gabriel luiz araujo (R.Martin/L'Equipe)

Gabriel Magalhaes : «Si on raconte toutes mes histoires, on en a jusqu'à demain...»

En avril dernier, confiné chez lui, à Lille, Gabriel, le jeune défenseur brésilien de 22 ans, avait pris de son temps pour répondre à nos questions, dans un français irréprochable et plein de bonne humeur, entre vie d'avant, réussite actuelle et rêves auriverde.

«Gabriel, comment se passe le confinement ?
C'est un peu compliqué, mais on commence à prendre l'habitude (rires). Tous les jours, on a entraînement, on nous appelle. Et on reçoit la programmation de la semaine tous les dimanches. Je cours sur un tapis, et j'ai la chance d'avoir un jardin pour m'entraîner. Je varie.

Pour commencer, retour aux sources. Quel est votre plus vieux souvenir de football ?
Quand j'étais petit, j'ai tout de suite adoré le foot, j'aimais trop. Je sortais jouer dans la rue avec mes amis. C'est quelque chose qui me manque beaucoup. Ce sont mes premiers souvenirs. Et mes premiers pas dans le foot, c'est un ami de mon papa qui m'a conseillé, et mon papa qui m'a amené dans un petit club. Ce n'était pas vraiment un club, plutôt une école de foot... J'ai passé deux semaines là-bas avant que le coach ne me dise de faire un test à Avai (NDLR : club basé à Florianopolis, au sud du Brésil). J'y suis allé un mois après, j'ai fait une semaine de test et c'est là que ça a commencé.

Comme défenseur, déjà ?
Non, non (rires)... J'aimais trop jouer attaquant ! Mais le coach a dit : “On va tester pour voir où tu seras le mieux.” J'ai joué milieu défensif, arrière gauche, défenseur. Et je suis passé défenseur.

Tout le monde a envie d'être attaquant...
Car tout le monde veut marquer des buts ! Et quand j'étais à la petite école, comme attaquant, j'étais déjà grand. Et ça se passait bien quand même. J'avais des idoles en attaque, des joueurs comme Robinho, Ronaldinho, Ronaldo... J'aime beaucoup ce style de jeu, mais ce n'est pas pour moi, ça, dribbler (rires).

Mais pour un défenseur, au Brésil, il y a quand même une culture du jeu.
On joue beaucoup avec le ballon, mais c'est différent, on ne peut pas faire n'importe quoi. Dribbler en défense, c'est dangereux ! À l'entraînement, on essaye. Un peu... Mais je m'entraîne plus pour être un bon défenseur costaud.

Il y avait déjà l'idée de devenir professionnel ?
Non, pas du tout. Je n'y pensais pas. C'était le début, ç'a parfois été difficile pour moi. Beaucoup de choses se passent dans la tête, tu pars loin de ta famille. Mais elle te donne beaucoup de courage et, aujourd'hui, quand je repense à tout ce que j'ai fait depuis petit, c'est top. Si on raconte toutes mes histoires, on en a jusqu'à demain matin ! (rires) Il y a eu des moments compliqués.

«Tu as une opportunité qu'un million de personnes rêverait d'avoir»

Quand je suis parti à Avai, j'ai passé un test, et quand je suis revenu à Sao Paulo pour récupérer des affaires, j'ai dit à mon père : “Je ne veux pas y retourner.” C'était la première fois loin d'eux. Il m'a répondu : “Je ne vais pas t'obliger, mais tu as une opportunité qu'un million de personnes rêverait d'avoir. Donc réfléchis, réfléchis bien, et sinon, tu viens travailler avec moi tous les matins.” J'y suis retourné au bout d'une semaine, et puis finalement, j'y suis resté cinq ans.

Il paraît que vous avez une autre passion que le football.
(Il réfléchit).

Le cerf-volant...
Le cerf-volant ? (Il cherche le mot en Français) Ahhhhh, oui, j'aime beaucoup ça ! Quand j'étais petit, j'en faisais beaucoup avec mes amis. Mais ici, je n'ai pas le choix, je ne peux pas. Mais quand je rentre au Brésil, oui, j'en fais toujours.

