Champions League Sieger 2020, FC Bayern Muenchen, Mickael ''Michael'' Cuisance mit PokalLissabon, 23.08.2020, Fussball, Champions League, Finale, Paris Saint-Germain - FC Bayern Muenchen 0:1 *** Local Caption *** (Schatz/Pool/WITTERS/PRESSE SPO/PRESSE SPORTS)

Grand Format : Michael «Mickzo» Cuisance (Olympique de Marseille), l'ambition dévorante

De son Alsace natale à Marseille, en passant par Nancy, Mönchengladbach et Munich, Michael Cuisance (21 ans) a toujours su où il souhaitait aller. Alors qu'il débarque au Vélodrome escorté de nombreuses attentes, FF a remonté l'itinéraire et interrogé ceux qui ont, un jour, entendu le garçon parler de ses rêves de sommet. Grand Format.

C'est ce qu'on appelle marcher sur les pas de son idole. Au-delà du club emblématique qu'est l'Olympique de Marseille, au moment où Michael Cuisance a eu vent de l'intérêt du club phocéen et d'André Villas-Boas, cela a forcément dû faire tilt dans sa tête : car signer en Provence, c'est se rendre sur les terres natales de Zinédine Zidane. Et pour le gaucher, cela signifie énormément. Lui qui a dévoré des vidéos du champion du monde 1998 depuis tout petit, lui qui s'inspire des gestes de son modèle et lui qui aspire depuis si longtemps à suivre la trace d'une carrière à la ZZ.
 
Marseille est déjà la sixième ville dans laquelle Michael Cuisance pose ses valises et son pied gauche. A 21 ans, le Strasbourgeois de naissance a tour à tour arpenté la préfecture du Bas-Rhin, donc, Schiltigheim, Nancy, Mönchengladbach et Munich avant d'apercevoir la Bonne Mère. Mais cette trajectoire escarpée ne surprend personne parmi ceux qui ont parcouru un bout de chemin avec lui. Depuis son refuge des Vosges du nord, Bertrand Schwoerer livre un premier élément d'explication qui suffirait presque à résumer les vingt premières années de pérégrinations du garçon. «Le gamin ne vivait que pour le foot, annonce d'emblée celui qui l'a entraîné une saison durant chez les U15 du SC Schiltigheim. Il voulait devenir professionnel et il était écrit qu'il se donnerait tous les moyens pour le devenir. Il avait un mental, une volonté et une motivation tous azimuts. Je dirais qu'il était en quelque sorte prêt à voyager pour réussir. "Ah vous ne voulez pas de moi ? Je ne suis pas assez bien pour vous ? Eh bien, je ne vais pas hésiter à aller taper à la porte à côté !"» L'épisode du passage très mouvementé de l'AS Nancy-Lorraine au Borussia Mönchengladbach, raconté plus bas, illustre parfaitement cette mentalité.

L'attraction du samedi matin

Mais c'est bien à l'Olympique Strasbourg Koenigshoffen que le minot pousse ses premiers ballons. Enfin, façon de parler, car le petit Cuisance est doué et fait déjà bien mieux que courir derrière la balle. «Lors des plateaux du samedi, il y avait déjà plein de parents qui venaient le voir jouer, raconte Fatih Eryilmaz, son tout premier éducateur. À ce moment-là, il commençait déjà à être connu dans la ville.» Grâce à une vitesse de course et d'exécution au-dessus de la moyenne, d'abord, et à la précision de son pied gauche, ensuite. Mais également à un instinct de compétition déjà très développé. Le tout a une conséquence : au moment où le gamin souffle sa septième bougie, l'Olympique est déjà trop petit.
 
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Cuisance, le jeune ado.

