Gilles Cioni, sous le maillot bastiais en 2015. (F. Faugère/L'Équipe)

Gilles Cioni, sur le retour du SC Bastia en Ligue 2 : « C'est un exploit »

Gilles Cioni, le défenseur du SC Bastia, revient sur le retour du SC Bastia dans le monde professionnel et la Ligue 2 après trois montées d'affilée.

Comme tous ses coéquipiers, Gilles Cioni a dû se résoudre à vivre le retour du SC Bastia dans le monde professionnel à travers un écran. La contre-performance d'Orléans contre Villefranche, ce mercredi (1-3), assure au club corse la montée en Ligue 2, la troisième d'affilée. Victime d'une rupture totale du talon d'Achille de la jambe droite en février, le défenseur aurait, de toute façon, vécu cela d'un peu plus loin que prévu. Opéré il y a neuf semaines, le Corse se remet petit à petit. Seul joueur pro confirmé resté au club après le dépôt de bilan en 2017, le capitaine incarne le renouveau bastiais.

« Le dépôt de bilan du club remonte à moins de quatre ans. Pensiez-vous que le retour du SC Bastia dans le monde professionnel s'opérerait si rapidement ?
On était abasourdis. Cela peut sembler rapide mais j'ai l'impression que notre dernier match en L1 remonte à tellement loin... ça a été dur de repartir en N3. C'est un soulagement. Quand on n'est pas remontés la première année (2es en 2017-2018), les gens étaient déçus. Il y avait énormément d'attente mais l'équipe était constituée de gamins qui se sont retrouvés propulsés sur le devant de la scène. Quand j'ai démarré le premier match, je me suis dit : « Peut-être qu'on n'y arrivera pas. » Il y a quand même beaucoup de clubs pros qui végètent en National ou N2. Remonter en aussi peu de temps, c'est un exploit.

Que se dit-on quand on peine contre la réserve de l'AC Ajaccio ou Endoume alors qu'on évoluait en L1 quelques mois plus tôt ?
On se dit que c'est la réalité du football. Ce n'est pas parce qu'on a joué en L1 quatre mois avant qu'on va prendre le ballon et dribbler tout le terrain, ça ne marche pas comme ça. Quand on se retrouve face à ces équipes-là, elles sont galvanisées parce qu'elles ont l'impression de jouer l'équipe du Sporting club de Bastia de L1. C'était très dur. La première année d'autant plus qu'on repartait d'une terre brûlée. Il n'y avait plus rien. De l'extérieur, on ne s'imagine pas. Reprendre sur un terrain brûlé, tout jaune, tout sec, alors que quatre mois avant c'était une galette ; les jeunes qui voient leur rêve de devenir pro voler en éclats. On se dit que ça ne va pas être évident, qu'on va avoir du boulot.

« Je ne pouvais pas laisser mon club de coeur comme ça »

Qu'avez-vous ressenti le jour de la reprise, officiellement en N3, où vous n'êtes que douze ?
On n'était vraiment pas beaucoup, avec les jeunes de la réserve. Le club était mort, on a repris avec les quelques joueurs disponibles. C'était un véritable casse-tête pour Stéphane Rossi (entraîneur de l'époque) de composer un groupe. Il n'y avait plus rien.

Vous êtes le seul joueur pro confirmé qui est resté à l'époque. Pourquoi ?
Inconsciemment, je n'arrivais pas à me projeter avec un autre maillot que le maillot bleu. Ç'aurait été très difficile de quitter le Sporting. J'ai signé ma première licence là-bas en poussins, en 1993. J'y ai fait toutes mes classes, avec un intermède de trois ans au Paris FC (2007-2010). EN 2017, j'avais 33 ans, j'ai tout fait pour me maintenir en forme au cas où un club pro appelle. J'ai eu une offre, j'ai eu la possibilité de partir à l'AC Ajaccio. C'est un choix de vie. Le fait aussi que Stéphane Rossi, avec qui j'ai beaucoup d'affinités, reprenne l'équipe m'a mis en confiance. Après, c'est le coeur qui parle. Ce n'est pas un choix par défaut. Je ne pouvais pas laisser mon club de coeur comme ça. Aujourd'hui, je récolte un peu ce que j'ai semé, j'en suis fier, ému.

Avez-vous toujours eu le sentiment de rester un joueur de foot pro, compte tenu des infrastructures mais aussi de l'engouement populaire ?
Je vais être honnête. Quand je parle du Sporting, j'ai un tel attachement, que peu importe la division, je l'envisage comme quelque chose de professionnel. Je n'avais pas moins de pression en N3 qu'en L1. L'attente était immense. Je devais assumer mes responsabilités. Les gens attendaient beaucoup de moi, mes jeunes partenaires, le staff, les dirigeants. J'avais une pression incroyable. Quand c'est votre club, c'est déraisonné, c'est un noeud au ventre. Surtout que là, je savais les enjeux vitaux. Je savais qu'il fallait remonter très vite : la famille Ferrandi et la famille Luigi (les deux repreneurs à l'été 2017) ne pouvaient pas mettre 1,5 M€ tous les ans pour végéter. Le club aurait disparu.

« Quand on fait le comparatif entre 2011 et 2021, on va retrouver le monde pro avec beaucoup moins de moyens »

Des trois accessions d'affilée, laquelle aura été la plus difficile à obtenir ?
Je pense que la première relance. Stéphane (Rossi) avait tiré les leçons de la première année en N3. On a recruté beaucoup de joueurs d'expérience et on a survolé le Championnat. Je savais que celle de N2, pour y avoir joué plus jeune, ce serait très difficile. Vu comme c'était parti avec ce mano a mano avec Sedan (Le CSSA avait commencé la saison par 13 victoires), en octobre-novembre, on s'est dit, ''cela va être encore plus dur''. Au-dessus (en National), on est dans l'antichambre du monde pro, c'est déjà plus facile pour un club comme Bastia.

Vous aviez déjà vécu le retour en L2 du Sporting, en 2011. La satisfaction est-elle comparable ?
À l'époque, l'accession en L2 avait été plus forte que celle en L1 (en 2012). Parce que, déjà, on avait eu l'impression de sauver le club. Le club était tombé. On s'était retrouvés dos au mur et il fallait retrouver à tout prix le mode pro. J'ai le souvenir à Fréjus (1-1, le 22 avril 2011), lors de l'accession, qu'on était tombé dans les bras l'un de l'autre dans le vestiaire avec Cahu (Yannick Cahuzac, aujourd'hui à Lens). On savait qu'on venait de faire quelque chose de vital. Quand on fait le comparatif entre 2011 et 2021, on va retrouver le monde pro avec beaucoup moins de moyens qu'à l'époque. L'exploit est plus grand. C'est une joie immense.

Vous allez avoir 37 ans en juin. Avez-vous pour objectif de rejouer en L2 avec le Sporting ?
Je me pose la question. Je n'ai pas encore pris de décision. Si je peux rejouer, je ne vais pas me priver. C'est un peu frais au niveau de la blessure pour l'instant. C'est sûr que rejouer en pro avec le Sporting, c'est dans un coin de ma tête. »