ferran torres (P.Lahalle/L'Equipe)

Ferran Torres en faux numéro 9, une trouvaille loin d'être un hasard

Après Manchester City, c'est avec l'Espagne que Ferran Torres a goûté au rôle d'avant-centre. Titulaire face à la Suisse en Ligue des nations et auteur d'un triplé contre l'Allemagne, le joueur de 20 ans découvre un nouveau poste cette saison. Une idée venue de Pep Guardiola et qui ne doit rien au hasard.

«Il grandit, c'est sa première saison ici avec nous donc il a besoin de temps mais il est très bon, il a déjà marqué beaucoup de buts. Nous sommes heureux de sa performance», avait détaillé Pep Guardiola après le match contre l’Olympiakos, le 3 novembre dernier en Ligue des champions. Les mots de l’entraîneur de Manchester City sur la performance de Ferran Torres sont dithyrambiques. Et pour cause, le joueur de 20 ans avait inscrit deux buts en deux rencontres de C1 au poste de faux numéro 9, sans compter sa réalisation face au FC Porto. Ailier de formation, l’Espagnol avait profité des blessures de Sergio Aguero et Gabriel Jesus pour montrer sa polyvalence sur le front de l’attaque des Citizens.
 
Depuis, le Brésilien est revenu et Ferran Torres a repris sa place sur son aile droite face à Liverpool. On pensait alors ne plus le revoir au poste de numéro 9 pendant un certain temps. Erreur. La trouvaille tactique de Guardiola a donné des idées à son ami et sélectionneur de l'Espagne : Luis Enrique. L’ancien entraîneur du FC Barcelone n’a pas hésité à aligner d’entrée le jeune attaquant en pointe à la place d’Alvaro Morata contre la Suisse (1-1). Ferran Torres avant-centre, un coup tactique loin d’être un hasard.

Une adaptation express

Priorité de Pep Guardiola lors du dernier mercato estival, Torres a été recruté comme ailier pour combler le départ de Leroy Sané au Bayern Munich. Auteur de 9 buts et 12 passes décisives en 97 apparitions avec Valence, le prodige ibérique a paraphé un contrat de cinq ans pour un montant tournant aux alentours de 27 millions d’euros (hors bonus). «Il est rapide, direct, peut créer de l'espace avec un seul mouvement», s’est justifié le directeur du football à Manchester City, Txiki Begiristain, lors de l’officialisation du transfert.
 
Habitué à jouer sur l’aile droite, l’Espagnol s’est retrouvé à occuper l’axe de l’attaque des Skyblues contre Marseille et l’Olympiakos sur la scène européenne, sans oublier Sheffield en Premier League. Mobile et électron libre sur le terrain, Torres a fait parler sa qualité technique. Libre de décrocher pour apporter du soutien face à un adversaire exerçant le bloc bas, le natif de Foios a été récompensé par deux buts en Ligue des champions, ce qui porte son total à trois depuis le début de la campagne. Une belle performance saluée par son coach, soulagé d’avoir trouvé une alternative.
 
S’il n’a pas réussi à marquer contre Sheffield, il fut le joueur de son équipe qui a le plus tiré au but (5). En l’espace de trois mois, le champion d’Europe U17 et U19 est devenu l’une des étincelles les plus brillantes de City. Une adaptation express donc pour un homme qui était impatient d’évoluer sous les ordres de Pep Guardiola. «J’ai hâte de jouer avec Pep et d’apprendre de lui» avait confié Ferran Torres au quotidien madrilène Marca au moment de rejoindre son nouveau club. «Pour moi, c’est un défi de m’adapter au plus vite à son style et au rythme d’un Championnat aussi intense, pour que je puisse développer mon football et tout donner». Le défi semble réussi.

Messi, Fabregas et Ferran Torres

L’adaptation, le mot d’ordre de Guardiola. Depuis le début de sa carrière d’entraîneur, le Catalan a su tirer profit de ses joueurs rapidement. Positionnement, intégration des schémas, jeu avec et sans ballon, l’ancien technicien du FC Barcelone sait sublimer un joueur et comment le rendre meilleur sur le terrain. Le dernier en date se nomme donc Ferran Torres.
 