Gabriel célèbre son but. Normal, le LOSC vient d'exploser le champion de France en titre, le PSG, cinq buts à un. (HERVIO JEAN MARIE/L'Equipe)

Vous vous souvenez de la première fois où on vous a parlé de Lille ?
Avant ça, on me parlait beaucoup d'équipes d'Allemagne, et certaines du Brésil : Flamengo, Palmeiras... Et puis j'ai continué à travailler, j'ai été en sélection de jeunes. Un jour, mon ex-agent me dit au téléphone : “Je suis en France, dans une heure je t'appelle avec le président de Lille.” Il parle espagnol, et je comprends un peu. Il me dit qu'après mes sélections, il veut me voir ici, à Lille. C'était un rêve pour moi. J'y ai beaucoup pensé, ma famille était très contente et c'était vraiment un rêve. J'étais en Equateur, le club est venu jusque là-bas avec Luis Campos. J'ai fait ma visite médicale, j'ai signé tous mes contrats. Il y avait beaucoup de papiers ! Un moment, je me dis : “Putain, j'ai mal à la main là(rires) Mais c'était vraiment un rêve pour moi.

Vous aviez des appréhensions, des peurs, de venir en Europe ?
Au début, j'étais impressionné. Et je ne savais pas qu'à Lille, il faisait zéro degré ! Après l'Equateur, j'ai passé un peu de temps au Brésil en famille, puis je suis venu direct en France. Equateur, 35 degrés. Brésil, 40 degrés. Et ici, zéro. C'était bizarre, mais je m'y suis vite habitué. Et puis c'est très différent d'arriver en Europe, par rapport à un environnement comme Avai, où tu connais tout le monde et où tu as grandi. Mais au club, cela s'est bien passé, je me suis vite fait des amis, comme Rony Lopes ou Eder. Rony, encore, je l'appelle, on part en vacances ensemble au Brésil. Et puis petit à petit, à Lille, je me suis fait beaucoup de potes, Yves Bissouma par exemple. L'adaptation s'est faite rapidement.

Beaucoup de lusophones et de jeunes : Lille, pour vous, c'était l'idéal ?
Au début, il n'y avait pas énormément de joueurs qui parlaient portugais, juste Rony et Eder. Je ne parlais pas français, maintenant je parle un peu...

Plutôt très bien, même...
Je parle un peu, un peu (rires)... Mais ç'a été un peu dur, un temps, avant que tout se passe bien. Je me suis adapté rapidement.

Il y a eu ces deux prêts, à Troyes puis au Dinamo Zagreb, où cela s'est passé avec plus ou moins de réussite.
Quand je suis rentré de vacances, j'ai parlé avec Luis Campos, et je savais que ça serait difficile de jouer. Je pensais à être prêté, et lui aussi. Il m'a parlé de Troyes, et le président m'a appelé pour me dire que j'allais jouer. Je suis arrivé blessé. Un mois et demi sans terrain... Et quand je suis revenu, le coach ne me faisait pas jouer, je n'étais pas bien. J'ai joué en Coupe de France, mais à ses yeux, ce n'était pas suffisant. Début janvier, je fais un bon match, et le match d'après, je ne suis pas dans le groupe... J'étais très triste, et j'ai demandé à Luis Campos de ne pas rester-là.

«J'avais même envie de rester à Zagreb, mais Luis Campos m'a dit “non, tu reviens au LOSC”»

Finalement, je suis arrivé à Zagreb (NDLR : En Croatie). Là-bas aussi il fait très froid, il fait -15 ! Mais j'ai rencontré des joueurs qui parlaient portugais, l'entraîneur le parlait aussi. Au début, j'étais dans la deuxième équipe mais je me suis senti bien. Il n'y avait que des jeunes, j'avais du temps de jeu (en Youth League, entre autres) et puis j'ai évolué. J'étais le bienvenue. Et la dynamique était différente. On gagnait, on était premiers. J'ai beaucoup travaillé, et j'aimais trop ce club. J'avais même envie de rester de là-bas, j'en ai parlé au président, mais Luis Campos m'a dit : “Non, tu reviens au LOSC.” Un jour, peut-être, j'aimerais retourner là-bas. Je m'y sens bien, et même si j'ai peu joué en pro, ce sont six mois qui m'ont fait du bien.

Maintenant, vous êtes titulaire à Lille, et tout se passe bien. Comment vous ressentez cela ?
Je me sens très, très bien. J'ai eu beaucoup de patience pour avoir une opportunité. Et quand elle s'est présentée, je l'ai prise. Avec les deux mains, les deux jambes ! (rires) Puis j'ai commencé à jouer, j'ai enchaîné, j'ai pris confiance. En moi puis j'ai eu le soutien du coach et de toute l'équipe.

