Hatem Ben Arfa a été présenté ce mardi à Valladolid. (Twitter @realvalladolid)

«Il peut être un des meilleurs joueurs de l'histoire du club» : un grand Hatem Ben Arfa attendu au Real Valladolid

Et si, un peu plus d'un an après, Hatem Ben Arfa retrouvait une place de titulaire ? C'est en tout cas ce qu'attendent les supporters de Valladolid. Improbable, cette association mêlant méfiance et rêve fait aujourd'hui saliver l'Espagne tout entière.

Parfois, c'est quand on arrive en silence qu'on fait le plus de bruit. Un constat que ne contrediront pas les hinchas de Valladolid présents au stade José-Zorrilla le 8 février dernier. 78e minute d'un match peu emballant contre Villarreal, l'enceinte se réveille au son du speaker annonçant l'entrée du numéro 3 (voir vidéo ci-dessous). Un peu de magie à 200 bornes de la capitale. Spectacle de courte durée, certes, mais pas de quoi décevoir les supporters. Mieux, ils ont l'eau à la bouche. Même s'il fallut attendre un mois pile pour revoir Ben Arfa sur un terrain, entré encore un petit quart d'heure avant la fin d'une défaite contre Bilbao (1-4). 27 minutes de jeu en tout, pas de quoi dresser un bilan sportif. Pour tout le reste, en revanche, il y a de quoi écrire. Comme partout où il est passé, Ben Arfa fait parler, rêver et suscite des interrogations. À lui de bonifier tout ça avec son pied gauche.

Les circonstances de son arrivée avaient plus faire rire qu'autre chose en France. Clairement hors de forme après plusieurs mois sans jouer, le milieu offensif refusait de jongler avec la tête lors de sa présentation. «Non, les cheveux, tout ça...» De quoi entamer son crédit auprès des fans ? Pas vraiment. Samuel Galicia, journaliste et pucelanos de cœur, décrypte son arrivée : «Les supporters les plus jeunes connaissaient Ben Arfa. Dans mon entourage, les gens connaissaient son parcours, comme quand il était avec Benzema à l'OL. Donc on savait que c'était un joueur très talentueux. Mais beaucoup de personnes ne le connaissaient pas. Ceux qui supportent depuis toute leur vie Valladolid ne le connaissaient pas.» De quoi semer quelques doutes. «La vérité, c'est que la majorité des socios n'ont pas mesuré le niveau de répercussion que sa signature aurait mondialement au niveau des médias. Quand ils ont appris que c'était une star au chômage, qu'il n'avait pas d'équipe et qu'il n'avait pas joué au football depuis plusieurs mois, ils se méfiaient encore plus de sa signature.» Mais à entendre rugir l'enceinte du Real lors de ses premières minutes, l'enthousiasme des premiers a dû l'emporter sur le doute des autres.

Grâce, aussi, sans doute, aux médias espagnols qui connaissaient le toupet de l'ancien Rennais. Benjamin Bruchet, expert pour Furia Liga, média indépendant, détaille : «Son arrivée a été plutôt bien perçue. Il y a eu des échos, quelques articles dithyrambiques sur sa personne parce que c'est un joueur élégant, Cruyffiste sur plein de points.» Problème, ce joueur, aussi bon qu'il peut être quand il est en forme, n'a quasiment pas joué. Plusieurs raisons à cela. La première, physique, est une évidence. Bruchet enchaîne : «Il était arrivé avec un physique un peu particulier, à court de rythme, donc il a eu du mal à enchaîner. Sergio Gonzalez (NDLR : l'entraîneur) ne l'a pas considéré à son arrivée parce que pour lui il n'avait pas les compétences pour jouer longtemps. Il a fait quelques rentrées intéressantes de quelques minutes, mais il n'avait pas le physique pour tenir longtemps.» Pour Samuel Galicia, ça ne s'arrête pas là. C'est aussi une question de gestion du groupe, statut de star ou pas. «HBA est arrivé en hiver, quand l'entraîneur avait déjà un effectif complet avec son onze de départ défini. Ça ne m'aurait pas paru juste qu'il le titularise pour son premier match après plusieurs mois sans jouer en retirant des joueurs qui étaient là tous les matches avant lui.»

«Un joueur Cruyffiste»

Changement de dispositif forcé et motifs de satisfaction

Qui dit effectif déjà bouclé, dit schéma tactique arrêté. Surtout pour Sergio Gonzalez, qui ne démord pas de son 4-4-2 depuis son arrivée en 2018. C'était une des interrogations soulevées par sa signature : quelle place pour lui, dans une équipe qui n'utilise pas son poste ? Ni numéro dix, ni faux 9, puisque le technicien tient à ses deux pointes. Résultat, il faut s'adapter pour faire une place au Français. Une explication de plus à son maigre temps de jeu. Galicia analyse : «Les quelques minutes où Ben Arfa a joué, Sergio a dû modifier son système pour qu'il ait une place dans cette équipe. L'équipe passait d'un 4-4-2 à un 4-2-3-1, avec un rôle de faux numéro 9 derrière Enes Ünal ou Sergi Guardiola.»

On a pu s'en rendre compte avec Nabil Fekir cette saison, ce genre de profil français technique est bâti pour jouer dans l'axe, où il peut guider son équipe et exploiter les espaces. Sinon, leur impact est limité. Alors pour éviter cette utilisation contreproductive (à titre d'exemple, le nombre d'Expected ssists de Fekir est passé de 0,25 par match à 0,08 par rapport à l'an passé), Sergio préfère centrer le jeu sur Ben Arfa lors de ses rentrées. Un choix payant. S'il est difficile de porter un jugement sur le peu de minutes disputées par le Français, les chiffres, eux, donnent un indicateur de son niveau. En outre, il affiche, en 27 minutes, un taux de dribbles réussis de 75%, pour six adversaires éliminés. Et puis, il arrive à apporter son sens du jeu vers l'avant. Pour sa première entrée, toutes ses passes étaient dirigées vers le dernier tiers du terrain, pour une passe clé. Enfin, sur son positionnement moyen (voir ci-dessous), on voit clairement qu'il n'a aucun mal à trouver sa place sur le terrain, un cran derrière l'attaquant, ici Enes Ünal.

