seube (nicolas) *** Local Caption *** 142 photos (V. Michel/L'Equipe)

Ligue 1 : Vincent Manceau (Angers), Pantxi Sirieix (Toulouse), Nicolas Seube (Caen) et Marc Planus (ex-Bordeaux) racontent l'amour du maillot

Vincent Manceau, Pantxi Sirieix, Nicolas Seube et Marc Planus sont des personnages rares dans le foot pro : ils n'ont connu qu'un club, ou presque. Mais quelles sont les motivations de cette fidélité ? Rencontre.

Vendredi 16 septembre, stade Michel-d’Ornano, Caen. Le PSG vient de gifler le SMC, 6-0. Le quadruplé de Cavani fait la Une des journaux le lendemain. Pourtant, dans le camp d’en face, Nicolas Seube vient de réaliser une performance bien plus notable. Ce soir-là, il a joué son 500e match avec la liquette du club normand. Une fois la rouste digérée, l’inoxydable capitaine de Malherbe (37 ans) évoque «avec fierté» sa longévité sous le maillot bleu et rouge : «On n’y pense pas forcément mais quand cela arrive, on est honoré». Nicolas Seube est ce qu’on appelle aujourd’hui un fidèle parmi les fidèles. Ça fait maintenant 15 ans qu’il arbore fièrement les mêmes couleurs, en Ligue 1 ou Ligue 2. Tellement longtemps à l’échelle du football professionnel qu’on en oublierait presqu’il a été formé à Toulouse (0 match pro) avant de rejoindre la Normandie en 2001.

Une fidélité qui ne se prévoit pas

Marc Planus, lui, n’a connu qu’un seul club : les Girondins de Bordeaux, pour lesquels il a signé vingt-six licences consécutives, la première à l’âge de sept ans ! A la retraite depuis l’an dernier, ce pur Bordelais n’avait en aucun cas érigé cette fidélité comme un choix de carrière. «Quand on signe son premier contrat pro, on est tellement content qu’on est loin de penser qu’on peut faire toute sa carrière dans son club formateur, souffle l’ancien défenseur central. A ce moment-là, jamais je ne me suis dis que je commençais le début d’une longue aventure avec les Girondins». «Quand j’ai signé à Toulouse, jamais je n’aurais pu imaginer y rester si longtemps», corrobore Pantxi Sirieix, autre modèle de longévité et de fidélité, qui est en à sa treizième saison au Téfécé. Mais, au fil des saisons, l’idée fait son chemin. Dans le cas de Planus, la Coupe du monde 2010 marque un tournant. «Là-bas, on parlait des clubs français avec les gars qui jouaient à l’étranger, se souvient-il. Ils me disaient tous que Bordeaux était un club attrayant, avec un magnifique cadre de travail. C’est là que je me suis dis : "Et si je terminais ici ?" Je n’avais que 28 ans et j’étais à l’apogée de ma forme. Je me suis alors rendu-compte que ma plus grande force, c’est que j’étais dans un club qui correspondait à ma mentalité. Ça a sans doute été un facteur déclenchant.»

Vincent Manceau se sent chez lui, en famille, à Angers. (N. Luttiau/L'Equipe)

S’il n’a pas disputé la Coupe du monde et est encore en activité, Vincent Manceau a un point commun avec Planus : il n’a connu qu’un maillot, celui de sa ville de naissance, Angers. Neuf ans, trois prolongations et plus de 200 matches après la signature de son premier contrat pro, il enchaîne toujours les allers-retours depuis le couloir droit de la défense du SCO. Pourtant, rien ne laissait présager à un tel avenir. «Quand on signe pro, on cherche surtout à se faire une place dans l’équipe et à progresser, détaille Manceau. C’est ce que j’ai fait. J’ai aussi eu la chance de franchir les paliers en même temps que le club, jusqu’à la Ligue 1, le seul objectif que je m’étais fixé au début de ma carrière. Notre progression a été constante, c’est aussi pour ça que je suis encore là.» «Dans le foot, on ne peut rien prévoir, surtout pas ça», synthétise Sirieix.

Une attache locale

S’ils concèdent tous être «des personnages rares» dans le football actuel, ces quatre-là ne bégayent pas au moment d’expliquer les raisons de cette fidélité. En premier lieu vient l’attache avec leur région, leur ville de naissance, leur famille. C’est notamment le cas des deux régionaux de l’étape, Planus et Manceau. «Quand j’étais gamin, mon rêve ultime, c’était de jouer pour les Girondins, déclare le premier. Mes premiers anniversaires, ma mère m’offrait la tunique du club. Avoir sa famille tous les quinze jours au stade, ce n’est pas quantifiable. Les Brésiliens de l’effectif me disaient qu’ils voyaient leurs parents que deux fois par an à Noël et en juin, alors que moi, c’était mon quotidien. Je ne les enviais pas.» Si Pantxi Sirieix a signé à Toulouse en 2004 après avoir été formé et débuté en Ligue 1 à Auxerre, c’est aussi pour se rapprocher de son Pays basque natal. «Il y avait trois ou quatre clubs qui m’ont sollicité à l’époque, dont Toulouse, se rappelle-t-il. J’ai attendu la dernière journée de championnat et que le Téfécé se maintienne pour valider mon départ là-bas. Forcément, cette attache régionale a compté.» Depuis, de prolongation en prolongation, il est toujours de la partie et même s’il joue moins, la question de partir ne s’est jamais vraiment posé : «Ici, j’ai trouvé mon bonheur. Quand les dirigeants venaient avec une prolongation, je la prenais. Même depuis quelques saisons où je joue moins, je n’ai jamais cherché à partir. Si ça avait été le cas, c’est le club qui m’aurait poussé dehors et non l’inverse.»

