Jean-Philippe Mateta of 1. FSV Mainz 05 during the Pre-season Friendly match between 1.FSV Mainz 05 and Rayo Vallecano at Sportzentrum Worgl on July 17, 2019 in Worgl, Austria *** Local Caption *** (Gerrit Van Keulen/ANP SPORT/PR/PRESSE SPORTS)

Jean-Philippe Mateta (Mayence) : «Bientôt, Mateta va coûter cher»

A Mayence depuis bientôt deux saisons, Jean-Philippe Mateta aspire à aller voir plus haut très vite. L'ancien de l'OL raconte son parcours et combien Sevran, sa ville natale, l'a marqué. L'occasion de découvrir un joueur au caractère bien affirmé.

«Jean-Philippe, les Championnats, dont la Bundesliga, sont suspendus : comment ça se passe en Allemagne ?
On n'est pas confinés. Il y a plein de gens dehors. Je trouve que c'est serein alors que je crois qu'il y a plus de cas en Allemagne qu'en France. Chez vous, c'est chaud. Ici, je devais rester chez moi pendant deux jours. Là, je viens de sortir pour qu'on m'annonce que je suis négatif au test (du coronavirus). Je suis rassuré (NDLR : Toute son équipe a été testée). Je n'avais pas peur, parce que je ne peux pas mourir de ça, mais juste le fait d'avoir le coronavirus, c'est le virus du moment, c'est relou. Ça fait un petit peu peur quand même. La famille ne peut pas me voir parce que les frontières sont fermées. Les Allemands ont tout fermé ! Donc je suis chez moi avec ma soeur et ma fiancée.
 
La pause va être longue...
C'est chiant. Je n'ai même pas réfléchi à ce que je vais faire. Je vais courir avec mon chien, faire du sport chez moi, on doit garder la ligne ! C'est notre corps, c'est ça qui fait qu'on est là aujourd'hui.

«Maintenant, je peux dire que je suis un homme»

En tout cas, cette suspension de Championnat est une autre épreuve pour vous dans une saison jusque-là compliquée. Vous avez été blessé entre août et décembre... Il n'y a rien qui veut vous sourire ?
Non, je ne peux pas dire ça parce que la blessure m'a fait du bien. J'ai pris en compte beaucoup de choses. Sur comment travailler sur mon corps avant et après l'entraînement. Je travaille plus depuis que je suis revenu de blessure. Je connais mieux mon corps. C'est important. Je me suis fiancé. J'ai envie de fonder une famille. Ça m'a donné comme un coup de vieux. J'ai mûri.
 
Vous êtes devenu un homme ?
Je n'étais pas trop un homme. Maintenant, je peux dire que je suis un homme, à 22 ans. Aujourd'hui, je vois des choses que je ne voyais pas avant. Mes parents voient aussi que j'ai mûri. De base, je suis quelqu'un de mûr. Je n'ai pas fait de centre de formation. Je ne sors pas tout le temps, encore moins depuis que je suis avec ma fiancée. Je fais beaucoup attention à mon corps. J'ai toujours été quelqu'un de calme, très famille. Je suis souriant tout le temps. Je suis vraiment comme ça. Je ne suis pas un fouteur de merde ou autre.

Comment était le petit Mateta de Sevran ?
J'étais toujours avec mes potes. J'ai signé à Châteauroux à 16 ans. Mais j'ai toujours voulu être footballeur professionnel. Toujours. L'école, ce n'était pas trop mon truc. Je donnais tout pour le foot. Ça a pris du temps mais je continuais d'y croire. Je n'ai jamais lâché.
 