Numéro 3 dans le dos, Ben Arfa occupe tout l'espace derrière son attaquant de pointe. Sa position préférentielle.

Au rang de Ronaldo Nazario

Pour Galicia, ça ne fait aucun doute que lui faire une place sera bénéfique au club. «C'est un joueur top mondial dans son prime. Pour moi, dans des bonnes conditions physiques, il peut être dans le top 5 mondial. Et bien sûr quand il est dans sa position préférentielle. Au niveau technique, je pense qu'il est trois ou quatre crans au-dessus de tout l'effectif. Mais au niveau de l'espoir et de l'enthousiasme, Ben Arfa est encore bien au-dessus des autres.» Pour comprendre l'espoir qu'il suscite, il faut connaître davantage le passé du club. En 92 ans d'histoire, Valladolid a passé plus de temps dans les échelons inférieurs (48 ans) qu'en Liga (44 ans). «C'est un club particulier, qui n'était pas prévu pour monter aussitôt aussi haut, avec une montée un peu surprenante il y a deux saisons», complète Benjamin Bruchet. Samuel Galicia enchaîne : «Après avoir passé beaucoup de temps en seconde division, et à être un petit club, Valladolid s'est mis à rêver grâce à deux personnes. La première c'est Ronaldo, la deuxième c'est Hatem Ben Arfa. Sa signature a causé les mêmes espoirs que Ronaldo quand il a racheté le club.» Rien que ça.

En plus de faire rêver les pucelanos, ces deux hommes ont un autre point commun. Celui d'avoir mis de côté leur notoriété pour faire du bon boulot en Castille-et-Léon. Récit du journaliste : «Je sais que Ben Arfa est arrivé en se disant qu'il était comme les autres. Il n'est pas venu à en pensant : "Je suis meilleur que vous tous, je suis un top mondial, j'ai gagné des titres, et j'ai été un joueur majeur dans toutes mes équipes", non. C'est tout le contraire. Tous les joueurs et la presse m'ont dit que depuis le premier jour, il salue tout le monde un par un, a des gestes amicaux pour tous, et qu'il a des bonnes relations avec quasiment tout le monde.»

Taille L, attentes XL

Le tout était de savoir si l'ancien Lyonnais allait conserver ce sérieux pendant le confinement. Résultat sans appel. «Beaucoup de gens pensaient qu'il n'allait pas récupérer la forme, qu'il ne s'entraînait pas et qu'il restererait comme quand il est arrivé, souffle Galicia. Il a travaillé en silence, a amélioré son état physique. Aujourd'hui il est impliqué dans l'équipe, il veut jouer et faire mieux à Valladolid. En voyant son sérieux, les supporters ont pu remettre en question tout ce qui se disait de lui en-dehors des terrains.» Gonzalo Castro San José, qui suit le club pour ABC et Blanquivioletas, ne peut que souscrire : «Le fait que La Liga ait été freinée par le Covid a fait beaucoup de bien à Ben Arfa. Sur les vidéos d'entrainements ou les photos qui ont été publiées sur les réseaux sociaux, on voit qu'il est plus affuté que jamais. Maintenant, les fans n'attendent que de voir ce pied gauche qui a brillé en France et qui a fait de lui un des joueurs les plus prometteurs du monde.»

Sans remettre tous ses espoirs en lui, son entraîneur aussi risque de l'attendre au tournant. Pourquoi ? Explications de Benjamin Bruchet : «Toni Villa, qui était l'un des meilleurs joueurs l'an passé, s'est blessé, il a du mal à retrouver son niveau. Donc Ben Arfa a une carte à jouer dans une équipe qui est travailleuse, qui manque de talents offensifs et de joueurs capables de marquer, faire marquer, faire des différences balle au pied.» Situation qui explique les rumeurs qui parcourent les travées du José-Zorrilla. «Les premiers échos que j'ai indiquent qu'il pourrait être titulaire», chuchote San José. Dans une forme optimale, il a tout pour aider le club à se maintenir, si ce n'est plus. «C'est un joueur qui, dans son pic de forme peut être un des meilleurs joueurs passés par Valladolid dans son histoire de presque 100 ans», balance Galicia. L'occasion de rendre la pareille aux albivioletas : «Le Real Valladolid lui a donné une seconde chance pour jouer en Europe, maintenant c'est au tour de Ben Arfa de lui rendre le cadeau», complète San José. La meilleure offrande serait de briller ce samedi contre Leganés. Et d'obtenir une nouvelle standing ovation, bien méritée celle-ci.

Maintenant que les aficionados ont eu le temps de contempler ses highlights et autres skills, ils savent de quel trempe est leur numéro 3. Leurs espérances en sont ressorties grandies, d'autant plus que la course au maintien va être rude (avant son match de samedi, Valladolid est 15e avec 29 points, soit quatre de plus que le premier relégable). Samuel Galicia prend du recul : «Le pire qui puisse lui arriver, c'est qu'il soit si bon que les gens croient qu'il puisse sauver l'équipe tout seul. Ça peut se passer. Donc je pense qu'il doit être prévoyant, patient. Il faut se dire que ce n'est qu'un joueur et qu'il y en a dix autour de lui. Le sentiment général est que les fans de Valladolid sont très excités et attendent beaucoup de Hatem.»

«A son tour de rendre le cadeau»