coach Pep Guardiola of Manchester City during the UEFA Champions League round of 16 first leg match between Real Madrid and Manchester City FC at the Santiago Bernabeu stadium on February 26, 2020 in Madrid, Spain (Maurice Van Steen/ANP SPORT/PR/PRESSE SPORTS)

Ligue des champions : Pep Guardiola fait-il partie des cinq meilleurs entraîneurs de l'histoire ?

Il y a les pro, il y a les anti. La rédaction de FF ne fait partie d'aucun des deux camps mais deux de ses journalistes ont débattu d'une question : l'entraîneur de Manchester City Pep Guardiola fait-il partie des cinq meilleurs entraîneurs de l'histoire ?

OUI

Son Barça a révolutionné le jeu
Il suffit de lancer le replay d'une rencontre d'une grande compétition internationale de clubs ou de sélections disputée avant les années 2010 pour s'en persuader : le football, ce n'était pas mieux avant. Longs dégagements des gardiens ou des défenseurs centraux, absence de pressing élaboré, schémas de jeu relativement simplistes la plupart du temps... Bref, à l'époque l'émotion passait plus souvent par un éclair de génie qu'une séquence de jeu collectif léchée. Bien sûr, Pep Guardiola n'a pas tout inventé et le Catalan se revendique lui-même comme un disciple de Johann Cruyff, notamment. L'on grossit par ailleurs volontairement le trait en dépeignant les formations du XXe siècle comme des escouades qui n'avaient cure de prendre soin du cuir. Reste qu'il y a bien eu un après et un avant Coupe du monde 2010 et que la Roja de l'époque empruntait largement aux préceptes du Barça. Parce que la sélection espagnole cherchait elle aussi à multiplier les séquences de possession et à récupérer le ballon le plus haut possible et que sept des onze titulaires ibériques de la finale (Piqué, Puyol, Busquets, Xavi, Iniesta, Pedro et Villa) avaient répété leurs gammes toute la saison durant sur la pelouse du Camp Nou.

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Il a su se réinventer après l'Espagne

Les Tournesols de Van Gogh, les Nymphéas de Monnet, la Joconde de de Vinci. Autant d'œuvres indissociables de leur auteur et de méprises. Parlez des trois génies à un amateur d'art et il y a fort à parier que ce ne sont pas les noms des tableaux que nous venons de citer qui surgiront en premier. Vous voyez là où nous souhaitons en venir... Si le nom de Pep Guardiola est spontanément associé à celui du Barça 2008-2012, l'œuvre du Catalan est en réalité bien plus colossale. Au détour d'une discussion, Raynald Denoueix nous avait confié que si le 4-3-3 du FC Barcelone de son confrère se déformait de manière assez classique, il avait régulièrement eu du mal à identifier comment le technicien disposaient ses joueurs à Munich. C'est dire. Latéraux au cœur du jeu de temps à autre, animation offensive asymétrique, redistribution des rôles au niveau individuel (David Alaba ou Joshua Kimmich pour ne citer qu'eux)... Autant de coups de pâte reproduits du côté de Manchester et d'une Premier League sur laquelle on pensait que Guardiola se casserait les dents un moment. Bilan au terme des quatre premières saisons de l'Espagnol outre-Manche ? 357 points sur les 456 à empocher (soit une moyenne de 2.35 unités par rencontre), 382 buts inscrits en 152 journées (contre 124 encaissés) et 21 petites défaites dont 9 ont été concédées cette saison, après que les Citizens ont rapidement été décrochés dans la course au titre. Et si l'entraîneur s'est longtemps heurté à un plafond de verre sur la scène européenne - la faute à une défense beaucoup trop perméable à l'approche des sommets -, ses hommes ne semblent plus très loin de le briser maintenant qu'ils ont écarté le Real de Zinédine Zidane de leur chemin.