C'est l'ASPTT Strasbourg qui récupère le joyau. Là-bas, Michael continue de s'éclater et d'impressionner son monde. Autre constante, son père est tous les week-ends présent le long de la main courante. Ce sera le cas du début à la fin des classes de la progéniture. «Mon père m'a suivi partout, avouait Cuisance à France Football en 2019. C'est lui qui m'a appris tous mes gestes techniques, mon élégance, être droit quand tu as le ballon. Tout vient de mon père !» Tantôt décrit comme envahissant, tantôt comme un vrai passionné par ceux qui ne veulent retenir que le positif, le papa n'a pas mis longtemps à comprendre que son fiston avait un don. Dorothée Mutschler non plus. Son entraîneuse d'alors, qui le fait jouer aux avant-postes à l'époque, recommande aux dirigeants du Racing, le club phare de la région, de venir observer le gaucher d'un peu plus près. Dès poussin, le petit Cuisance prend donc naturellement le chemin du grand RCSA pour un troisième club en autant de saisons de football. Dans la région, personne n'est surpris. «J'avais prévenu notre président dès ses premières semaines chez nous, se remémore Eryilmaz. “Président, il faut qu'on garde ce gamin, c'est une pépite !” Mais je savais bien qu'on ne pourrait pas le retenir.» Strasbourg le conserve cinq ans, entre 2007 et 2012. Le temps pour celui qui ne fait que débuter le football d'emmagasiner de nouveaux fondamentaux auprès d'éducateurs confirmés. Pour mieux décrocher le concours d'entrée au pôle espoirs Grand Est.

«Président, il faut qu'on garde cette pépite !»

Nancy, le choix de la raison

Joël Heit, conseiller technique régional de la Ligue, raconte : «Je le connaissais depuis les U11. Il est passé par nos détections en Alsace, puis on a fait une détection inter-régionale, Alsace plus Lorraine : et c'était très bien à chaque fois, on percevait cet énorme potentiel. Il y avait encore un peu de déchet technique, mais il avait un truc en plus : la qualité technique, et surtout le fait qu'il voyait pas mal de choses avant les autres.» Vous l'aurez compris, sur le terrain tout continue de rouler. Seule ombre au tableau : la perte de l'agrément professionnel du RCSA. Thierry Brand et le club alsacien tentent alors d'éviter la fuite des talents, promettant que le Racing va vite redevenir performant, mais ne parviennent pas à retenir le joueur et sa famille : «On s'en mord les doigts certainement un petit peu, affirme Brand, du centre de formation, mais il fallait qu'on adopte une position parce que les clubs pros autour (Metz, Nancy, Sochaux) ne faisaient vraiment pas de cadeau.» Ainsi, si un joueur choisissait le pôle de Nancy, il devait quitter le RCSA. À l'automne 2012, il doit donc de nouveau faire ses valises, direction... Schiltigheim. En vérité, cela ne change pas grand-chose car celui qui est devenu milieu de terrain ne rejoint le Sporting que le vendredi, pour une séance légère en soirée et un match le dimanche après-midi. Le reste du temps, il le passe au CREPS. «À ce moment-là, tout est déjà très clair dans sa tête, explique Jean-Robert Faucher, le directeur du pôle espoirs. Le garçon veut devenir footballeur professionnel et on sent sa détermination. Celle-ci se traduit d'ailleurs par ce choix de quitter Strasbourg, alors en difficulté, et sa famille pour rejoindre Nancy et le pôle. En général, ceux de Strasbourg y restent. Pas lui.» Faucher, qui suit son futur poulain depuis les U11, avait très vite remarqué des qualités qui ne trompent pas : «Un garçon capable de jouer à contre-pied et de masquer ses intentions, de ralentir et d'accélérer le jeu, d'éviter de faire la passe quand il y avait du trafic. C'était assez rare, quelque chose d'inné dans le registre du tempo du football.» En notant toutefois, et heureusement, des axes de progression : «Il n'avait pas beaucoup de vitesse, ni de force. Il l'a prise petit à petit et, ç'a vraiment changé l'intensité de son jeu et son amplitude.»

Les premiers pas de Cuisance à Nancy.

