Jun 4, 2016; Seattle, WA, USA; Haiti forward Duckens Nazon (20) dribbles against Peru defender Alberto Rodriguez (2) during the first half of the group play stage of the 2016 Copa America Centenario at Century Link Field. Mandatory Credit: Jennifer Buchanan-USA TODAY Sports *** Local Caption *** (Jennifer Buchanan/USA TODAY SP/PRESSE SPORTS)

«La Gold Cup, on s'est fait voler» : Duckens Nazon, international haïtien, se confie à FF

International haïtien et auteur de deux buts et trois passes décisives durant la dernière Gold Cup, où son pays s'est hissé jusqu'en demi-finale, Duckens Nazon dresse le bilan de l'année de la sélection et évoque ses ambitions personnelles.

«Quel bilan fais-tu de l’année 2019 d'Haïti ?
C’est assez mitigé… On a créé l’exploit en allant en demi-finale de Gold Cup, ce qui n’avait jamais été fait avant. On rentre dans l’histoire… Mais en même temps, on descend en Ligue B de la Ligue des Nations après le match nul face au Costa Rica. On avait besoin d’un 1-0 pour se maintenir, d’un 2-1 pour être premiers. Ça aurait été un hold-up… Mais, surtout, on aurait pu être qualifié directement pour la prochaine Gold Cup. On a fait 1-1, et on va devoir passer par les barrages.
 
Justement, la Gold Cup 2019, elle est historique pour Haïti mais il y a aussi un sentiment d'inachevé…
C’est un souvenir magique ! Mais si on pense au challenge, on reste assez déçu. Ok, on est allé en demi-finale… Mais on s’est fait voler contre le Mexique. J’ai un souvenir amer de la compétition. Avec le groupe qu’on avait, vu le parcours qu’on a fait, on aurait pu aller au bout. On a sorti le Costa Rica, et le Canada après avoir été mené 2-0. C’est un souvenir particulier. En finale, on aurait soulevé la Coupe ! Surtout qu’on ne se souvient que des vainqueurs. Donc c’est bien, mais pour nous, ce n’est pas assez…

«Haïti, c'est une grande histoire»

Au pays, on se souvient quand même de vous !
L’accueil que l’on a reçu a été extraordinaire. Ça restera gravé à jamais, mais c’est tout de même difficile de rentrer sur une défaite. C’est la plus grosse compétition, on se fait voler contre le Mexique… On subit un penalty. Bon… Le monde entier l’a vu. On ne sort pas sur le côté sportif, mais on est rentré avec la tête haute. On est resté très soudé, avec des moments très forts : le discours contre les Bermudes, celui à la mi-temps contre le Canada. 2-0 à la pause, on n’y croyait même plus… On avait pris un coup de massue sur la tête. Mais on est revenu, on était déter’ ! C’est le plus beau match de la Gold Cup. Cette remontée à 3-2 qui nous ouvre les portes des demies… Incroyable.

Qu’est-ce que cela représente de jouer pour Haïti ?
Beaucoup de choses ! Haïti, c’est mes racines, la terre de mes parents. Et ça va au-delà de mon cas. C’est le premier pays indépendant du monde ! Ça veut dire quelque chose. Nos ancêtres ont quand même battu l’armée de Napoléon, c’était une grande armée. Haïti, c’est une grande histoire, et pour moi, c’est une histoire d’amour. Et puis c’est là-bas que je me suis révélé alors que j’étais encore en CFA 2. La Gold Cup m’a aidé à me faire remarquer. Donc Haïti, c’est énormément de choses !

En sélection, les joueurs évoluent dans des clubs du monde entier. Comment se passe la cohabitation ?
C’est une famille, on est tous des frères. C’est comme si on était pas en sélection (rires). C’est fraternel et tout se passe bien. Les anglophones apprennent à parler créole, la langue traditionnelle, d’autres à parler anglais, et vraiment tout le monde vit bien.
 
Avec Haïti, tout se passe bien, mais avec ton club, Saint-Trond, en D1 belge, c’est plus compliqué…
Ne pas jouer, je le vis de manière normale. Mais je reste le plus pro possible et je suis à la disposition du club. Le coach a changé il y a peu, donc les cartes sont rebattus. Le club compte sur moi, ils m’ont dit qu’ils avaient confiance en moi et que c’était une question d’entraîneur. Des fois ça arrive, l’entraîneur fait ses choix. Puis la sélection m’aide. Grâce à ces matches-là, j’ai eu des intérêts d’autres clubs et puis ça me permet de garder la forme et le moral. Quand je vais là-bas, c’est une grande bouffée d’air frais pour moi. Mais le plus important pour un athlète, c’est le club. Le pays, c’est du bonus. Donc j’espère retrouver du temps de jeu et tout casser ! Il faut que je joue, que j’enchaîne. C’est relou de faire un gros tournoi avec la Gold Cup et que ça ne débouche pas… Donc on verra aussi le mercato. Il y a eu quelques touches.
 
Avec Haïti, est-ce possible de rivaliser avec les grosses nations de la zone CONCACAF ?
À terme, oui. Les États-Unis, déjà, ce n’est pas une immense nation de football. Puis le Costa Rica, on les a battu, on fait souvent match nul, et le Canada aussi. Ces nations ne gagnent pas face à Haïti. Je pense qu’on n’a plus de questions à se poser. Haïti a son mot à dire dans la zone CONCACAF. Dans le futur, on pourra le montrer, même si on espérait une revanche face au Mexique en Ligue des Nations.. On a une très belle génération.

Donc il n’y a plus aucun complexe d’infériorité ?
Je pense qu’Haïti a toujours montré trop de respect aux autres nations. On s’est auto-rabaissé, entre guillemets. Mais notre génération a de la fougue, ce brin de folie qui fait que l’on aborde les matches sans se poser de questions sur l’adversaire. C’est ce qui fait l’Haïtien aussi. Il est fier ! Donc on arrive sur le terrain, on s’en fout et on fonce.»
 
Antoine Bourlon