(L-R) Maxime Chanot of Luxembourg, Arjen Robben of Hollandduring the FIFA World Cup 2018 qualifying match between Luxembourg and Netherlands on November 13, 2016 at the Stade Josy Barthel in Luxembourg City, Luxembourg *** Local Caption *** (L'Equipe)

Maxime Chanot (Luxembourg) : «Quand Patrick Vieira m'a appelé, j'étais comme un gosse»

Samedi face aux Bleus, le défenseur luxembourgeois né en France s'apprête à jouer un drôle de match. D'autant que Maxime Chanot est dirigé à New York par une des légendes du football français, Patrick Vieira en personne. Découverte d'un globe-trotter qui n'a rien d'un touriste.

«Vous êtes né à Nancy, vous avez été formé à Reims et vous allez affronter la France. C'est forcément un match particulier, non ?
Oui et non. Ca l'est surtout pour la famille de mon père qui est française. Ils sont vraiment excités par ce rendez-vous, plus que je ne le suis finalement. Moi, je suis totalement luxembourgeois donc c'est presque un match comme les autres, même si c'est un peu spécial quand même. J'essaie aussi de normaliser ce rendez-vous, histoire de ne pas laisser trop d'influx avant le match. Du coup, je filtre un peu les appels de mes proches qui veulent me parler de ce match (rire). Moi, je n'ai jamais rêvé des Bleus car très tôt je me suis senti Luxembourgeois du fait de mon histoire personnelle.
Même quand vous étiez adolescent en centre de formation à Nancy, puis à Reims, vous ne rêviez pas de football français ?
Pas vraiment. J'ai toujours eu conscience que la Ligue 1 est un des cinq championnats majeurs en Europe. Mais si on parle de mes rêves d'ado, ils allaient plutôt vers l'Angleterre ou les très grands clubs comme Barcelone, le Real, le Bayern, etc. C'est aussi pour ça que quand Sheffield United est venu me chercher à dix-sept ans pour signer mon premier contrat pro, je n'ai pas hésité. Bien sûr, avec le recul, c'était peut-être une erreur de partir aussi tôt. Mais un premier contrat pro avec un club de Premier League quand on est en centre de formation en Ligue 2, c'est compliqué à refuser. C'est vrai que ça ne s'est pas passé comme je le voulais car je n'étais pas prêt, ni sur le plan football ni sur le plan humain, à effectuer un tel changement. La vie dans le nord de l'Angleterre, c'est quelque chose. Rien que la langue, ça roule des «r» à tout-va (rire). Et puis quand j'ai pu jouer un peu en Championship, j'ai compris ce qu'était un duel. Avant je croyais que ça commençait quand le ballon arrive vers vous et l'attaquant. Mais en fait, ça débute bien avant, le jeu de corps, les coups de coude et d'épaule, bien avant l'action, quand l'arbitre et les caméras regardent ailleurs. Ca m'a servi pour plus tard, on va dire (sourire).

Ca ne vous a pas tellement servi en France car au Mans et à Gueugnon, ça ne s'est pas très bien passé.
Au Mans, je devais tout réapprendre. J'avais passé deux ans en Angleterre à jouer des duels, et en France je devais m'habituer à un jeu de possession posé, ça n'a pas été simple. Et à Gueugnon, c'est l'époque où Tony Vairelles a repris le club et ça s'est mal fini. C'était un super mec, qui voulait faire un truc avec son cœur. Mais il n'était sans doute pas assez structuré, et peut-être un peu naïf pour diriger un club pro. Assez vite, il y a eu des soucis de paiements, des problèmes en tout genre, c'était le bordel. A ce moment-là de ma carrière, j'ai un peu douté, forcément. Est-ce que je vais enfin réussir ? Heureusement, je ne me suis pas trompé de nouveau en allant en Belgique. L'idée était d'être dans une ligue d'élite pour continuer à rester dans les radars, car dès que l'on tombe dans les divisions inférieures, si on n'est pas un attaquant, c'est compliqué de revenir vers le haut niveau. En finissant deux fois dans l'équipe type de la Jupiler League, j'étais de nouveau en position de rebondir. De bons clubs de Championship se sont intéressés à moi, un club de Serie A aussi.

Pourtant, vous avez filé en MLS à New York City. Pourquoi ce choix ?
Parce que c'est une ligue en plein essor. Et puis quand Patrick Vieira m'a appelé, j'étais comme un gosse. C'est un des joueurs qui m'a le plus donné envie de jouer au football. Il m'a expliqué qu'il avait besoin d'un joueur d'impact en défense et qu'il me voulait. En plus, ce sont les propriétaires de Manchester City qui possèdent le club, Patrick et le staff viennent de là-bas, donc tu sais que c'est solide et très pro. Et enfin, combien de joueurs ont la chance une fois dans leur vie de côtoyer des légendes comme Andrea Pirlo, David Villa et Frank Lampard ? Ce sont des joueurs hors normes qui ont une humilité incroyable mais aussi une exigence au quotidien comme je n'en ai jamais vus. Avec Patrick Vieira aux manettes, il se dégage une culture de la gagne hallucinante. C'est simple, en même pas huit mois, j'ai progressé comme jamais. Je sais qu'en France, vous avez un peu de méconnaissance de la MLS, vous croyez que ça joue à un niveau CFA. Pourtant, on a neuf internationaux rien que chez nous, on joue contre des gars comme Giovinco qui aurait leur place dans presque n'importe quelle équipe de Ligue des champions. Franchement, dans la plupart des clubs de L1, personne ne peut en dire autant. Et je ne parle même pas des installations et de la logistique. Andrea, David et Frank disent que c'est digne de ce qui se fait de mieux en Europe. Si tu ajoutes la qualité de vie et les stades toujours pleins, je suis prêt à prendre les paris : dans dix ans, la MLS sera une des ligues majeures dans le monde. Le dernier verrou, c'est le salary cap qui freine encore le recrutement. Mais devant le succès du Championnat, je pense que les Américains vont vite faire le nécessaire. Et moi, je suis fier de faire partie de cette aventure là. Et j'ai envie de prouver que les joueurs de MLS sont largement au niveau.

Le match de samedi, c'est une belle occasion pour cela ?
Je l'espère. On connait l'équipe de France et cette nouvelle génération qui commence à faire parler d'elle. Avec les joueurs de NY, on a regardé le match de Manchester City face à Monaco et c'est vrai que Mbappé, c'est très fort. Je ne sais pas s'il sera dans ma zone. De toute façon, on est concentré sur nous-mêmes car on sait que quels que soient les joueurs alignés par Didier Deschamps, ce sera du lourd. Mais nous, on a vraiment envie de démontrer que l'on peut faire bonne figure même face à l'une des meilleures équipes d'Europe.»

Propos recueillis par Dave Apadoo