Clairvoyance, muscu et rêves bizarres

Lorsque Cuisance débarque au pôle, là encore, les témoins décrivent les mêmes prédispositions avec une clairvoyance au-dessus de la moyenne. Mais ce que les gens ne voient pas et qui compte pourtant peut-être plus encore, c'est ce que met petit à petit en place l'adolescent pour atteindre ses objectifs. Samir Bouzar, son camarade de chambre, livre les précisions. «Il était tout le temps en train de me demander de venir m'entraîner, de venir faire du rab. Dans la chambre, il faisait des séances de musculation supplémentaires, alors qu'on allait déjà deux à trois fois par semaine à la salle... et que ce n'était pas autorisé. Mais on le faisait quand même !» Alexy Martins, autre collègue de promo, explique comment les garçons, soucieux d'en faire plus que les autres, s'y prenaient : «On essayait de faire en sorte que la salle de musculation reste ouverte pour pouvoir faire une ou deux séances. On avait également pris l'habitude de laisser une petite fenêtre ouverte pour pouvoir aller faire un tennis-ballon pour travailler la technique.» Mais c'est une autre anecdote qui dit beaucoup du caractère obsessionnel du garçon. Martins, toujours : «Un soir, avant d'aller dormir, il me dit : "Imagine, un matin, je me réveille et je ne sais plus jouer au foot !" D'un coup, il était perturbé, au point de ne pas pouvoir s'endormir tout de suite. Le lendemain, on s'est entraîné et il m'a dit : “Ah non, en fait, c'est bon, il n'y a pas de problème.”» Sur le pré, Jean-Robert Faucher note d'abord des difficultés de puissance qui font vite défaut à son joueur quand, face à d'autres pôles espoirs, de la force lui est opposée : «Il n'était pas valorisé comme il le voulait et je pense que ça le minait car il avait déjà du caractère. Le fait de l'accompagner, de lui faire confiance, ça fait aussi partie de notre rôle, celui de ne pas être définitif dans nos jugements et d'être positif.» Pas de quoi affecter un Cuisance si déterminé. Faucher encore : «Il pouvait faire la gueule quand on ne s'entraînait pas ou, en première année, quand je ne le choisissais pas pour être avec les grands. Il ne se laissait pas faire, ni dominer, malgré son retard morphologique. Il défendait ses positions et était respecté.»

Mickzo le casse-cou

Ce cocktail destiné à exploser au haut niveau ne laisse pas le board de l'AS Nancy Lorraine insensible. Le club de Jacques Rousselot ne met pas longtemps à être convaincu par le joueur, puis à lui faire signer, très rapidement, un accord de non sollicitation. Excès de zèle de la part des dirigeants nancéiens ? Tout l'inverse. Après les premières sélections en équipe d'Alsace, «le temps d'enrouler quelques ballons dans les lucarnes, exactement de la même manière qu'il l'a fait pour son premier but avec le Bayern face à Wolfsburg» (Heit), Cuisance enfile très vite le maillot de l'équipe de France chez les jeunes.

À Nancy, qu'il s'agisse du pôle ou du club, tout continue de bien se passer. Dans la forêt de Haye, à l'ASNL, on découvre là aussi le caractère et la personnalité du jeune Cuisance. «C'est un passionné de foot, rembobine Sébastien Hanriot, qui l'a coaché. Il était un peu chiant par rapport à ça parce qu'il voulait tout le temps jouer. Quand vous le mettiez remplaçant, il boudait. Mais il avait une culture du travail. Quel que soit l'entraînement, il voulait être le meilleur.» Un passionné qui n'avait également pas froid aux yeux. En journée d'intégration sur le lac de Pierre-Percée, dans les Vosges, la température de l'eau dépasse à peine les 15 degrés. L'encadrement des jeunes nancéiens chambre alors leurs ouailles, pariant qu'aucun jeune ne va se mouiller : «C'était un des premiers à sauter, sourit Hanriot. Ça montrait qu'il était un casse-cou.»
 
Côté école, le gamin est trop intelligent (ou conscient de la menace d'une privation d'entraînement en cas de mauvais résultats) pour se tirer une balle dans le pied. Et pourtant, ce ne sont pas les contrôles de maths qui l'intéressent alors. «Je me souviens d'un jour où, en colère, il m'a dit : "Que j'ai un 0 en cours ou 10 ou 20, je n'en ai rien à faire, raconte Schwoerer. Je deviendrai professionnel”.» Simple, non ? Jusqu'à ce que les choses sérieuses (comprenez celles qui ont trait à l'argent) commencent. Alors que Mickzo (son surnom) ne semble plus avoir qu'à continuer de s'étoffer un peu sur le plan musculaire et à gagner en vitesse d'exécution dans les petits espaces selon les témoins d'alors, les négociations autour d'un nouveau contrat s'éternisent.