Pourquoi ne pas avoir poussé la porte d'un centre de formation ?
Peut-être qu'on ne me trouvait pas bon... Une année, j'ai fait des tests pour Clairefontaine. J'y suis allé mais le terrain était impraticable. Je suis rentré chez ma mère. Ils ont attendu un peu et ils ont quand même fini par faire les tests... Je n'ai pas eu de chance. Je suis aussi allé à Troyes. Un pote avait vu qu'il y avait une détection là-bas. C'était en U15. On est parti à quatre. J'étais bien... Mais ils ne m'ont même pas rappelé. Mais mon père ne voulait pas trop que je fasse des détections. Quand j'étais petit, il ne voulait pas que je touche au foot. A la base, il était footballeur professionnel au Congo. Il est venu en Belgique. Vers 22 ans, à mon âge, il a eu une blessure à une cuisse. Mais la médecine de l'époque, ce n'était pas la même qu'aujourd'hui. Il a dû arrêter sa carrière. Il faisait des petits boulots. Il était agent de sécurité notamment. Maintenant il a 65 ans et, grâce à moi, il ne travaille plus. Jusqu'à aujourd'hui, il me conseille encore, tout le temps. Même quand je prends des décisions et qu'il n'est pas au courant, il me tire un peu les oreilles. Il est exigeant, mais je l'écoute. Donc, tout ce qu'il a vécu, il ne voulait pas que ça m'arrive. Et, moi, ce n'était que le foot, je ne voulais rien faire d'autre. Même pour m'inscrire au foot, c'était chaud. Il ne voulait pas. Il me disait de rester dehors à jouer avec les grands. Ça allait me forger. Un jour, mes potes partaient au foot. Je les ai accompagnés. Je jouais à côté. Je dribblais. Le coach des poussins est venu et m'a dit : "Il faut venir t'inscrire !" Je lui ai répondu que mon père ne voulait pas. Je lui ai donné le numéro de ma mère. On lui a expliqué que j'avais du potentiel. Et mon père a fini par accepter.

«Mon père ne voulait pas que je touche au foot.»

Plus tard, des joueurs d'Ajaccio, à l'image de Ghislain Gimbert (sur RMC) diront que vous avez fait dijoncter tout le monde...
J'ai marqué, j'ai célébré. Mais, apparemment, on ne peut pas célébrer à Ajaccio. Je ne comprends pas. Et même avant ça, à Bastia, un stadier m'avait tapé. C'est pour ça que le match n'avait pas repris (NDLR : Un match Bastia-Lyon en 2017 qui n'avait pas été à son terme). Mais tout ça, ça me fait rire. Même quand les supporters corses m'insultent, je rigole. Parce que ça, quand j'étais petit, en région parisienne, il y avait des bagarres générales, etc. Ça m'a fait repenser à ça.
 
Qui était votre idole sur les terrains de Sevran ?
Zlatan (Ibrahimovic). Comme je suis de grande taille, je cherchais un attaquant de grande taille qui court vite, qui fait des gestes techniques, qui dribble. Ce que j'aimais ? Son côté buteur. Il ne faisait que de marquer. Après Ronaldo et Messi, c'est lui le meilleur buteur de l'histoire. Il n'y a pas de débat là-dessus. Ce qu'il fait, c'est incroyable. Mais, après, tout ce qui est en dehors, quand il parle à la presse et qu'il fait l'arrogant, ça, ça ne m'intéresse pas.

Après le dernier mercato d'hiver, vous auriez pu l'affronter en Serie A... (NDLR : Selon L'Equipe, le Napoli était très intéressé par ses services)
Ah oui... Déjà de le voir jouer en Championnat : il a 3 buts, moi 2, c'est pas mal.
 
Naples-Milan, Mateta contre Ibrahimovic, ça aurait eu de la gueule...
(Il sourit) J'espère que ça le fera un jour, on ne sait pas !
 
Auriez-vous pu réellement partir cet hiver ?
Il y a eu plusieurs offres. Après, c'est le club qui décide. Avec le classement (NDLR : Mayence est 15e), le club a voulu que je reste pour qu'on se maintienne.

«Les grands, c'est les insultes tous les jours»

Vous disiez que votre père vous poussait plutôt à jouer dehors avec les grands. Qu'est-ce que ces matches ont pu vous apporter ?
Ça m'a forgé. Les grands, ce n'est pas la même chose. Ils avaient trois ou quatre ans de plus que moi. Les grands, c'est les insultes tous les jours, ils veulent gagner. Quand tu es petit et que tu veux jouer avec eux, il faut assumer. C'est la pression. Si tu rates, on t'insulte. On te casse et il faut résister à ça. Tu dois marquer, tu dois montrer que tu n'as pas peur.
 
