BARCELONA -09 september- SPAIN: Marlon during the training before the match against Alaves, on 09 september 2016. Photo: Joan Valls/Urbanandsport/Cordon Press *** Local Caption *** (Joan Valls/CORDON/PRESSE SPORT/PRESSE SPORTS)

Marlon Santos : «Si tu ne comprends pas un concept, Roberto De Zerbi te reçoit dans son bureau...»

Après Fluminense, le Barça et Nice, le défenseur brésilien s'installe à Sassuolo où il poursuit sa progression. Chapeauté par Lucien Favre puis Roberto De Zerbi, il nous livre un entretien passionné et teinté de préceptes tactiques.

«Marlon, comment se passe le confinement en Italie ?
C'est difficile. Tu restes à la maison comme tout le monde. Mais c'est comme ça. On s'occupe avec d'autres choses et on essaye de profiter au maximum de sa famille, de sa femme, de son fils. Et puis on laisse le temps passer... C'est la meilleure chose à faire.
 
Le club vous accompagne ?
Oui, bien sûr ! Le préparateur physique nous envoie des programmations pour la semaine. Et chaque jour, il y a une série d'exercices à réaliser et le club nous suit. C'est du travail spécifique au niveau de la musculature pour se renforcer un petit peu. Mais, à l'image des blessures, je crois que la vie ramène des choses comme ça pour t'offrir quelque chose de meilleur après.
 
Qu'est-ce que vous gardez de votre passage à Nice, en 2017-18 ?
Je garde les bons moments, et les victoires. Par exemple le premier match que j'ai joué, contre Monaco. Il m'a beaucoup marqué. Une victoire 4-0. C'était mes débuts avec l'équipe et c'est un bon souvenir, car en plus du match et de la victoire, c'est un derby pour la ville. Et au-delà du football, je garde les amis. Dante, Walter Benitez, Jean-Michaël Seri... Ils m'ont très bien accueilli et je garde contact avec eux. Ce sont des bonnes personnes. J'y suis même resté un peu là-bas à la fin de ma saison pour connaître davantage la ville. C'est vraiment un endroit spectaculaire, que ce soit la ville ou la Côte d'Azur en général. J'ai découvert des villes comme Nice, Monaco et les alentours. Et avec les personnes en France, cela se passait toujours bien.

«Favre, une personne avec un grand équilibre»

Huitième de Ligue 1 avec Nice, la saison n'avait pas été mauvaise...
Oui, on a fait une bonne saison. C'était pas mal, mais chaque match était une décision, et le moindre faux-pas était préjudiciable (NDLR : Nice termine à 4 points de la cinquième place, payant deux défaites et un nul sur les quatre dernières journées). Et pour arriver aux places européennes, il a manqué un petit peu de force, de choses pour y arriver. C'est comme ça, et ce n'est pas facile. La France a beaucoup d'exigence physique, par exemple.
Quels souvenirs vous gardez de Lucien Favre ?
Oh là ! (il le dit avec admiration) Je garde son engagement et, vraiment, ses actes. Que ce soit à l'entraînement ou durant les matches. C'est une personne avec un grand équilibre, une personne qui parle avec toi individuellement pour t'aider à grandir, t'améliorer. Je garde tous ses conseils. Pour un jeune joueur, c'est parfait. Il aime les sorties de balle, il aime avoir le ballon, et je crois que c'est une de mes caractéristiques aussi. On a fait un bon ensemble à Nice.

Marlon Santos reste admiratif de Lucien Favre. (PASCAL DELLA ZUANA/PRESSE SPORTS)

Justement, il y avait un circuit assez répété : un défenseur qui allonge sur Mario Balotelli et un joueur excentré qui prend la profondeur. À quel point était-ce travaillé ?
Le coach travaillait énormément cela. Tout le monde le sait, Mario, c'est un joueur qui aime avoir le ballon dans les pieds. Alors c'est une combinaison tactique qui se répétait régulièrement, pour que la finalité du ballon, ce soit dans les pieds de Mario de la meilleure des manières. Toutes les situations étaient faites pour que le ballon arrive à Mario et que lui, il puisse le jouer. C'est quelque chose que l'on travaillait à l'entraînement, avec les attaquants qui servent Mario, et on bossait beaucoup les circuits de passes. Ça et l'aspect tactique en général. Lucien Favre fait par exemple beaucoup d'entraînements spécifiques à la fin des séances. Des passes, des actions particulières, à quel moment dribbler, de la répétition... Du spécifique défenseurs, aussi. C'est là que tu progresses au niveau du conditionnement technique.
 
