Achraf Hakimi (Dortmund) Dortmund, 17.09.2019, Fussball Champions League, Gruppenphase, Borussia Dortmund - FC Barcelona 0:0 (Tay Duc Lam/WITTERS/PRESSE SPO/PRESSE SPORTS)

«Il a tellement de talent que je ne vois pas où peut être sa limite» : Achraf Hakimi raconté par ceux qu'il a côtoyé en sélection du Maroc

Il n'a que 21 ans. Il est prêté au Borussia Dortmund par le Real Madrid jusqu'en juin prochain. Et, cette saison, il est en train de prouver que le futur se passera aussi avec lui. Mais qui est vraiment Achraf Hakimi ? FF a sondé ancien sélectionneur et coéquipiers du Maroc pour en savoir un peu plus.

Hervé Renard* : «C'est un joueur qui a presque tout»

«Je me rappelle d'un match (avec la sélection du Maroc) en 2016. Pendant la semaine, en finissant un travail devant le but, je lui ai demandé d'aller côté gauche pour centrer. Il y a été sans problème et je me suis aperçu que pied droit ou pied gauche, pour lui, ce n'était pas un problème. Le week-end d'après, on jouait à la maison face au Mali. C'était le jour de l'Aïd. Je l'ai mis latéral gauche pour sa première titularisation. Il a marqué, il a été très bon et il n'est plus sorti de l'équipe. Et sur ce match du Mali, il a été à la hauteur psychologiquement parce qu'il y avait peut-être 40 000 spectateurs à Rabat. C'était un match important pour nous. Il était du côté de Hakim Ziyech. Associer les deux a été une énorme réussite. Il a ensuite su jouer sans complexe.

«J'ai l'impression qu'il est toujours là à chaque fois que le niveau s'élève»

Les premières fois qu'il est venu avec nous, il n'a pas toujours été convaincant. C'est un joueur plein de talent mais qui, parfois, n'en faisait peut-être pas plus que ce qu'il devait. Mais pour un jeune qui vient au sein d'un groupe expérimenté, ce n'est jamais facile. Il lui a fallu un petit peu de temps. Le jour où, par contre, il a eu sa chance, il l'a saisie. J'ai l'impression qu'il est toujours là à chaque fois que le niveau s'élève. C'est un joueur doué, un joueur d'instinct qui ne se pose pas de questions, mais qu'il ne faut pas confiner dans un schéma. Bien sûr, tactiquement, il a des choses à respecter, mais il lui faut aussi de la liberté. Et quand on lui laisse de la liberté, il est capable de faire des choses exceptionnelles. C'est un garçon que j'apprécie, qui est très, très gentil. Même quand il ne jouait pas, il n'avait pas d'états d'âmes, il ne paniquait pas. Il a su attendre patiemment son heure. Aujourd'hui, il fait partie des meilleurs latéraux qui puissent y avoir dans cette Ligue des champions. Le jour où Lucien Favre m'a appelé pour me demander des renseignements, je lui ai dit qu'il pouvait jouer à droite comme à gauche, et même milieu droit, milieu gauche. Lucien Favre est venu le voir jouer lors des matches de préparation à la Coupe du monde 2018 en Suisse et s'il l'a pris, c'est que je pense qu'il a été convaincu de ses qualités.

«Il va évoluer dans une des meilleures équipes du monde très bientôt»

Aujourd'hui, tout le monde voit les prestations qu'il fait. C'est magnifique. Je suis fier de lui. Le plus impressionnant ? Sa vitesse. Il a une vitesse phénoménale. C'est un joueur qui a presque tout. Il va évoluer dans une des meilleures équipes du monde très bientôt (NDLR : Il est prêté au Borussia Dortmund par le Real Madrid jusqu'au 30 juin prochain). Il a tellement de talent que je ne vois pas où peut être sa limite. Ça va être un top joueur. C'était une bonne idée de le laisser s'expérimenter un peu plus dans un Championnat qui est loin d'être facile et dans un grand club européen. Ce n'était pas un challenge facile. Au début, il n'a pas tout le temps été titulaire mais voilà, peut-être que sa désinvolture lui a joué quelques tours. Puis, à partir du moment où Lucien Favre l'a mis dans l'équipe, il n'en est pas souvent sorti. Quand on lui donne sa chance, il sait la saisir.»
 
*Sélectionneur de Hakimi jusqu'en juillet 2019, aujourd'hui sélectionneur de l'Arabie Saoudite.