Au duel avec Cesar Azpilicueta, le défenseur de Chelsea, à Stamford Bridge. Un stade qu'il pourrait découvrir sous peu... (Charlotte Wilson/OFFSIDE/PRESS/PRESSE SPORTS)

Si on vous dit Christophe Galtier...
C'est trop bien. C'est un coach qui m'aide énormément. Même au début, quand j'étais remplaçant, il me parlait tous les jours, il me motivait, il me poussait. Ma relation avec lui est très bonne. Il me dit tout ce que je dois améliorer, on se parle chaque jour, il me dit beaucoup de choses. C'est une personne que je vais garder en tête toute ma vie. À mon arrivée en Europe, il m'a beaucoup aidé.

Qu'est-ce qu'il vous demande particulièrement ?
C'est un coach qui s'adapte, donc cela dépend toujours de l'équipe contre laquelle on va jouer. Il y a des équipes qui mettent beaucoup de pression, et il me dit que j'ai un très bon pied gauche... Donc ça dépend. On a de bons attaquants qui vont vite, aussi. Des fois, on va plus travailler le ballon, des fois plus chercher les attaquants et les espaces. Mais vraiment, ça dépend. Et pendant le match, il ne peut pas toujours nous parler. Donc c'est à nous, également, de faire et de voir ce qui est possible. Si l'adversaire fait quelque chose, s'il y a un marquage comme ci ou comme ça...

Un autre homme est important à vos côtés, c'est José Fonte.
José Fonte, c'est comme un deuxième coach sur le terrain. Il a beaucoup d'expérience, il a joué la Coupe du monde... Je l'écoute beaucoup, c'est quelqu'un de très important pour moi. Lui aussi, je lui parle tous les jours. Dans le vestiaire, on s'assied à côté, tous les jours il me parle, on regarde des vidéos ensemble. C'est une très bonne personne. Si un jour je pars de Lille, si je peux, je le ramène avec moi (rires). C'est quelqu'un qui m'a beaucoup fait progresser.

Quand on parle avec certains supporters, la première chose qu'ils nous disent de vous, c'est ce but face au Paris Saint-Germain lors de la victoire 5-1 la saison dernière. Ç'a été important ?
C'était un moment de rêve. Avant le match, le coach donne l'équipe et je ne suis pas titulaire. Je vois des grands joueurs en face, ceux du PSG, et je n'avais jamais été même une fois sur le banc face à eux. Adama (NDLR : Soumaoro) se blesse. Et je n'ai même pas vu qu'il était blessé, alors qu'il demandait le changement. Le coach m'appelle trois fois, et j'étais tellement focalisé sur le match que je n'ai rien entendu !

«Face au PSG, le coach m'appelle trois fois, et j'étais tellement focalisé sur le match que je n'ai rien entendu !»

Quand je l'ai vu, mon ventre a... Ouf... (Il imite le geste de stress) L'échauffement n'a même pas duré deux minutes, je rentre face à des grands joueurs, certains des meilleurs du monde. Kylian (Mbappé), Thiago Silva, Marco Verratti, Dani Alves... C'était un rêve. Et sur le coup franc de Nicolas Pépé... (Il coupe) Mon père était en tribunes avec mes cousins, tout le monde était très, très content que je marque. Il y a une vidéo, qu'il a filmée. Il y a Thiago Mendes et Nicolas Pépé qui sont autour du ballon, et lui on l'entend qui crie en portugais : “Thiagooo, sur la tête de Gabi !” Finalement, c'est Nico qui a tiré et je marque. C'est un jour vraiment inoubliable.

Où en êtes-vous avec le Brésil ?
Mon rêve, c'est d'être en sélection. J'ai été convoqué 4-5 fois par le coach de la sélection olympique, déjà (NDLR : Equivalent de nos Espoirs). Mais le calendrier est différent, le LOSC et la sélection ont discuté et j'ai toujours dû rester à Lille. Mais j'espère un jour enfiler le maillot de la sélection principale.

Vous êtes un des seuls défenseurs centraux gauchers du pays...
Oui, je crois que ça peut jouer. Il n'y a pas beaucoup de joueurs gauchers. Je travaille tous les jours pour pouvoir y arriver. Et avec des joueurs comme Marquinhos et Thiago Silva, ce serait un plaisir car ce sont des joueurs qui m'inspirent beaucoup.»

Antoine Bourlon

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