Il y avait Mario, évidemment, mais aussi beaucoup de talent offensif. C'est quelque chose qui vous a marqué ?
Alassane Plea, Mario Balotelli, Wesley Sneijder... Mais aussi Jean-Michaël Seri ou Dante. Ce sont des grands joueurs. Et jouer avec eux, c'était un grand plaisir. Allan Saint-Maximin, aussi, car c'est un joueur qui a un potentiel incroyable. C'est forcément bon de jouer avec eux. Les entraînements, c'était pas mal, hein (rires)... Lucien Favre aimait beaucoup faire des toros, des exercices de ce type. Pour lui, ça permet de faire progresser la vélocité du cerveau. Alors tu fais toutes ces combinaisons au toro, et tu les transfères ensuite sur le terrain.

«Ç'aurait été bon, oui, de rester une année de plus à Nice»

Vous auriez voulu rester à Nice ?
Ça, c'est difficile... Car j'étais prêté par Barcelone, et le Barça a appelé pour que j'y retourne. Ç'aurait été bon, oui, de rester une année de plus. La première année pour connaître un peu mieux le Championnat, t'y habituer, et ensuite grandir encore plus. Mais c'était une question d'opportunités aussi. J'aurais pu aller à Newcastle, ç'aurait été bien, mais il y a eu un problème vis-à-vis du permis de travail. Mais de toute façon, j'avais choisi Sassuolo. Le coach m'a appelé et ç'a changé beaucoup de choses car il a eu une bonne démarche. Il avait déjà une idée. Et c'était un grand plaisir de venir à Sassuolo car c'est une belle équipe avec des garçons avec un potentiel énorme. Jérémie Boga, Junior Traoré, Manuel Locatelli... Des garçons vraiment très forts. Jouer avec eux, qui grandissent aussi, c'est vraiment un grand plaisir.
Justement, on parle beaucoup de Jérémie Boga en France...
C'est le joueur que j'ai le plus aimé à Sassuolo. Il aime dribbler, faire des actions déterminantes pour marquer. C'est un talent incroyable, vraiment. Et sur les entraînements, il marche bien. C'est un joueur qui a la compromission d'un joueur professionnel, qui a une bonne éducation. Il écoute le coach, le capitaine... C'est vraiment une personne... (il réfléchit) Humilité, voilà ! Il va atteindre un très, très grand niveau. D'ailleurs, je continue de parler français avec lui, comme avec Mehdi Bourabia ou Junior Traoré. Et pour ça, il me reste mes cours de Nice, et j'aime beaucoup pouvoir échanger, avoir un contact et apprendre de nouvelles langues.
Pas trop dur de défendre à l'entraînement ?
(rires) Ah ça, c'est sûr que ce n'est pas facile ! Mais c'est comme ça que tu apprends, aussi bien au niveau du marquage que de la défense en général. Quand tu es dans un groupe avec beaucoup de talent, de la compétitivité, ça te simplifie la tâche pour la compétition.
Un autre homme est important à Sassuolo par rapport à ses idées et son coaching, Roberto De Zerbi.
Sur ma carrière, c'est le meilleur entraîneur que j'ai eu. Simplement car il a des idées très claires qu'il arrive à transmettre à ses joueurs. Quand tu arrives au match, c'est plus facile, c'est rassurant. Tu sais déjà quelle situation tu vas devoir gérer, quelle combinaison est réalisable ou non. Il travaille énormément les sorties de ballon et c'est un excellent coach. Avec un jeu spectaculaire, réussissant à fédérer le groupe autour de sa philosophie.
C'est un des entraîneurs les plus déterminés pour la possession du ballon.
De Zerbi, il réfléchit sur ça et il aime résoudre les problèmes. Sortir de la pression, par exemple. Il aime quand ses défenseurs arrivent à contourner le pressing de l'adversaire. À l'inverse, il déteste que l'on rende facilement le ballon par du jeu long sans motif. Il veut que tu forces le jeu, mais pour y arriver, le plan est clair. Il aime combiner sur la partie défensive. Et son objectif global reste de sortir le ballon, le conserver, le faire avancer, marquer. Ça, c'est top, et c'est le cas pour tous les coaches. Les entraînements sont axés autour de cela.
Pour un défenseur, on imagine que c'est plaisant...
C'est sûr ! Et je pense que le coach, lui, choisit justement ses défenseurs en fonction de leur qualité à ce niveau-là et leur goût pour la relance. Que ce soit Gianmarco Ferrari, Filippo Romagna, Vlad Chiriches, Federico Peluso, Giangiacomo Magnani ou moi, nous sommes tous des défenseurs qui savent jouer. L'objectif reste de faciliter le jeu collectif. Et ça concerne aussi les gardiens. Andrea Consigli, Gianluca Pegolo... Ce sont tous des gardiens qui savent jouer au ballon. Roberto De Zerbi cherche des profils joueurs.