Le jeune Jean-Philippe avait les reins solides ?
Oui. Je croyais déjà en moi. Je n'avais pas peur. Je savais dans quoi je m'embarquais. Quand on demandait qui voulait jouer et que tu levais ta main, il ne fallait pas avoir peur. C'est du mental. A Sevran, ce que tu as vécu étant petit, tu le revois dans les grands stades. A Lyon, tu arrives, tu ne joues pas beaucoup, tu es le plus gros transfert de l'histoire du National (NDLR : Transféré de Châteauroux à l'OL pour 2 millions d'euros et 3M€ de bonus ainsi que 20% sur la future plus-value) : derrière, il faut assumer. Ils ne m'ont pas laissé assez de temps de jeu (NDLR : 86 minutes de L1). Je fais une bonne saison au Havre (NDLR : 19 buts en L2 en 2017-18). Quand tu arrives dans un stade comme Mayence, 34 000 spectateurs, les gens attendent que tu marques. Tu arrives un peu comme une starlette. Tu es le plus gros transfert (NDLR : Transfert de 8M€ et de 2M€ de bonus de l'OL à Mayence). Il faut être prêt, il faut prouver. Je repense aussi au match à Ajaccio (NDLR : barrage de Ligue 2 il y a deux ans qui s'était terminé dans la confusion. Après avoir tiré un penalty, Mateta avait chambré le public adverse, déclenchant une échauffourée). Tu mets un doublé. Les gens t'insultent tout le match. Ce match m'a marqué. Tu arrives. Penalty. Les supporters t'insultent de sale noir, on insulte ta mère. L'arbitre ne dit rien. Je fais ma célébration. Il me sanctionne (NDLR : Il a été expulsé). Je ne sais pas pourquoi. Celui qui m'a mis la baffe (NDLR : Joris Sainati), il a pris sept matches. Des joueurs ont pris des suspensions. Moi, au final, mon carton rouge a été retiré. Les Corses, quand les gens vont là-bas, ils ont peur. Même les arbitres ont peur. Moi, ça me fait rire. Je n'ai jamais à avoir peur.

Combien coûte Jean-Philippe Mateta sur le marché des transferts ?
Je ne sais pas, je ne m'intéresse pas à ça. Mais, bientôt, Mateta va coûter cher.
 
Vous dites apprécier l'Allemagne : qu'est-ce qui vous plaît autant ?
Je suis quelqu'un qui aime trop les supporters. Si tu regardes bien mes matches, j'essaie de danser avec les supporters, de les exciter. Je parle tout le temps avec eux. Même en Ligue 2 et en National, je faisais ça, je veux communiquer avec eux. Quand ils ne crient pas, je leur dis de crier. Et l'Allemagne, c'est une dinguerie ! C'est plein à tous les matches !
 
Cet été, à moins d'un report, les Jeux Olympiques de Tokyo vont avoir lieu : est-ce un objectif ?
C'est un rêve, un objectif. Il faut que j'y aille ! Pour y aller, il faut marquer des buts, bien jouer. C'est le coach qui décide. Les JO, on les regardait étant petit. Avec tous les sports, etc. Avec Usain Bolt, une légende. J'aime bien.»

Timothé Crépin

«Les Corses, quand les gens vont là-bas, ils ont peur. Même les arbitres ont peur. Moi, ça me fait rire.»

«Après Ronaldo et Messi, c'est Zlatan le meilleur buteur de l'histoire.»

«Les agents gagnent beaucoup d'argent pour rien»

A ce sujet, vous avez décidé de ne pas être représenté par un agent. Pourquoi ?
Des agents m'appellent beaucoup. J'ai un avocat (NDLR : Pierre-Henri Bovis). De base, je ne suis pas favorable à avoir un agent. Je n'en ai eu qu'un dans ma carrière. Je ne suis pas intéressé. Ils vont me dire des trucs que je connais déjà. Ils vont parler à des clubs... Pour moi, les agents gagnent beaucoup d'argent pour rien. Si j'en ai un, c'est quelqu'un de mon entourage, comme ma famille. Ce qui sera le cas dans pas longtemps puisque c'est ma soeur qui va être mon agent. Elle fait des études pour ça.
 
Etes-vous déjà décidé à partir l'été prochain ?
D'abord, on se maintient. Après, comme je le dis tout le temps, mon objectif est de gagner des trophées, gagner la Ligue des champions, la Coupe du monde, l'Euro, les Jeux Olympiques.
 
Comment gérer la situation délicate de Mayence et votre appétit de trophées ?
Ça vient tout seul. Tout travail est récompensé. Je ne suis pas un menteur. Je travaille, je fais des efforts avant et après les entraînements. Je crois en moi surtout. Si je te dis que je veux gagner des trophées c'est que je sais que le jour viendra où Mateta va gagner des trophées.
 
Quel serait votre Championnat idéal ?
Franchement, l'Allemagne, j'aime bien. Mais moi, c'est le projet qui m'intéresse, pas le club. Je n'ai pas de club dans ma tête. Un club qui joue les premières places, qui a des ambitions. J'ai 22 ans. Je dois jouer. Je dois marquer des buts.

Les supporters, quand ils ne crient pas, je leur dis de crier. Et l'Allemagne, c'est une dinguerie !»