Soccer Football - Africa Cup of Nations 2019 - Group D - South Africa v Morocco - Al Salam Stadium, Cairo, Egypt - July 1, 2019 Morocco's Mbark Boussoufa celebrates scoring their first goal REUTERS/Amr Abdallah Dalsh (Reuters)

Mbark Boussoufa (Maroc) : «Si Renard avait décidé de ne pas me convoquer, j'aurais trouvé ça normal»

Elu deux fois hommes du match dans cette CAN 2019 et buteur héroïque face à l'Afrique du sud (1-0), Mbark Boussoufa est l'un des grands artisans de l'excellent parcours des Lions de l'Atlas. Le milieu de terrain de 34 ans s'est livré sur cette compétition et sur son futur adversaire en huitièmes de finale : le Bénin.

«Trois victoires en trois matches pour le Maroc, c’est un sans-faute. Vous vous y attendiez ?
Je pense que personne n’attendait réellement ça parce que notre préparation n’était pas satisfaisante. Même si les matches n’avaient pas d’enjeu, quand tu perds deux fois (face à la Gambie et la Zambie), c’est délicat. On a été critiqué mais on a répondu sur le terrain avec 9 points pris sur 9.
 
Cette année, on a l’impression que le Maroc a aussi de la chance, avec notamment un csc en votre faveur à la 89e contre la Namibie (1-0), ce qui n’était pas le cas avant…
Pour le moment, c’est pour nous… Mais bon, c’est le football. Ça peut vite tourner. L’année dernière, à la Coupe du monde, on perdait sur un but contre notre camp à la 95e face à l’Iran (0-1). Là, c’est en notre faveur. Parfois, en jouant bien, on perd alors que d’autre fois en jouant mal on va gagner. C’est comme ça.
 
En huitièmes de finale ce sera donc le Bénin pour les Lions de l’Atlas. Comment abordez-vous ce match ? 
Ce sera dans la continuité de cette CAN : très difficile. Les matches se ressemblent souvent de toute façon. Ça se joue à des détails, tu peux dominer et prendre un but. On doit se préparer à ça. Après, le Bénin, même s’il est méconnu, c’est un adversaire à ne surtout pas sous-estimer. Ils ont battu l’Algérie en qualification, ils ont tenu tête au Cameroun (0-0) et au Ghana (2-2) donc ils ne sont pas là pour rien. 
 
Le Maroc a toujours eu du mal face à des équipes regroupées, ce qui sera sans doute le cas du Bénin…
Oui c'est clair. Aujourd’hui, les équipes ne nous regardent pas comme avant. Elles sont souvent sur la défensive. Il faut réussir à débloquer ce genre de match très tôt mais ce n’est pas évident parce que ça joue bas. Nous, on a souvent du mal à être patient, on veut trop se précipiter. Quand on joue des équipes qui osent attaquer, on est plus à l'aise parce qu'on a des joueurs d'espaces. 
 
Contre l’Afrique du sud, le Maroc a eu du mal et Hervé Renard n’était pas satisfait. Que faudra-t-il corriger ce vendredi ? 
En deuxième mi-temps, on a été beaucoup mieux parce qu'on a su mettre en place notre football. On sait ce qu’on doit faire. Peut-être que dans certaines phases, on doit être plus concentré, plus appliqué encore. On peut toujours s’améliorer dans notre jeu mais à la fin, c’est le résultat qui compte. 
 
Au niveau personnel, vous avez connu une saison compliquée. Vous n’aviez pas de club pendant 6 mois et pourtant, Vous réalisez pour l’instant une très bonne compétition…
Au début de saison, c’était vraiment dur. Mais c’était mon choix. Même sans club, j’ai continué à m’entrainer pour être bien physiquement. Arriver à un certain âge, certains peuvent prendre du poids plus facilement mais ce n’était pas mon cas. De base, je ne suis pas très lourd donc j’ai su rester en forme. En deuxième partie de saison, j’ai joué quasiment tous les matches donc j’étais bien et prêt.

«Ma dernière chance...»

Vous n’avez jamais eu peur de perdre votre place et de ne plus être appelé en sélection ? 
Je n'avais pas de raison d’avoir peur. Si Renard m’avait dit "Bouss, je ne t’appellerai plus", j’aurais accepté parce qu’il a tous les droits. Ça aurait été normal. Mais j’étais toujours présent. Il y a des hauts et des bas, ce sont des choses qui arrivent. Je n’étais pas seul dans cette situation, il y avait Nabil Dirar également. Ça fait partie d’une carrière. Malgré ça, depuis trois ans on a un bon groupe, c’est comme une famille. On est toujours ensemble et on croit tous en chacun.
 
Justement, vous faîtes partie d’une génération talentueuse qui n’a jamais rien gagné avec le Maroc. Pourquoi cela peut-il être diffèrent aujourd’hui ?
Ça fait longtemps qu’on se connait. Et je crois aussi que c’est grâce au coach. Il a fait un très gros travail. Il comprend le football africain et a su installer une nouvelle mentalité. C’est peut-être ce qu’il nous manquait.
 
Quelle est cette mentalité ?
L’équipe et le groupe seront toujours plus important qu’une individualité. Se battre les uns pour les autres, c’est ce qu’il nous a enseigné. En Afrique, ce n’est pas qu’une question de talent. Ce qui te fais gagner, c’est comment tu te bats pour tes coéquipiers, ce que tu fais pour l’équipe. Il nous a aussi aidé dans notre jeu. Ce n’est pas un hasard s’il a gagné deux Coupes d’Afrique. Ce qu’on a accompli comme se qualifier à la Coupe du monde après 20 ans, ça nous sert. La fédération a fait un gros travail aussi. J’espère que ça continuera ainsi.
 
Quand on entend les joueurs parler d’Hervé Renard, on a l’impression qu’il y une forme d’admiration à son égard… 
Oui et ça va dans les deux sens. Il est correct et n’hésite pas à dire les choses quand il faut. Il tire le meilleur de chacun. Au-delà d’être un bon coach, c’est surtout une bonne personne. Je pense que les trois ans et demi qu’il fait, on a rarement vu ça au Maroc. Il nous a donné beaucoup et on veut lui rendre sur le terrain. C’est comme quand un mec va au travail et qu’il apprécie son boss, logiquement il fera du bon boulot. Avec lui, c'est pareil. 
 
Le coach s’appuie énormément sur viys. Vous êtes le vice-capitaine et avez un rôle particulier dans le vestiaire...
Pas forcément. Je suis juste un gars qui a beaucoup joué pour l’équipe nationale. Ça fait treize ans que je suis là donc je sais comment ça fonctionne. J’essaye de donner mon avis et de parler avec les autres. Mais je ne suis pas le seul, il y a aussi Medhi (Benatia), Karim (El-Ahmadi) ou Nabil (Dirar) par exemple. On a une bonne relation avec les jeunes. Tout le monde se respecte et c’est le plus important si on veut faire quelque chose. 
 
C’est peut-être l’année ou jamais pour vous et cette génération de marquer l’histoire ?
Oui c’est clair. Et on donne tout pour, on veut vraiment y arriver. On fait notre maximum pour aller loin et atteindre l’objectif fixé. Ça compte vraiment pour nous. Moi, c’est ma dernière chance parce que c’est ma dernière CAN.»

Hanif Ben Berkane