Avant lui, Pep Guardiola avait déjà réalisé ce procédé. Du côté de la Catalogne, l’ancien entraîneur des Blaugrana avait titularisé Lionel Messi pour la première fois au poste de faux numéro 9 au Santiago Bernabeu en 2009. Alignée en pointe aux côtés de Samuel Eto’o et Thierry Henry, la pulga avait marqué deux buts et réalisé une passe décisive délicieuse pour le Français (victoire 6-2). Deux ans plus tard, Barcelone recrute Cesc Fabregas. L’ancien joueur d’Arsenal s’est retrouvé à plusieurs reprises dans ce rôle de faux 9 sous Guardiola. Des changements de poste qui font référence au passé de joueur du technicien espagnol.

Pep Guardiola, le disciple de Johan Cruyff

Pour comprendre pourquoi Guardiola n’hésite pas à aligner certains joueurs à un poste différent du leur, il faut remonter quelques années en arrière. À une époque où il n’y avait pas que l’équipe américaine de basket qui était surnommé la «Dream Team». Le FC Barcelone, sous la houlette de Johan Cruyff (entraîneur du club catalan entre 1988 et 1996), rayonne en Europe et remporte la Coupe d’Europe des clubs champions en 1992.
 
Véritable chef d’orchestre de cette équipe, Pep Guardiola apprend très vite et devient un des leaders. Le milieu de terrain défensif est doté d’une excellente vision du jeu, ce qui donne des idées à son entraîneur. Plusieurs fois, la légende néerlandaise n’hésite pas à placer son maestro au poste de défenseur central pour former un duo avec un certain Ronald Koeman. Dans son autobiographie, Cruyff explique les raisons de cette association.

Pep Guardiola à l’entraînement avec Ronald Koeman sous les ordres de Johan Cruyff (Crédit : Andreu Dalmau) (Andreu Dalmau/EFE/Newscom/MaxP/Presse Sport)

«Guardiola et Koeman n’étaient ni rapides, ni à proprement parler des défenseurs. Pourtant, on jouait toujours sur la moitié du camp adverse. Je faisais un calcul de probabilités sur la base de trois passes que l’adversaire pouvait faire. En premier lieu, le ballon est joué en profondeur au-delà de notre dernière ligne. Si le gardien est bien placé et loin du but, alors le ballon est toujours pour lui. Ensuite, les passes croisées. Pour cela, j’avais deux défenseurs rapides qui avaient eu une formation d’ailier. Ils arrivent toujours à intercepter le ballon à temps. La troisième option, c’était la passe en avant par le centre. Guardiola et Koeman étaient si forts dans leurs positions qu’ils interceptaient le ballon à tous les coups. À première vue, ils n’étaient pas les défenseurs centraux idéaux, mais en fait, cela fonctionnait bien. Parce que le gardien était, lui aussi, bien positionné et que les défenseurs étaient utilisés à bon escient».
 
Un schéma de jeu qui a marqué Pep Guardiola. Entraîneur depuis 2008, le Catalan s’est inspiré de cette méthode tout en gardant ces principes de jeu. À savoir, la possession de balle et le redoublement de passes. Que ce soit au FC Barcelone (2008-2012), Bayern Munich (2013-2016) ou encore Manchester City (depuis 2016), l’homme de 49 ans n’a pas hésité à utiliser des joueurs à des postes différents. Des milieux défensifs (Javier Mascherano et Javi Martinez) replacés en défenseurs centraux et des milieux de terrain (Joshua Kimmich, Oleksandr Zinchenko) repositionnés en défenseurs latéraux ou inversement (Philipp Lahm). Les gardiens Manuel Neuer (Bayern Munich) et Ederson (Manchester City) jouent comme des libéros. Sur le plan offensif, Guardiola a également effectué plusieurs changements. Par exemple, faire reculer Bernardo Silva d’un cran (Manchester City) pour le mettre dans le cœur du jeu. Toujours à la recherche de la complémentarité parfaite et d’une alchimie sur le terrain, Guardiola poursuit sur cette lignée. Avec Ferran Torres, le technicien espagnol ne peut être que satisfait par cette nouvelle trouvaille.

Paul Giffard

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