abdessadki (yacine) (L'Equipe)

Les dernières journées d'un condamné

Après une saison ratée, comme celle du RC Lens, ils ont connu la relégation en Ligue 2 à quelques journées de la fin. Que se passe-t-il dans leurs têtes lors de ces derniers matches qui comptent pour du beurre ? Relâchement ? Sursaut d'orgueil ? Témoignages.

Le couperet est tombé. Au terme d’une saison catastrophique au niveau comptable et administratif, les Sang et Or reprennent l’ascenseur, étage Ligue 2. Les trois dernières journées sans saveur vont sembler bien longues pour les ouailles d’Antoine Kombouaré. Trois ex du Championnat de France nous racontent leurs derniers instants en L1 avant de rejoindre l’échelon inférieur.

David Hamed, 41 ans, agent de joueurs. Relégué à trois journées de la fin en 2005 avec Istres : «Allez, laisse-nous le match. Tu joues plus rien !» 

«Vous pensez que je n’ai joué que dans des clubs qui sont descendus c’est ça ? (Rires) J’ai joué pas mal de descentes, c’est vrai. C’est quelque chose de très délicat dans toutes les têtes. Tout d’abord dans l’esprit des gens, on rentre vite dans les polémiques d’arrangements de matches. Tout le monde en parle mais sur le terrain on prend ça à la rigolade entre joueurs. Les potes des équipes en face viennent te voir et te disent : «Allez, laisse-nous le match. Tu joues plus rien !». Tout ça, c’est pour déconner. Personnellement, quand je rentrais sur un terrain, il n’y avait plus de collègues, ni d’amis. Dans l’équipe parfois t’as des mecs qui jouent tranquille, qui ne sont pas à fond. Voir certains gars moins investis, ça m’emmerdait… Ils oublient un peu qu’on est des pros et qu’on se doit d’être là jusqu’au bout, on ne doit favoriser personne. Quand t’es déjà relégué, il faut aussi penser à se faire plaisir pour les dernières journées, montrer ses qualités pour peut-être taper dans l’œil des recruteurs. Niveau entraînement, que vous jouiez en haut ou en bas de classement, c’est plus tranquille en fin de saison. Physiquement, on est au top, il n’y a plus besoin de séances physiques, ce n’est que de l’entretien. Généralement, les clubs font des jeux. Pour les relégués, heureusement que les entraîneurs sont là pour donner un peu de gaité quand même…»

David Hamed, à la lutte avec l'Olympien Salomon Olembé (L'Equipe)

Yacine Abdessadki, 34 ans, à la recherche d’un club. Relégué à trois journées de la fin en 2001 et deux journées en 2008 avec le RC Strasbourg : «Ne pas laisser tomber le club et les supporters»

«Quand t’es relégué, la façon de travailler ne change pas. Par contre, il y a un facteur qui rentre en compte, c’est le stress. Il oscille différemment suivant les personnalités et les sollicitations extérieures de transferts, mais c’est dur de jouer avec cette pression-là sur les épaulesPersonnellement, j’ai toujours essayé de faire passer l’intérêt collectif au-dessus de tout. Et puis nous ne sommes pas seuls. Ça, il ne faut jamais l’oublier. Il faut penser au club qui nous a accueillis et aux supporters qui nous entourent. Il ne faut pas les laisser tomber. Les joueurs qui pensent différemment ne sont pas dignes d’être à ce niveau-là. Encore plus à Strasbourg où il y a un public fantastique. Tu te dois de leur rendre la monnaie de la pièce et de tomber avec les armes à la main. Concernant les transferts, c’est chacun son métier. Nous, on est là pour travailler et nos agents sont payés pour réfléchir de leur côté. Il ne faut pas tout mélanger. Si on commence à penser à ce qu’on va devenir d’ici quelques semaines ou quelques mois, ça n’aide pas mentalement. Il faut absolument faire abstraction de tout ça.» 

Une série de onze défaites consécutives a plombé le Strasbourg d'Abdessadki en 2008 (L'Equipe)

Franck Dja Djédjé, 28 ans, attaquant au Hibernian FC (D2 écossaise). Relégué à sept journées de la fin en 2011 avec l’AC Arles-Avignon : «Les mecs pensent à un transfert, faut pas se voiler la face»

«A Arles-Avignon, c’était un peu spécial. On savait quasiment qu’on allait être relégués dès la moitié de saison (NDLR : En 19 rencontres, 1 victoire, 5 nuls et 13 défaites). On prenait donc les matches comme ils venaient. On cherchait surtout à prendre du plaisir avant tout. Il faut dire qu’on a tous été ridicules cette saison-là. La risée de tout le monde du football. Alors, on a tout fait pour descendre la tête haute, avec fierté et changer l’opinion des gens. Pour nous-mêmes, pour les gens du club. Le coach en a profité pour lancer les jeunes comme Cabella qui est devenu… Cabella maintenant (Rires). Le fait de savoir que tout était plié d’avance nous a plus libérés. On se débrouillait pas mal en fin de saison. En tout cas, mieux qu’au début. Mentalement, ce n’est facile pour personne. Concernant les performances individuelles, ça dépendait beaucoup du poste. Quand t’es attaquant comme moi, tu sais ce qu’il te reste à faire. Marquer des buts, faire des belles prestations et tout faire pour rester en Ligue 1. Trouver un autre club pour continuer ma progression, c’était mon objectif. Se faire voir c’est important. Il ne faut pas se voiler la face, les mecs pensent à un transfert.»

Franck Dja Djédjé, tout sourire en début de saison... (L'Equipe)

Johan Tabau