(L'Equipe)

Moussa Diaby, naissance programmée

Bercé au Camp des Loges et à la métamorphose étoilée du PSG, l'attaquant français a dû traverser la frontière franco-allemande pour s'épanouir. Une explosion comme une évidence, à en croire ceux qui l'ont côtoyé, dans le contexte favorable du Bayer Leverkusen.

Bras dessus bras dessous, ils célèbrent un nouveau but marqué de leur sceau. La pause sanitaire n’a rien changé. Jeunes, enthousiastes, impertinents et audacieux, ils renforcent encore un peu plus l’image d’une Bundesliga taillée sur-mesure pour les jeunes. Kai Havertz n’est pas nouveau. Mieux, il est, à 20 ans, déjà très expérimenté. Mais pour Moussa Diaby, bizuth du foot allemand, la découverte de ce nouveau monde prend déjà un tournant positif. «Depuis novembre, il est passé d’un statut d’impact player à 15 minutes à celui de meilleur joueur excentré d'une équipe avec une tonne de talents similaires comme Karim Bellarabi ou Leon Bailey, lance d’entrée Abel Meszaros, analyste Bundesliga pour SportTV et StatsBomb. Il l’a réussi avec ses dribbles, ses capacités en un contre un, comment il fait progresser le ballon… Maintenant, il est l’un des premiers noms sur la feuille de match.» Arrivé à Leverkusen l’été dernier du Paris Saint-Germain, alors que le «titi sacrifice» relève d’un enjeu économique crucial, Moussa Diaby a pris le temps de s’acclimater. Doucement, tranquillement, l’international Espoirs s’est fait sa place. «J’ai eu un début de saison compliqué sans temps de jeu, explique-t-il désormais à Téléfoot. J’ai dû travailler, faire des efforts et ça se passe bien. Quand tu changes de pays, tu changes automatiquement de langue, [...] tu es loin de la famille, de tes amis. Tu découvres tout.»

Surprise, pression et Gambardella

Une percée dans l’élite, à l’instar de Christopher Nkunku ou Dan-Axel Zagadou, loin d’étonner ses anciens compagnons de fortune, entre autres parisiens. «Ça ne me surprend pas de le voir à ce niveau-là», éclaire Alexis Giacomini, de la génération 98 ; «Un gros bosseur, un compétiteur et un vrai joueur de foot, donc tout sauf une surprise», assure Enzo Loiodice, coéquipier en France U20 ; «Je n’en attendais pas moins de lui», complète Arnaud Luzayadio, d’un an son cadet. Plus que le talent, le premier voit même dans cette explosion un trait de caractère : «Il n’a jamais eu peur de la pression. Il ne s’est jamais posé trop de questions. Il ne se prend pas la tête et il n’a jamais été impressionné. Il supporte la pression.» Un aspect mental qui, associé à une qualité balle au pied innée et une dangerosité permanente, explique des performances depuis longtemps remarquées.

«Il prend beaucoup de risques, porté vers le but avec son accélération...»

«Son point fort, c’est la percussion, détaille Luzayadio. Il va essayer de créer le déséquilibre dans la défense quand il est face au jeu. Sans le vanter, à presque tous les matches avec nous, il faisait des différences. Un jour, j’étais sur le banc en quart de finale de Gambardella contre Lens et, de l’extérieur, tu voyais encore mieux ce qu’il faisait. Ce match-là, chaque fois qu’il touchait la balle, il y avait danger.» «Il prend beaucoup de risques, porté vers le but avec son accélération, agrémente Giacomini. Il amène des ballons dans la surface, avec un jeu offensif à risques. Il peut perdre des ballons mais il va faire la différence une ou deux fois dans le match et cela suffit.» Comme face au Werder Brême, par exemple, où ses deux passes décisives ont assuré un succès probant autant qu’affirmé la montée en puissance du jeune gaucher.

Docteur Moussa, Mister Diaby

Une confirmation qui se veut néanmoins discrète. Réservé d’extérieur, la voix encore hésitante sur ses quelques petites interventions médiatiques, Moussa Diaby n’a pas le bagout et l’extravagance de certains de ses pairs. «Mais c’est loin d’être un garçon discret, tance Alexis Giacomini, plongé dans ses souvenirs du centre de formation. En dehors, peut-être, mais pas dans un vestiaire. Il est très chambreur, il parle fort. Les interviews, parler en public, s’afficher en dehors, ce n’est pas trop son truc. Mais avec ses potes et ses coéquipiers, il est dans le chambrage. Un vrai footballeur. [...] Je me souviens d’une fois où lui et deux-trois joueurs passent dans le couloir, on était en classe et on les chambre. On leur dit que c’est la classe des ratés. Il l’avait mal pris, mais toujours dans la rigolade. C’était ça, l’ambiance du PSG.» Une caractéristique qu'Enzo Loiodice résume en un parallèle : «C'est un régal de jouer avec lui, jamais avare d’effort, toujours disponible. Ça représente ce qu’il est dans la vie de groupe. Généreux !» Enfant du 19e arrondissement de la capitale, pur gosse de la métropole parisienne, Moussa Diaby y a fait ses gammes sans griller les étapes : club modeste mais formateur, Paris Saint-Germain, sélections françaises de jeunes - U18, U19, U20, Espoirs - puis découverte du monde pro malgré un prêt infructueux en Italie et enfin exil heureux à l’étranger.

Flash. (Thorsten Wagner/WITTERS/PRESSE/PRESSE SPORTS)

Bosz, du travail de pro

Juste avant, sous l’égide de Thomas Tuchel, le titi plonge dans le grand bain. Une apparition par ci, une autre par là, et une relation fusionnelle avec son coach, de bon conseil au moment de choisir sa prochaine destination. «L’Allemagne, j'en avais parlé à Thomas Tuchel, qui souhaitait me conserver, expliquait le principal intéressé à L'Équipe. Mais quand je lui ai fait part de mon envie de jouer plus souvent, il m'a affirmé que l'Allemagne conviendrait parfaitement à mes qualités.» Bien lui en a pris. À Leverkusen, Moussa Diaby a trouvé le point d’épanouissement d’une jeune carrière et, comme cela va souvent de paire, un contexte fait pour l’expression.

«Ça ne me surprendra pas non plus qu'il explose encore davantage...»

De sa bromance technique avec Kai Havertz à, surtout, une compatibilité avec Peter Bosz, romantique entraîneur du Bayer. «Il est une aubaine pour tout jeune attaquant car il est un Cruyffista assumé, décrypte Abel Meszaros. Il pense qu’il faut étouffer l'autre équipe avec la possession et un contre-pressing vraiment bien structuré. Il a un passé dans le développement de jeunes talents, à l’Ajax avec Kasper Dolberg ou Justin Kluivert comme à Leverkusen avec Julian Brandt. Donc c’est vraiment une bonne chose.» Reste donc à dégrossir les aspérités d’un jeu encore juvénile - «excès de dribbles, choix de passe et contribution défensive», dixit Meszaros - et poursuivre sur cette lancée. Ligue des champions, Jeux Olympiques, équipe de France… Les objectifs sont élevés. Arnaud Luzayadio encore : «Son niveau, ça ne me surprend pas, et ça ne me surprendra pas non plus qu’il explose encore davantage.» Prophétie tenue, Moussa Diaby a rendez-vous avec l’avenir.

Antoine Bourlon

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