Achraf Hakimi sous les couleurs du Real Madrid, chez les jeunes. (R.Martin/L'Equipe)

Sofiane Boufal* : «C'est un petit rayon de soleil en sélection»

«Quand je pense à Achraf, en premier, c'est le talent. Deux, la joie de vivre, il amène souvent la bonne humeur dans le groupe, il aime bien rigoler. C'est un petit rayon de soleil en sélection. Il aime trop chambrer (Il sourit.). La première fois que je l'ai vu, il n'avait pas encore de moustache, ni de barbe (Il sourit). Il était encore très, très jeune, et il était venu s'entraîner avec nous. C'est allé très vite pour lui. Il est allé chercher ces choses. Tout ce qu'il a aujourd'hui, il le mérite. Ce n'est pas facile de quitter l'Espagne, le pays où il a grandi, pour aller en Allemagne, avec une culture totalement différente et prendre le risque de tout changer. Il y est arrivé et il force le respect.

«Aujourd'hui, pour lui, le plus important est qu'il joue et qu'il continue sa progression. Si ça doit passer par le Real Madrid, tant mieux»

On s'entend plutôt bien. J'ai la chance de parler espagnol, du coup on discute beaucoup. Je l'appelle hermano (NDLR : frère, en espagnol). On joue souvent sur le même côté en sélection. J'aime beaucoup jouer avec lui, il prend beaucoup l'espace et, quand tu as le ballon, il propose toujours une solution. Techniquement, il est très, très bon et la connexion se fait automatiquement. Il a la chance aussi d'évoluer dans un Championnat très offensif, ça lui correspond parfaitement au regard de ses qualités et de son style de jeu. Il est très offensif, il adore ça. Ce sont les nouveaux latéraux. Toutes les statistiques qu'il a sont incroyables. Il fait aujourd'hui partie des meilleurs latéraux du monde. N'ayons pas honte de le dire. Tous les Marocains sont fiers de ça. Aujourd'hui, pour lui, le plus important est qu'il joue et qu'il continue sa progression. Si ça doit passer par le Real Madrid, tant mieux. L'année prochaine, ce sera à lui de faire le bon choix par rapport à ça. Il a les qualités pour jouer là-bas.»

*Milieu offensif de Southampton, en Premier League.

Fouad Chafik* : «Il a un turbo dans les jambes»

«Le premier mot qui me vient à son sujet, c'est "vitesse" ! Il est vraiment très rapide, c'est incroyable. Il a un turbo dans les jambes ! Et il sait très bien se servir de sa rapidité. Je l'ai connu en sélection, j'ai vu sa progression. Il était déjà un bon joueur quand il était au Real Madrid, mais il a pris une autre dimension en signant à Dortmund. Il est devenu plus mature dans son jeu. Il a pris en expérience. Il a pris conscience que s'il voulait vraiment atteindre le très haut niveau, il fallait qu'il se bouge un peu, qu'il élève son niveau d'exigence. C'est ce qu'il a fait et c'est pour ça qu'il réussit aujourd'hui à Dortmund. Juste avant qu'il aille au Real, il commencait déjà à prendre ses aises sur le côté, pour finir par exploser à Dortmund. En sélection, c'est un titulaire à part entière, je l'ai vu évoluer à trois postes différents, il a une polyvalence. Sinon, franchement, c'est quelqu'un de très, très gentil. Il n'a pas la grosse tête.»
 
*Défenseur de Dijon.

Hakimi, numéro 5, est vite devenu un élément incontournable du Dortmund de Lucien Favre. (TimGroothuis/WITTERS)

Romain Saïss* : «C'est facile de vivre avec lui»

«Un très grand talent. Aujourd'hui, chez les latéraux offensifs, il est dans les meilleurs. Quand tu vois ses statistiques de buts et de passes décisives... Au poste de latéral droit, offensivement, lui et Trent Alexander-Arnold sont les plus décisifs. Il fait partie des meilleurs contre-attaquants du monde. Il a été formé au Real Madrid, des équipes habituées à avoir la possession. Là, à Dortmund, c'est à peu près pareil. Quand ils jouent dans un système avec cinq défenseurs, il a un peu plus de libertés encore sur son côté.

