(L'Equipe)

Oualembo : «Depuis que je suis petit on m'appelle "Gros vieux"»

À 29 ans (il les fêtera dimanche), Christopher Oualembo a évolué dans six pays, joue dix instruments de musique et maîtrise une demi-douzaine de langues. Rencontre avec un ancien du PSG qui se voyait architecte avant de devenir international pour la RD Congo et qui évolue, forcément, à l'Académica.

«Comment vivez-vous cette deuxième saison à l’Académica qui lutte, encore, pour son maintien ?
On est à la limite de la nuit. Chaque week-end, on se bat pour faire plus, sauver ce club historique. On joue des finales toutes les semaines. Je suis serein. Je n’ai perdu presque aucun match comme titulaire. J’ai aussi conquis ma place en équipe nationale (RD Congo) où j’ai pris du galon. J’ai été nommé vice-capitaine. Je continue de travailler, je veux aider l’Académica autant que je peux.
 
Votre nom a circulé à Ipswich ces derniers jours. Est-il possible que vous quittiez Coimbra cet hiver ?
Il y a eu contact mais les tractations ont été entachées par l’implication de certains agents. Je ne pense donc pas que ça se fera. Cela dit, je reste optimiste pour l’avenir.
 
En juin prochain, vous serez libre. Où vous voyez-vous ?
Je n’ai encore aucune approche pour l’été prochain mais ce sera sûrement le temps de partir. J’ai 29 ans et j’ai envie d’un challenge sportif ambitieux, d’un club compétitif. Pour l’aspect purement financier, on verra plus tard mais, là, avec la CAN 2017 et les éliminatoires pour la Coupe du monde 2018, il y a des échéances importantes à venir.

Vous avez déjà joué en France, Espagne, Italie, Bulgarie, Pologne et au Portugal. Que justifie cette bougeotte ?
Il me faut de nouveaux défis sur le terrain mais aussi dans la vie. J’ai toujours envie de progresser, de gravir des échelons, ne pas rester sur mes acquis. Aujourd’hui, c’est difficile d’avoir une carrière à la Maldini. Ce qui a fait que j’ai bougé autant, c’est la réalité des pays que j’ai fréquenté. J’ai connu plusieurs présidents, plusieurs entraîneurs dans les clubs où je suis passé, ça a une conséquence. Ça m’a permis de découvrir diverses cultures, de parler plusieurs langues (français, italien, anglais, espagnol, lingala, portugais).
 
Justement, vous avez été formé au Paris-SG. Quel souvenir en gardez-vous ?
C’est là-bas que je me suis construit comme footballeur. Nous avions l’une des meilleures générations (Ngoyi, Sankharé, Mulumbu…) et des éducateurs excellents. C’était un plaisir de jouer ensemble. On comptait les uns sur les autres et on a d’ailleurs gardé contact.
 
Comment un ancien gamin du PSG, comme vous, perçoit-il les demandes d’Adrien Rabiot ?
Je ne le connais pas personnellement, donc je ne peux pas juger. Ce que je sais, c’est qu’à notre époque il était très difficile d’avoir sa chance en équipe première. Je ne parle même pas de talent mais d’opportunités. Le football a évolué. Nous ne pouvions pas nous étaler dans les médias. Si un de nos jeunes avait eu droit à un dixième du salaire actuel de Rabiot, il l’aurait pris avec plaisir, avec le sourire, juste parce qu’il allait évoluer dans le club où il avait été formé, au Parc des Princes. J’ai grandi à Achères, à deux minutes du Camp des Loges. Pour moi, le PSG c’était énorme.
 
Vous êtes le latéral qui a «baptisé» Neymar, pour son premier match en Europe avec le Barça. Il était comment ce jour-là ?
C’était en juillet 2013, lors d’un match de pré-saison. J’étais au Lechia Gdansk (Pologne). Il venait d’être élu meilleur joueur de la Coupe des Confédérations. Dès qu’il est entré, ça partait dans tous les sens. Ça échappe aux caméras mais il fait un nombre d’appels incroyable pendant ses matches. Je ne suis pas étonné de voir ce qu’il réalise depuis.

Vous êtes titulaire d’un Bac S, c’est peu courant dans le monde du foot professionnel…
Avant, j’étais surtout axé sur l’école. En CM1, j’ai même sauté une classe. Je voulais être architecte ou ingénieur en bâtiment. Après, avec le foot, c’était devenu compliqué. La musique aussi est très importante dans ma vie. Je touche à une dizaine d’instruments. J’ai commencé par le classique, puis je me suis tourné vers le jazz, j’ai appris le saxophone au conservatoire. Je me suis mis au piano tout seul et là je me mets à la guitare. Je continue aussi à étudier la philo.
 
Qu’est-ce que la philosophie vous apporte dans votre carrière ?
Je mets du football dans ma vie mais je ne mets pas ma vie dans le football. J’ai besoin d’avoir du recul. J’ai la chance d’avoir une fiancée qui me soutient, j’ai besoin de temps pour mes enfants. La religion aussi est importante pour mon équilibre. Je suis de ceux qui pensent qu’il n’y a qu’un seul Dieu. On est avant tout des hommes et on ne retiendra que ça. Si celui qui plante 50 buts par saison est une pourriture, on se souviendra de lui comme une pourriture.
 
Avez-vous l’impression d’être à part, dans ce milieu du foot souvent très superficiel ?
Depuis que je suis petit on m’appelle "Gros vieux". Quand tout le monde allait en soirée, moi je restais chez moi. Je ne fume pas, je ne bois pas. Je suis comme ça. J’aime optimiser mon temps. C’est peut-être une question de vécu, d’éducation. Je n’ai pas connu mon père. J’ai grandi avec ma mère. Quand j’ai connu la concurrence au PSG, j’ai eu besoin de trouver des réponses. Quand je voyais les autres avec leur père, je n’étais pas jaloux mais moi je devais trouver des réponses tout seul. Ma mère n’avait pas le temps. J’ai donc décidé de suivre ma direction.»

«J'ai grandi à Achères, à deux minutes du Camp des Loges. Pour moi, le PSG c'était énorme.»

«Je mets du football dans ma vie mais je ne mets pas ma vie dans le football.»

Nicolas Vilas (MCS)