Roberto De Zerbi, l'une des curiosités de la Série A. (Maurizio Borsari/AFLO/PRESSE S/PRESSE SPORTS)

Par joueurs intelligents, on entend souvent milieux de terrain ou meneurs de jeu. Aujourd'hui, un défenseur est-il à ce niveau-là de réflexion ?
Moi, par exemple, j'ai commencé à jouer devant la défense, comme numéro 6. Je suis plus reculé, désormais. Et je crois qu'aujourd'hui, un défenseur, au niveau de l'utilisation du ballon et du jeu en général, peut être capable de faire des choses d'un numéro 10. Car au niveau des sorties du ballon, du jeu entre les lignes, on nous exige beaucoup de qualité. Certains joueurs pourraient même enfiler le maillot du numéro 10... Ça dépend également de ton développement. Si tu commences chez les jeunes comme meneur de jeu et, qu'ensuite, on détecte chez toi des qualités en phase défensive, tu vas y prendre goût et t'y habituer. Sur le moment, tu aimes jouer, mais c'est une évolution. Et au final, je dirais que la base, le plaisir et la réflexion va être pareil pour un latéral droit, un milieu, un défenseur...
 
Défenseur, c'est souvent le début d'un schéma qui se dessine.
Quand on joue à trois, par exemple, c'est une idée pour rechercher et créer de la supériorité numérique. Si l'équipe adverse a deux attaquants pour exercer son pressing, automatiquement, tu as un joueur de plus. Tu crées un surnombre, tu peux ressortir le ballon et faciliter le jeu.
 
Ce ne sont pas tous les joueurs qui ont conscience de ces détails...
Je pense que c'est aussi une réflexion du joueur. Le coach te transmet une idée, tu appliques, mais au fil des rencontres, tu peux trouver la solution pour ressortir avec le ballon. Et c'est important de comprendre pourquoi le coach demande ça ou ça. Quand il te demande, tu dois savoir répondre. À Sassuolo, par exemple, si tu ne comprends pas un concept, Roberto De Zerbi te reçoit dans son bureau pour t'expliquer. Tout, tout, tout, tout ! Le but, c'est que les idées soient claires pour les joueurs.

«En Italie, tu apprends des petits mouvements qui font la différence»

L'Italie est réputée pour la défense. Comment vous le ressentez ?
Pour moi, il y a une différence entre la France et l'Italie sur les phases défensives. En Italie, comme tout le monde le sait, c'est l'école des défenseurs. Et ici, tu apprends des petits mouvements qui font la différence. Par exemple, les petites situations où tu dois bien positionner ton corps en fonction de la position du ballon. Si le ballon est à droite, tu t'orientes vers ce côté et grâce à ça, tu gagnes du temps pour gérer la situation et couvrir la profondeur. Si tu restes droit, c'est difficile de pivoter ensuite. C'est une des choses que j'ai apprises en Italie. Il y a également la position de ton pied vers le but qui te permet de gagner du temps sur l'attaquant. Quand l'attaquant est devant toi et le ballon à droite, si tu te mets juste un petit peu à gauche de lui, tu peux trouver une possibilité d'anticipation. Ça fait la différence. Et là-dessus, c'est l'Italie. En France, la phase défensive, c'est plus une lecture physique. C'est moins tactique, et le changement est là.
Certains défenseurs vous ont marqué ?
Leonardo Bonucci. C'est un grand défenseur. Et Kalidou Koulibaly. J'ai pris beaucoup de plaisir à jouer contre des défenseurs comme cela. Et durant le match, tu apprends beaucoup, car tu vois les petits déplacements et tu intègres. Tu analyses et c'est important. Tu gagnes du temps.
Ce qui varie pour un défenseur, non pas d'un pays à l'autre cette fois, c'est la façon de se positionner sur coups de pied arrêtés.
Défendre en zone ou en marquage individuel, ça, c'est vraiment le coach qui décide. Certains aiment le corps-à-corps, d'autres que tu défendes plutôt un espace.
Et en tant que défenseur, qu'est-ce que l'on préfère ?
Pour moi, je préfère l'individuel. Si je suis celui qui défend le premier poteau, par exemple, je peux défendre le joueur et avoir une orientation vers le but. Cela permet de trouver une possibilité de serrer l'attaquant mais aussi d'éviter que le ballon ne passe au-dessus de moi ou dans l'espace.
La suite de la saison et de votre carrière, vous la voyez comment ?
Avec Sassuolo, on se situe autour de la dixième place. Et on espère, d'ici la fin du Championnat si tout se passe bien, qu'on pourra bien finir et arriver en Ligue Europa. Sassuolo a une très bonne idée de jeu, Sassuolo peut grandir énormément chaque année et franchir de nouvelles étapes. Quant à moi, j'aimerais bien jouer la Ligue des champions. Et puis, pourquoi pas, un jour, la Coupe du monde avec le Brésil... C'est un rêve, champion du monde... J'en étais proche avec la Seleçao U20, alors pourquoi pas.»