mostefa (mehdi) (F. Faugere/L'Equipe)

Mehdi Mostefa (SC Bastia) au sujet de plusieurs décisions arbitrales : «Quand c'est récurrent, ça devient un peu gênant»

Avec deux points d'avance sur Nancy, 19e, le Sporting club de Bastia est loin d'effectuer une saison idéale. Mehdi Mostefa, le milieu corse, revient sans tabou sur ces difficultés et sur la relation difficile qu'entretient son club avec le corps arbitral.

«Avec onze points après douze journées, quelle note mettriez-vous au Sporting pour son début de saison ?
(il sourit) Une note, c’est compliqué. Je vais donner tout juste la moyenne. On est dans une position délicate.

Comment expliquez-vous ces difficultés ?
Il ne faut pas se cacher derrière les mots : on a des difficultés. Si on compte onze points après douze journées, c’est qu’il y a un déficit quelque part. On a manqué de réussite sur certains matches, notamment à domicile où on a touché les poteaux alors qu’on devait s’imposer. Ça nous fait défaut aujourd’hui.

Entre un mélange de jeunes et de joueurs d’expérience, la greffe met-elle plus longtemps à prendre que prévu ?
Non, dès que les recrues sont arrivées, elles se sont très bien intégrées au groupe. Ça s’est retranscrit sur le terrain par les bons passages qu’on a eus (NDLR : trois victoires lors des sept premières journées). En ce moment, on manque vraiment de réussite. On a pourtant de la qualité, il faut que ça prenne, le temps presse. À nous de ne pas prendre de retard.

«Il faut être encore plus tueur»

Bastia n’est-il pas, finalement, à sa place au regard du niveau des effectifs de ce Championnat ?
On espérait avoir cinq points de plus actuellement. Ça ferait la différence et ça nous placerait au milieu de tableau, qui correspond davantage à notre rendement.

Il faudrait donc retrouver ce qui faisait la force du club ces dernières saisons : l’efficacité à la maison (seulement deux victoires en six matches cette saison ; le SCB avait terminé cinquième meilleure équipe à domicile en 2015/16)…
Oui, notre force est de gagner des matches à domicile. Si on ne le fait pas, ça devient en effet compliqué. Il faudrait retrouver cette dynamique. À nous de faire ce qu’il faut pour être encore plus tueur devant la cage (NDLR : Bastia est la 17e attaque de L1 avant la 13e journée), et là je ne parle pas que pour nos attaquants. Donc la clé est d’être plus réaliste et d’avoir ce petit brin de chance qui nous feraient gagner.

Votre dernière victoire toutes compétitions confondues remonte désormais au 24 septembre (un nul et quatre défaites en L1, avec une élimination à domicile en seizièmes de finale de Coupe de la Ligue par Guingamp)…
Ça fait long. Vous rentrez dans une spirale où vous manquez de confiance, ça fait un peu gamberger dans les têtes… C’est un enchaînement de petites choses qui fait que vous êtes un peu moins bien...

À 33 ans, avez-vous un rôle important dans ce vestiaire ?
Oui. Quand on prend un peu d’âge, forcément, on arrive à avoir plus de recul, on voit les choses un peu autrement, surtout avec des jeunes qui arrivent. Sur le terrain et en dehors, c’est important de communiquer avec eux, de leur faire part de la petite expérience qu’on a et partager ce qu’on a ressenti durant toutes ces années. J’ai connu plus de saison à jouer le maintien, j’essaie donc parfois de dire les choses.

«Souvent, les adversaires nous disent : "Ça y est, tu fais le fou parce que tu es en Corse"»

Comment appréciez-vous votre passage au Sporting depuis votre arrivée à l’été 2015 ?
C’est un club très familial, ça me correspond bien, même si c’était également le cas à Lorient. Ça s’accorde à mes valeurs. Je me plais ici.

Décrivez-nous l’esprit corse…
Ce sont des gens qui sont très fidèles en amitié. Il faut gagner leur confiance. On va dire qu’il ne faut pas se louper avec eux car ils vous donnent leur confiance, et derrière, si on se loupe, ils vous la retirent et ça devient compliqué. Même s’il faut garder son caractère et sa personnalité. Souvent, les adversaires nous disent : «Ça y est, tu fais le fou parce que tu es en Corse.» Conserver son identité, c’est très important. C’est vrai qu’il faut s’imprégner de ce qu’il y a ici, l’esprit guerrier, le fait de ne rien lâcher, de toujours mouiller le maillot. C’est ce qui fait leur force depuis des années. Je me suis fondu dans la masse, sans jamais changer ma manière de penser ou de fonctionner.