«Quand il arrivera à maturité, il sera dans le top mondial»

Après, il est encore très jeune, il a 21 ans, et une marge de progression énorme, surtout défensivement. Il a évolué dans des équipes qui ont souvent le ballon. En sélection, peut-être que, des fois, il pourrait être plus dans l'anticipation de la perte du ballon. Mais il compense beaucoup ça avec sa vitesse. Il va très, très vite ! Quand il est lancé, il est difficile à arrêter. Des fois, je lui disais "C'est bien que tu montes, mais pense à revenir !" (Il sourit). Ça reste un très bon défenseur, il est difficile à passer, il est costaud. Il a encore des choses à améliorer, mais je ne me fais pas de souci. Je pense que dans les années à venir, il a toutes les qualités pour devenir le meilleur à ce poste. Il est travailleur, il est très à l'écoute. Quand il arrivera à maturité, il sera dans le top mondial.

«Il kiffe le foot et tu sentais qu'il était déjà porté par cette envie de marquer des buts, de se retrouver haut sur le terrain»

Au Maroc, il avait été convoqué dès le premier rassemblement avec Hervé Renard. Il avait appelé Achraf qui évoluait alors avec la réserve du Real Madrid. Tu sentais déjà que le petit avait du ballon. Les matches en Afrique l'ont aussi aidé à s'endurcir. Il y a des matches qui n'étaient pas faciles. Quand tu joues des qualifications de Coupe d'Afrique des Nations où tu passes plus ton temps à être au duel qu'à attaquer, avec des conditions difficiles, il faut que tu t'adaptes. Ça lui a permis de se forger. Mais il avait une qualité technique au-dessus. Il s'est fait sa place. Le coach Renard lui a fait pleinement confiance. Il a été décisif. En dehors, c'est un bon petit. Quand il est arrivé, il était un peu timide mais c'est quelqu'un qui rigole beaucoup, il est très chambreur aussi. C'est facile de vivre avec lui. Il ne pose pas de problème, il est très respectueux et très sérieux dans ce qu'il fait. Il kiffe le foot et tu sentais qu'il était déjà porté par cette envie de marquer des buts, de se retrouver haut sur le terrain. En fin de séance, à chaque fois qu'il y avait du travail devant le but, tu étais sûr que c'était le premier à y aller. Il a tout pour devenir un top player.»
 
*Défenseur de Wolverhampton, en Premier League.

Arrivé sur la pointe des pieds chez les Lions de l'Atlas, Hakimi en est désormais un membre indiscutable. (Maurice van Steen/ANP SPORT/PR/PRESSE SPORTS)

Mbark Boussoufa* : «Quand tu vois ce qu'il a fait jusque-là à 21 ans»

«Je l'ai vu arriver en équipe nationale. Il était encore jeune, très timide, il ne parlait pas beaucoup. Petit à petit, on a compris que c'était un joueur qui pouvait devenir important. Il a joué à gauche, il a très bien fait son boulot. Il participait, il marquait, il faisait des passes décisives. Il avait toujours confiance en lui, ça se voyait dans son jeu. Surtout, pour un jeune comme ça qui arrive, intégrer l'équipe nationale sans se poser de questions, même en jouant à gauche, qui n'était pas son poste... Chapeau à lui. Il a évolué très, très vite. Pour devenir un joueur très important en Europe et pour l'équipe nationale. Dès qu'il a commencé à jouer, il était bien, tu ne voyais presque pas que c'était un jeune. À partir de là, avec le Real Madrid, il a bien progressé. Malgré les matches qu'il jouait au Real, ce n'était pas facile pour lui puisqu'il était face à Marcelo et Carvajal. Mais il a fait son job. À Dortmund, ce n'était pas facile non plus mais il a montré que ce n'est pas un hasard, que c'est un grand talent.

«Je ne peux que dire de bonnes choses sur lui»

On a aussi découvert la personne. Un mec joyeux, qui rigole beaucoup, qui fait des petites blagues. Chambreur ? Oui ! Je ne peux que dire de bonnes choses sur lui. Il était à côté de moi dans le bus. On rigolait tout le temps. Après certains entraînements, on frappait au but, on regardait qui marquait le plus et on en rigolait toute la journée. Qui gagnait ? Souvent, c'était moi. Et lui le savait très bien ! Il était toujours compétiteur. Je suis content de voir comment il est en Europe. Il a un grand avenir devant lui. Je sais qu'il a ce talent. Il l'a montré à Madrid, à Dortmund, avec nous en équipe nationale. Je sais de quoi il est capable. C'est bien pour lui, ça veut dire qu'il a un grand avenir. Il le mérite. Quand tu vois ce qu'il a fait jusque-là à 21 ans...»

*Milieu à Al Sailiya, au Qatar.

Timothé Crépin