«Je me souviens d'un jour où, en colère, il m'a dit : "Que j'ai un 0 en cours ou 10 ou 20, je n'en ai rien à faire. Je deviendrai professionnel”.»

Michael Cuisance est resté trois ans à l'ASNL, avec une dernière saison quasiment blanche.

Là encore, le caractère en béton armé va faire la différence. Les intermèdes tricolores (plus encore que les parties de pêches dont il raffole) offrent un bol d'oxygène bienvenu, aussi. Car pendant que Nancy décide de se priver du joueur le plus talentueux de sa génération 1999, Bernard Diomède, sélectionneur de toujours de l'Alsacien en équipe de France de jeunes, qui oeuvre en coulisses pour que l'ASNL fasse signer le garçon, continue de s'appuyer sur lui. «Avec mon prédécesseur Laurent Guyot, on avait identifié trois garçons sur lesquels s'appuyer particulièrement : Alban Lafont, Dan-Axel Zagadou et Michael, indique l'actuel sélectionneur des U19. J'ai donc naturellement continué de lui faire confiance, notamment parce qu'il avait cet amour du maillot bleu, et il me l'a bien rendu.»

Bluff, magie et amour du maillot

Sûr de ses forces, le clan Cuisance souhaite que le joueur de 16 ans signe un premier contrat professionnel. Nancy ne lui offrira jamais. Ou du moins pas aux conditions souhaitées par le gaucher et sa famille. Pas question d'apposer une signature sur un contrat stagiaire. Les pourparlers s'enlisent et la sanction tombe : Michael Cuisance est privé de compétition. De quoi accuser le coup ? Pas vraiment. À en croire Thanawat Suengchitthawon, coéquipier de l'époque, la détermination du garçon va au contraire épouser une courbe exponentielle. «Il aurait pu se dire : "L'année prochaine, je ne suis plus là, je m'en fous, je ne travaille plus", se souvient celui qui porte les couleurs de Leicester. Mais il a préféré multiplier les efforts. Et pas par deux. Par cinq, au moins ! Il était là tous les jours, il bossait encore plus, il savait qu'il n'allait pas jouer le week-end, mais il s'arrachait plus que les autres.» «Il le vivait mal mais il savait que, tôt ou tard, ça allait payer, emboîte Samir Bouzar. Si ce n'était pas à Nancy, ce serait ailleurs. Tout le monde lui disait.»

À ce moment-là, la situation devient ubuesque : Cuisance éclabousse de son talent la moindre opposition («C'était un magicien durant cette période, celui qui devait défendre sur lui vivait un calvaire», dixit Suengchitthawon) mais assiste au Championnat U17 National depuis les tribunes. «Le connaissant, c'était compliqué, remarque Faucher. Lui qui aime tellement le jeu... Il a été costaud. Dans une carrière, on a des épreuves qu'on doit être capable d'affronter, d'en sortir grandi, autrement on lâche. C'est pour ça qu'il en est là aujourd'hui, c'est parce qu'il a aussi ça en plus.»

«Il avait cet amour du maillot bleu, et il me l'a bien rendu.»

