(L'Equipe)

On a aimé... ou pas : notre débrief de la phase de poules de la CAN

Entre un trio Algérie-Egypte-Maroc au top, un Sénégal qui patine, Madagascar rafraîchissant ou encore des stades complètement vides, FF fait le bilan de la phase de groupes de la Coupe d'Afrique des nations.

On a aimé

Bounedjah, entre finesse et brutalité
S’il n’a pas encore ajusté la mire, ne plantant qu’un seul petit pion sur penalty jusque-là, Bounedjah a séduit tout son monde contre le Kenya et le Sénégal. De sa délicatesse dos au jeu, étalant ses talents entre les lignes et dans le jeu combiné face aux Harambee Stars, à son application de tous les instants face à Koulibaly et consorts, l’attaquant d’Al Sadd en impose. Ses mouvements incessants, sa première touche de balle et son entente avec Belaïli - son compagnon de longue date - ont donné le tournis à bien des défenseurs. Reste maintenant à exhiber son génie face au but… Djamel Belmadi, lui, peut tout de même se délecter de posséder un tel buteur à sa disposition. Slimani et Delort, eux, devront cravacher pour espérer un peu plus que des bribes de matches par-ci, par-là.

La formidable histoire malgache
C’est le coup de cœur de cette première phase. Quelle bouffée d’air frais que de voir cette équipe malgache réciter son football… Pour la première participation à la CAN de leur histoire, les joueurs de Nicolas Dupuis ne se sont pas contentés de faire de la figuration, bien au contraire. Toujours désireux de bien relancer le cuir depuis l’arrière-garde et de faire tourner le ballon avec simplicité et ambition, le collectif malgache nous a tout simplement conquis. Face à la Guinée (2-2), le Burundi (1-0) et le Nigeria (2-0), les Zébus ont enchaîné les belles prestations et se sont qualifiés haut la main pour les huitièmes de finale. Ils défieront le Congo dimanche à 18 heures. Hâte de les revoir !

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Farouk Miya a fait danser les défenses
Dès le premier samedi de la CAN, l’attaquant ougandais de 21 ans nous avait charmé par sa précision hors-norme sur coups de pied arrêtés. Son surnom ? «Le chasseur qui ne manque jamais sa cible». Et il ne l’a clairement pas volé. Double passeur décisif lors de l’entrée en lice de l’Ouganda contre le Congo, il a eu un peu plus de mal contre le Zimbabwe, avant de se montrer à nouveau indispensable dans le jeu contre l’Egypte. Alors que se profile un très délicat Ouganda-Sénégal, les Grues auront besoin d’un Miya rock'n roll pour tenter de créer l’exploit…

La solidité et la quasi-mainmise des pays d’Afrique du Nord
Un trois sur trois, zéro pion dans la besace et quelques séquences de haute volée. Il n’y a pas à dire, l’Egypte, le Maroc et l’Algérie vont crescendo et se sont offerts un joli sans-faute. Dans une compétition où les certitudes collectives sont rares, ces trois sélections ont affiché de solides dispositions. Aussi bien défensivement qu’offensivement. Et forcément, ça aide. Malgré deux victoires à l’arraché face à la Namibie et l’Afrique du Sud, les ouailles d’Hervé Renard s’étaient amusées de la Côte d’Ivoire (1-0). Même chose pour les troupes de Djamel Belmadi, venues battre le grand favori du tournoi, le Sénégal (1-0), se jouant aussi de la faible Tanzanie (3-0). Le pays organisateur, lui, dans le sillage d’un Salah appliqué et d’un Trezeguet inspiré, n’a jamais vraiment tremblé, disposant de ses adversaires plutôt commodément. Au demeurant, ces trois escouades se démarquent et ont une bonne tête de favori difficile à renverser.

