque mardi ou ici en version numérique en cliquant ici