L'équipe de France de Bernard Diomède, un échappatoire dans un moment compliqué. (N.Luttiau/L'Equipe)

Gaëtan Poussin, coéquipier à dix reprises en sélection, n'est alors pas surpris par l'envol d'un milieu de terrain qu'il décrit comme quelqu'un «d'entraînant techniquement pour un groupe». «On veut tous percer dans son club formateur donc c'est toujours une petite déception quand ça ne se produit pas, résume celui qui est sous contrat avec les Girondins de Bordeaux jusqu'en 2023. Mais lui a une si grande détermination et un si grand talent que je me doutais qu'il allait rebondir. C'est quelqu'un qui a des objectifs en tête et qui n'est pas du genre à lâcher.» Problème, et comme à chaque fois jusque-là, un grain de sable va venir enrayer la machine. Fidèle à son sélectionneur de toujours, Cuisance manque la préparation de sa deuxième saison allemande pour aller jouer l'Euro U19 finlandais (défaite des Bleuets en demi-finales face aux Italiens, 0-2). Gladbach ne digérera jamais vraiment l'affront. Résultat des courses, le gaucher ne joue que onze petites rencontres de Bundesliga lors d'une saison 2018-19 qui aurait dû être celle de la confirmation. Surtout qu'il avait été élu joueur de l'année 2017-18 par son club pour sa première saison outre-Rhin («C'était une année de dingue; ma première en pros, expliquait-il à FF. Je ne l'oublierai jamais.»). «Il n'y avait aucune raison qu'il ne joue pas, regrette Denis Zakaria, rapidement devenu un proche de Cuisance à Mönchengladbach. Il était triste, déçu. Mais aux entraînements, il était toujours top.» L'occasion pour l'ancien milieu de terrain de Servette de découvrir, lui aussi, le caractère de son partenaire : «C'était un petit terrible, sourit-il. Il avait vraiment du répondant quand des choses ne lui plaisaient pas. Mais il était toujours déterminé, très sûr de lui. Il savait que, quoiqu'il arrive, ça allait marcher.»
Et là encore, puisque le garçon semble avoir décidé que sa vie serait faite de rebonds, Michael ronge son frein pour mieux sauter. L'histoire est connue de tous : à l'été 2019, c'est le grand Bayern qui frappe à la porte. Montant du transfert : 12 millions d'euros.

Soixante minutes maximum en équipe de France

Une anecdote suffit à résumer ce renvoi d'ascenseur. Alors que l'équipe de France U18 s'apprête à disputer le Tournoi de Limoges, Cuisance est toujours à la cave en Lorraine. Diomède décide tout de même de convoquer le garçon, conscient que son équipe ne présente pas tout à fait le même visage sans celui qui occupe l'un des deux postes de relayeur dans son 4-3-3. Le coach explique à son leader technique qu'il ne peut toutefois pas l'aligner plus d'une heure par rencontre étant donné son manque de rythme du moment. Trois matches, 180 minutes de temps de jeu et deux buts plus tard, Cuisance est désigné meilleur joueur d'un tournoi remporté par les Bleuets. «C'est un joueur différent», résume Diomède, qui lui a offert 40 sélections chez les jeunes et qui a permis à son «fiston» de se stabiliser à un poste : celui de numéro 8. Quand vous l'interrogez sur cette utilisation plutôt qu'une autre, plus offensive, Diomède a une explication limpide : «Notre rôle est de nous projeter. Quand vous avez un joueur, vous devez essayer d'envisager la suite et vous devez vous demander à quel poste le garçon a le plus de chance d'aller toucher le très, très haut niveau et pourquoi pas les A. Et bien avec Michael, je considère que c'est à ce poste-là que ç'a le plus de chances d'arriver. Il est très adroit, a une très bonne frappe mais je crois que pour jouer plus haut sur le terrain, il faut vraiment avoir ça dans le sang, cette envie de marquer, cet instinct de tueur. Je considère que c'est dans un rôle de relayeur qu'il a tout pour aller en haut.» Là-haut, Cuisance n'est pas loin d'y être déjà allé. Puisque le conflit nancéien était inextricable, le garçon prend, envers et contre tous, la décision de s'exiler en Allemagne. Et le statut d'expatrié lui va comme un gant.