Aviez-vous un a priori en signant à Bastia ?
Non, pas du tout. J’avais reçu des conseils de Ryad (NDLR : Boudebouz, Bastiais entre 2013 et 2015). Il m’en avait dit le plus grand bien. Je connaissais certains joueurs et j’avais moi-même déjà évolué à Ajaccio (entre 2011 et 2014), donc je maîtrisais le contexte. En plus, ça m’a rapproché de ma famille, donc tous ses éléments ont fait que je n’ai pas hésité.

Mehdi Mostefa, ici devant Jean-Louis Leca, expulsé face à Lyon lors de la 12e journée. (A. Martin/L'Equipe)

Vous avez, du coup, découvert ou redécouvert les soucis bastiais avec l’arbitrage…
Oui, mais bizarrement, le paradoxe, c’est que je m’entends de mieux en mieux avec les arbitres (il sourit). Par rapport au début de ma carrière, j’ai un meilleur échange avec eux, j’ai mis de l’eau dans mon vin. Mais comme on l’a vu ces derniers temps, c’est vrai qu’il y a parfois des décisions qui sont difficiles à accepter. C’est ce qui a fait polémique. On dit que l’erreur est humaine, que l’arbitre peut se tromper, oui, mais jusqu’à un certain point... Quand c’est récurrent, ça devient un peu gênant.

En parlez-vous souvent dans le vestiaire ?
On en parle sur le coup parce que ça agace, ça vous fait perdre des points et des joueurs. Et un club comme nous n’a pas le temps d’avoir ces handicaps, on en a assez avec notre quotidien, alors si on nous en rajoute, ça devient très compliqué.

Sentez-vous que le regard du corps arbitral est différent quand Bastia est sur le terrain ?
Personnellement non. Des décisions sont parfois sévères, c’est vrai. Quand vous prenez un carton jaune dès la première faute, ça devient difficile de finir un match… D’autres font des fautes et récoltent simplement un voire deux avertissements verbaux, ils (les arbitres) sont plus cléments à ce niveau. Avec la mentalité qu’on a, je pense qu’ils veulent nous calmer tout de suite par peur qu’on en abuse après, alors que ce n’est pas du tout le cas ! Le discours ce n’est pas «Allez, on y va, on fonce dedans», on essaie de produire du jeu.

La déclaration de votre entraîneur, François Ciccolini, après le match perdu à Lyon a fait polémique*. Comment avez-vous réagi dans le vestiaire ?
On connait le coach. C’était une réaction à chaud comme beaucoup d’entraîneurs ont à la fin des matches. Je pense qu’il y a une petite part de vérité. Sur le coup de la colère, il réagit comme ça, mais si vous le connaissez un peu plus, vous savez qu’il est très famille, qu’il prend soin de ses joueurs, qu’il est très avenant. Oui, il attend ce match retour avec impatience, mais il n’aura pas du tout le même discours qu’il a eu récemment.

«On dit que l'erreur est humaine, que l'arbitre peut se tromper, oui, mais jusqu'à un certain point...»

«On peut s'attendre à tout avec les Algériens»

Un dernier mot sur les difficultés actuelles de la sélection algérienne (il compte 25 capes)…
C’est compliqué. Je suis ça de près, j’y ai vécu de belles années. Je leur envoie des messages de soutien avant chaque match. Le Nigéria a déjà cinq points d’avance donc la situation est difficile. Mais il reste des points à prendre, et tant qu’il y a de l’espoir... Et puis on peut s’attendre à tout avec les Algériens (il sourit). Il ne faut pas baisser les bras et continuer. Je leur souhaite tout le bonheur. Les voir en Russie en 2018 serait quelque chose de magnifique.»

*L’entraîneur corse avait déclaré : «Quand il faudra venir à Bastia, il ne faudra pas avoir la grippe, ni la gastro. Parce que cela va se régler comme d'habitude, comme des hommes, comme des Corses.»

Timothé Crépin