bodmer (mathieu) (FEL/L'Equipe)

«Le Vieira blanc», polyvalence et le regret de l'équipe de France : la story de la carrière de Mathieu Bodmer

A 37 ans, le milieu de terrain vient tout juste de prendre sa retraite. Il boucle une carrière pleine, disputée intégralement en France, ponctuée de 620 matches professionnels. Impressionnant par sa vista et son jeu de passe, il laissera sa patte dans la tête des fans de Ligue 1.

Des débuts prometteurs…
Le talent n’atteint pas le nombre des années. C’est sans doute pour ça que le petit Mathieu cartonnait à 14 ans, alors à Evreux. Deux ans plus tard, il s’apprête à sauter dans le grand bain. Malgré un intérêt du Paris Saint-Germain, il file à Caen, sur l’avis de ses parents qui privilégient un bon cadre scolaire. Le bac en poche, il n’en oublie pas pour autant de briller sur les terrains. Milieu polyvalent, il déteint par sa vision de jeu et sa qualité de passe. De quoi attirer d’autres grands clubs. Alors qu’on parle d’offres du Real Madrid et de l’Inter Milan, loyal, il signe pro à Malherbe à 17 ans.
 
…Mais une fin en eau de boudin
La conclusion caennaise est d’autant plus paradoxale qu’elle avait commencé idylliquement. Très vite repéré pour sa prestance dans l’entrejeu, il fait ses débuts en A à 17 ans. Valeur sure malgré son jeune âge, il est proche de son entraîneur Patrick Rémy qui compte sur lui pour mobiliser les troupes. Le brassard de capitaine acquis à cette époque lui ouvre même les portes de l’équipe de France espoirs. Mais les résultats ne sont pas là, et c’est lui en paye les pots cassés. Son coach, qui le juge nonchalant et peu combatif, l’écarte du groupe. Obligeant le milieu à racheter lui-même son contrat pour écrire un contrat ailleurs. Une fin lunaire, nuancée dans un entretien accordé par FF en 2016 par le joueur : «Je n’ai jamais fait l’unanimité. Que ce soit les coaches, les médias ou le public, beaucoup ont pu penser que je ne faisais pas d’efforts, que je ne donnais pas tout sur un terrain…»

Bodmer, époque Malherbe. (DELORME/L'Equipe)

Le grand blond en avant
2003, ça ne va plus à Caen. Bodmer choisit alors Lille pour continuer sa carrière. Et ce malgré une concession financière. Alors âgé de 21 ans, il concède à baisser son salaire pour signer avec Claude Puel. Ce sera d’ailleurs la seule recrue des Dogues cette année-là, à la surprise générale. Et puis le terrain a parlé, et le petit million déboursé paraissait alors dérisoire en comparaison du niveau du bonhomme. Sobrement appelé «Vieira blanc» par Luis Fernandez à l’époque, il est titulaire indiscutable pour sa première saison en Ligue 1. Et pour les trois suivantes aussi. Avant de passer à un pallier supérieur en rejoignant l’OL.
 
Le regret bleu
«J’ai été en Espoirs, en équipe de France A’ mais jamais en A, et c’est vrai que c’est un regret. Il y a des périodes où j’aurais mérité les Bleus. Il y a eu parfois des joueurs sélectionnés qui étaient mes remplaçants en club. Après, je ne conteste pas qu’il m’a sans doute manqué de la régularité pour pouvoir y prétendre plus souvent. J’ai trop alterné le bon et le très moyen, c’est vrai.» Les regrets sont là, tenaces, au moment de se confier à FF en 2016. Et c’est vrai, malgré une carrière franco-française plus que respectable, il manque à Bodmer son napperon chez les Bleus. Pas sûr que ce virtuose balle au pied se soit satisfait de son match avec la réserve tricolore contre le Mali le soir du 25 mars 2008.

Bodmer, en haut, au centre, avec les Nasri, Sinama-Pongolle, Rothen, Briand et autres Mandanda, en équipe de France A'. (FEL/L'Equipe)

Le passage en défense centrale
En dépit d’un gros travail physique accompli à Lille, Bodmer reste trop juste physiquement pour s’imposer sur le moyen-long terme dans l’entrejeu lyonnais. Alors, sur les conseils de son entraîneur, un certain Claude Puel, encore lui, il décide de reculer d’un cran. Pour mieux jouer, au final. «Le coach m’a tenu un discours cohérent. Je savais que ce moment allait venir. J’ai toujours été hésitant. J’avais dit non à Alain Perrin, et j’ai encore dit non la saison dernière. C’est une réflexion tellement différente… La base du jeu change : la finalité, ce n’est plus de marquer», confiait le néo-défenseur à L’Equipe en 2009. Une décision presque prise à reculons, mais bénéfique pour celui qui avait côtoyé ce poste à Caen, en plus de celui de latéral et de milieu couteau-suisse.
 
Président récompensé à Evreux
Novembre 2010. Dans son prime sur le terrain, Bodmer connait aussi sa meilleure période en dehors. De retour dans son club d’Evreux depuis un an en tant que président, il est récompensé du prix de l’engagement citoyen d’un joueur pro pour son investissement au club. Une fierté de plus pour lui, associé à Bernard Mendy dans ce projet. Projet qui, au final, n’aura pas eu le succès totalement escompté. Et qui verra les deux joueurs pros plier bagage en 2013.

Bodmer, époque PSG. (L.Argueyrolles/L'Equipe)

Le challenge parisien
Dans un effectif qui marquait la transition entre le Paris d’avant et l’ère Qatarie, Bodmer a réussi à se faire une place. Surtout en occupant un poste plus offensif, à la Javier Pastore. Moins irrégulier que son camarade, il dépannait. C’est cette polyvalence qui lui a permis de relever le défi de la capitale, en évoluant partout où il le fallait. Jusqu’à une défaillance physique lors de sa troisième saison. Des blessures, combinées à un effectif désormais taillé pour l’Europe, qui l’ont conduit à voir son temps de jeu réduit : «A moi de gagner ma place et d’être le meilleur sur le terrain pour prolonger. J’aimerais rester. J’ai tellement galéré pour venir ici que je ne voudrais pas partir au bout de deux saisons…», confiait-il alors à L’Equipe. Au final, c’est au bout de deux saisons et demi qu’il partait en prêt à Saint-Etienne.

Le dernier coup de grâce
Ensuite, Nice, Guingamp et puis Amiens, donc. A chaque fois arrivé libre, il occupait un rôle de joker sur le banc, capable de pallier presque toutes les blessures de par sa polyvalence. Mais aussi celui de grand frère, en distillant autant de conseils que de bonnes passes à ses jeunes coéquipiers. Ses derniers faits d’arme datent de cette saison. Outre un doublé d’assistances en Coupe, il réglait le compte de l’Olympique Lyonnais en marquant un but de renard dans les ultimes secondes. Entré en jeu à la 85e, il précipitait encore un peu plus Sylvinho dans sa chute en égalisant sept minutes plus tard. Un pied de nez à cet OL qui n’a jamais trop su lui trouver une place de milieu offensif.