L'Euro U19 plutôt que la préparation avec Gladbach

Une prouesse selon Faucher et Diomède, bien conscients des risques que comportait un départ à l'étranger au moment où leur joueur devait trancher entre de nombreuses propositions. Mönchengladbach rafle la mise contre 250 000 euros (!), alors que le Manchester City de Pep Guardiola (le joueur a avoué avoir échangé avec le technicien catalan) et la Juventus étaient sur les rangs. La promesse d'un temps de jeu substantiel et les précédents Mahmoud Dahoud, Thorgan Hazard ou Andreas Christensen ont fait pencher la balance. À Gladbach, Cuisance prouve donc à tout le monde que son choix, fort, était le bon. «Je l'ai directement remarqué quand j'ai fait mon premier entraînement, raconte Denis Zakaria, arrivé en même temps que Cuisance du côté du Borussia. Niveau technique, avec son pied gauche, il était déjà un peu au-dessus. Dans l'équipe, ça parlait de lui, comme quelque chose de fou. Tout le monde était un peu surpris de sa qualité et de son niveau.»

Depuis la sélection de la Ligue d'Alsace, le petit Cuisance a bien grandi mais est resté le même selon ses proches.

Alors, à quoi Marseille et la Ligue 1 doivent-il s'attendre ? Personne ne peut vraiment le prédire, mais une chose est sûre : le garçon demeure toujours aussi pressé et mettra tout en œuvre pour ne pas perdre son temps dans la cité phocéenne. Cela tombe bien, André Villas-Boas ne compte pas attendre pour lancer sa nouvelle recrue dans le grand bain marseillais et confier à Cuisance les responsabilités que Michaël rêve d'endosser depuis l'enfance. Pour Jean-Robert Faucher, du pôle espoirs, c'est maintenant : «Michael a du caractère. À Marseille, il faut avoir un certain profil pour s'y imposer. Et le fait d'aller là-bas peut lui donner une dimension et une reconnaissance nationale qu'il n'a pas encore. C'est vraiment une étape.» Pour transformer cette ambition dévorante en confirmation enivrante.

«C'était un petit terrible, sourit-il. Il avait vraiment du répondant quand des choses ne lui plaisaient pas. Mais il était toujours déterminé, très sûr de lui. Il savait que, quoiqu'il arrive, ça allait marcher.»

Frappe de balle «musicale» et impatience

Toujours aussi sûr de lui («Il en faut de la confiance en soi pour ne pas avoir peur de rejoindre Munich et pour se dire qu'on est capable d'y enchaîner les matches», expose Diomède), le jeune adulte se retrouve là où il a toujours voulu être : chez les tous meilleurs. Déposé à l'entraînement par sa copine et accompagné de son chien Vasco en Bavière, Cuisance ne donne jamais le sentiment d'être impressionné à la Säbener Strasse. Mieux, sa frappe de balle ne laisse pas insensible certains cadres du vestiaire munichois. À ce sujet, Hasan Salihamidzic aime à répéter que les ballons qui sortent du pied gauche du Français ont quelque chose de musical. Problème pour le numéro 11, Hansi Flick ne croit pas autant en lui que le directeur sportif du club. Après une fin de saison qui l'aura toutefois vu pointer le bout de son nez et inscrire une merveille de but face à Wolfsburg (et garnir sensiblement son palmarès avec notamment une Bundesliga et une Ligue des champions), Cuisance doit de nouveau se résoudre au déménagement. Trop impatient qu'il est pour attendre son heure. Ce manque de temps de jeu, s'il n'a pas altéré la réputation flatteuse du joueur, ni entamé son capital confiance, pose de toute manière objectivement problème pour un joueur de son âge. Un nouvel aveu de Diomède suffit à s'en persuader : «Je lui ai maintenu ma confiance parce qu'il le méritait mais c'est un garçon qui doit jouer plus ! Prenez le dernier Mondial (NDLR : celui des U20 durant lequel l'équipe de France a échoué lors des huitièmes de finale après un sans-faute durant la phase de groupes), je suis sûr qu'on serait allé plus loin avec un Michael qui aurait eu plus de matches dans les jambes.»

Marseille, l'étape décisive pour son avènement définitif ? (L.Argueyrolles/L'Equipe)

«Michael a du caractère. À Marseille, il faut avoir un certain profil pour s'y imposer. Et le fait d'aller là-bas peut lui donner une dimension et une reconnaissance nationale qu'il n'a pas encore.»

Thymoté Pinon et Timothé Crépin