Pantxi Sirieix a trouvé son bonheur à Toulouse. (L. Argueyrolles/L'Equipe)

Le cas de Nicolas Seube est quelque peu différent. Quand il signe à Caen en 2001, en provenance de Toulouse, d’où il est originaire, il n’a quasiment jamais mis les pieds dans la région. Pourtant, il y en est encore quinze plus tard. «C’est un choix de carrière et un choix de vie, explique-t-il. Ma femme est de Caen, mes enfants sont nés ici, donc forcément, je m’y retrouve complètement.» Alors qu’on lui demande s’il considère son histoire avec le SMC comme une histoire d’amour, la réponse fuse. «Un peu oui, se marre-t-il. Il y a des hauts et des bas. J’ai connu trois descentes en Ligue 2, je peux vous dire que ça marque. De ce genre de situation, on en ressort grandi.» Au fil de ces rétrogradations, le capitaine caennais aurait pu quitter le navire à de nombreuses reprises. Sochaux et Nice sont notamment venus frapper à sa porte. Mais, à chaque fois, les dirigeants normands ont su se montrer persuasif. Pour cela, Seube ne remerciera jamais assez son président Jean-François Fortin. «J’ai des relations étroites, voire privilégiées avec le président, avoue-t-il. Il m’a dit de lui faire confiance, que je n’allais pas le regretter. Ça a fait pencher la balance.»

Un lien particulier avec les supporters

Ne pas déserter dans les mauvais moments, c’est aussi et surtout à ça qu’on reconnaît les joueurs fidèles. Forcément, cela leur offre un statut particulier auprès des supporters. «C’est sûr qu’il y a une attache qui s’est créée, confirme Pantxi Sirieix. Les gens s’identifient aux joueurs qui restent fidèles. Ils ont toujours un mot sympa, même ces derniers temps alors que je joue moins.» Vincent Manceau confirme : «Chaque année, je suis un peu plus proche des supporters. Ils me disent souvent qu’ils sont fiers d’avoir un Angevin pur souche dans l’équipe, surtout que je suis le seul.» Preuve de sa popularité auprès du public caennais, Nicolas Seube a même acquis le surnom de «ce héros».

Marc Planus a signé vingt-six licences consécutives avec les Girondins de Bordeaux. (N. Luttiau/L'Equipe)

Les supporters s’identifient et le club s’y retrouve. Pour un président, un entraîneur, avoir dans l’équipe un local, ou un joueur qui l’est devenu, est important. Alors qu’il devait raccrocher en fin de saison dernière, Pantxi Sirieix (37 ans) a prolongé son contrat d’une saison à la demande d’Olivier Sadran, le président, et de Pascal Dupraz, l’entraîneur, pour encadrer les jeunes et assurer le lien avec les supporters après la saison dernière compliquée. «Comme il savait que je discutais facilement les supporters, certains groupe dans lesquels j’ai évolué m’ont envoyé au feu quand ça n’allait pas», se rappelle Marc Planus, qui n’a jamais cherché à surjouer son statut de local : «Je ne me suis jamais accaparé le public en disant que Bordeaux était mon club de cœur. Si j’avais dû partir, j’aurai eu l’air fin. Si le Milan AC, dont je suis fan, était venu me chercher, j’y serai allé en scooter.»

L'offre irrefusable n'est jamais venue

Mais le club italien ne s’est jamais présenté. S’il a bien eu, au milieu des années 2000, «un pied dans un club espagnol» (dont il préfère taire le nom) et qu’il concède avoir discuté avec le PSG, «le seul club en France qui aurait pu lui faire quitter Bordeaux», Marc Planus n’a jamais reçu l’offre incroyable à même de lui faire quitter son club de cœur. Même constat chez Seube, Sirieix et Manceau. «C’est sûr que si une offre incroyable, impossible à refuser, arrivait, je me poserais peut-être la question, mais pour l‘instant, ce n’est pas le cas», insiste l’Angevin, plus jeune que ses deux autres compères encore en activité et à même d’aller voir ailleurs. Mais tant que cette offre n’arrive pas, pas question de chercher coûte que coûte à aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs. «Partir pour partir, ça ne m’intéresse pas», répètent-ils de concert.

Cela ne s’apparenterait-il pas à un manque d’ambition ? «On me l’a souvent reproché, répond Planus. Ça peut s’apparenter à cela. Ça peut aussi vouloir dire qu’on ne veut pas se confronter à la difficulté. Mais on m’a aussi dit que j’avais beaucoup de chance de pouvoir évoluer dans un tel club, une telle région.» «A partir du moment où l’offre irrefusable n’est jamais venu, à quoi bon partir, poursuit Nicolas Seube. Partir dans un club du même niveau que Caen, je n’y vois aucun intérêt. Surtout que ton transfert ne rapporte même pas d’argent au club.» Et Vincent Manceau de conclure : «Ce ne serait pas du tout une frustration de ne pas recevoir une offre d’un club plus huppé. Certains ont besoin de partir pour progresser, pas moi. En fait, je n’ai jamais vraiment eu d’opportunité de quitter le club et je n’ai jamais cherché à le faire. Faire toute ma carrière au Sco ? Oui, c’est envisageable. Ce serait quelque chose d’exceptionnel. Le club est en Ligue 1 et continue de progresser. Moi, je joue donc je n’ai aucune raison de partir. Ce club, c’est ma seconde famille.» Tout est dit.

Antoine RAGUIN

«Ce club, c'est ma seconde famille.»