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Face à lui, tout le monde s'adapte
Observer à la loupe les équipes de Guardiola permet de mesurer à quel point ce scientifique du football n'en finit plus de chercher. Se pencher sur la stratégie qu'adoptent ses adversaires au moment de rencontrer son équipe est également riche d'enseignements. Depuis près de dix ans, tous les entraîneurs ou presque du top 5 des grands championnats ont tenté de trouver le remède. Technique du bus, pressing tout terrain, antijeu... Tous ont tour à tour essayé de desserrer l'étreinte face au Barça, au Bayern et à City. Tous ont éprouvé le sentiment d'avoir à lutter contre un rouleau compresseur et de se battre contre une issue inéluctable. Et si les équipes de Guardiola ont bien laissé passer quelques trophées en chemin (dont la dernière Premier League est l'illustration récente la plus marquante), tous ceux qui ont un jour croisé leur route manquent de superlatifs au moment de qualifier le travail accompli par le Catalan. Ces dernières semaines ce sont ainsi Jürgen Klopp et Zidane, les deux derniers vainqueurs de la Ligue des champions, qui ont ainsi qualifié Guardiola de meilleur entraîneur de la planète.

NON

Le respect des anciens vous connaissez ?
Attention, ne voyez pas ici une missive anti-Guardiola. Le Catalan est une crème du coaching, il n'y a pas d'équivoques. Mais posez-vous cette question : a-t-on un recul suffisamment nécessaire sur la carrière de Pep pour le foutre dans un Top 5 all-time des entraîneurs ? Des années d'analyses, de philosophies de jeu sont passées, des décennies de révolutions matérielles sur et en dehors du terrain, pour au final des idéaux de jeu qui sont toujours ancrés très profondément. Rinus Michels et son flamboyant Ajax, Johan Cruyff et tout ce que Guardiola a bu comme une éponge au Barça, Alex Ferguson et son royal Man United, Valeri Lobanovski et son Dynamo Kiev qui ont révolutionné le foot soviétique, le Milan d'Arrigo Sacchi, Helenio Herrera et son intransigeante Inter. Sans oublier Clough, Busby, Sebes, Shankly... Bref, il y a un paquet de révolutionnaires dont on sait par certitude désormais qu'ils ont fait bouger les lignes du football bien après l'application de leur philosophie.

Depuis son départ du Barça, un zéro pointé en Europe
Les faits sont retors. Oui, Pep Guardiola a réussi des saisons extraordinaires avec le FC Barcelone dont un historique sextuplé. Depuis son départ du Camp Nou, il a aussi ramassé trois titres de champion d'Allemagne, deux titres de champion d'Angleterre mais il n'a plus jamais remporté de Ligue des champions avec des écuries XXL comme le Bayern et Manchester City. Pis encore, il n'a même pas réussi à participer à une finale. Avec l'escouade bavaroise, qu'il a récupéré comme tenante du titre européen tout de même, il se fait gifler les trois premières saisons en demi-finale par le Real, son ex du Barça et l'Atlético. Trois clubs, trois philosophies différentes, trois obstacles qu'il n'a su contourner. On aurait presque envie de jeter un pudique voile sur les aventures rocambolesques de Manchester City en C1 depuis son arrivée. Mais c'est un Oui/Non, alors, allons-y. Un huitième de finale perdu face à Monaco où Pep se fait balayer par Jardim, Mbappé et Falcao. Un an plus tard, Jürgen Klopp le met à l'amende dès l'aller avec un 3-0 version cul rouge à Anfield et l'an passé, Tottenham et Lucas Moura sont passés par là pour rappeler à Pep qu'il choke violemment dans la coupe aux grandes oreilles depuis son départ du cocon catalan. Ça fait un peu tache pour un Top 5 de tous les temps.

Né avec une cuillère d'argent dans la bouche
Loin de nous l'idée de faire passer Guardiola pour un arriviste mais quand même. Si on devait parler de background social dans la vie quotidienne, Pep aurait un papa ministre et une mère grande avocate au pénal... Alors bon, avec une telle chance dès le départ, c'est forcément plus simple de réussir non ? À son arrivée à la tête du Barça, le technicien catalan récolte les graines semées par Johan Cruyff et Frank Rijkaard. Les bases sont déjà bien installées, les circuits bien huilés. Pep n'a qu'à continuer de tracer le sillon déjà bien entamé. Et puis bon, avoir dans son effectif des mecs comme Xavi, Iniesta, Messi et autres, ça peut aider... Au Bayern, pas de C1, mais des trophées nationaux. Encore une fois avec un effectif surdimensionné pour la Bundesliga. Et à Manchester City avec des moyens financiers XXL, l'ancien de Brescia a pu avoir toutes les coudées franches qu'il souhaitait. Évidemment, on grossit fortement le trait et c'est réducteur de penser cela mais quand même. C'est un peu plus compliqué que de commencer par le bas de l'échelle non ?