On n'a pas aimé

Le Sénégal un brin inquiétant
Absence de fluidité, manque de créativité, déficit de spontanéité… Le Sénégal d’Aliou Cissé, considéré comme un des favoris de cette CAN, n’a pas totalement convaincu. Surtout lors de la très attendue confrontation face à l’Algérie (défaite 1-0) où, dans le sillage d’un Mané effacé, les Lions de la Teranga s’étaient montrés amorphes et impuissants. S’ils se sont finalement qualifiés à la faveur de victoires contre les peu expérimentés kenyans (3-0) et tanzaniens (2-0), leurs carences dans l’utilisation du ballon ne rassurent pas. Seul motif de satisfaction : le bloc défensif, porté par le roc Koulibaly. Essentiel pour aller décrocher un premier sacre en CAN. Il leur faudra toutefois se montrer plus précis dans les transmissions, plus inspirés dans les enchaînements et plus concernés de manière générale, à l’instar de cette course d’élan - un poil désinvolte - de Mané lors de son penalty manqué contre le Kenya…

Les stades vides
C'était l'un des risques d’organiser cette Coupe d'Afrique des nations en Égypte : la distance et le prix des déplacements allait en refroidir plus d'un, et ce malgré la décision du comité d'organisation de baisser le prix des billets fin avril. Et cela s'est ressenti sur les phases de groupes : hormis pour les matches de l'Égypte, pour lesquels le public local a bien répondu présent, les stades du Caire, de Suez, d'Ismaïla et d'Alexandrie étaient désespérément vide. Dans de vastes enceintes (20 à 30 000 places pour la plupart, 75 000 pour le stade international du Caire), ces affiches de la CAN sonnaient tristement creux. Question image, ç’a la foutait franchement mal. Et comme le spectacle n'était généralement pas au rendez-vous sur le terrain non plus, ça donnait souvent des matches bien ternes. On espère voir plus de vie en tribune dès les huitièmes…

Une petite Tunisie
Deuxième de son groupe avec trois petits points et autant de matches nuls, la Tunisie a déçu sur ce premier tour… Après une belle préparation et notamment une victoire de prestige contre la Croatie, les Aigles de Carthage étaient attendus au tournant dans cette CAN 2019. Et ils n’ont pas pris le bon virage… Insipides et monotones dans le jeu, les hommes d’Alain Giresse ont été LA mauvaise surprise de ce premier tour au rang des formations attendues. Et pourtant, avec Msakni, Khazri, Slii ou Badri, il y a de quoi à la création du ballon… Il faudra réagir en huitième contre le Ghana, au risque de prendre la porte.

Le nouveau format de la CAN
À l’instar de l’Euro 2016, la CAN 2019 a présenté sur la ligne de départ vingt-quatre équipes. Et à l’instar de l’Euro 2016, seulement huit sélections ont été éliminées au terme des matches de poules et seize ont rejoint la phase finale, grâce au système de meilleurs troisièmes. Parmi elles, la RD Congo, pourtant en pleine crise pendant la compétition et seulement vainqueur de son troisième match contre un faible Zimbabwe (0-4). Ou encore le Bénin et la Tunisie, qui n’ont pas encore remporté la moindre rencontre et qui accèdent tout de même au tableau final. Un tout petit écrémage qui pourrait offrir des huitièmes de finale peu emballants et peu attractifs. À moins qu’une surprise émerge. À l’Euro 2016, c’est le Portugal, un des quatre meilleurs troisièmes de la phase de groupe, qui avait été sacré… Sait-on jamais.

Les matches à 16h30
Sept matches se sont joués à 16h30 lors du premier tour de cette CAN 2019... et la quasi-totalité se sont transformés en purges. Assommés par la chaleur et l’humidité de l’été égyptien, avec des températures montant souvent jusqu’aux 40 degrés en pleine après-midi, les équipes qui ont hérité de ces matches ont eu du mal à briller. Huit petits buts seulement ont été inscrits à cette horaire, jamais plus de deux buts sur un match et quatre 1-0. Fort heureusement, à partir des huitièmes de finale, toutes les rencontres se joueront en soirée (18 heures ou 21 heures).

Alexander Aflalo, Mehdi Arhab, Augustin Audouin et Nicolas Jambou