ducasse (pierre) (L'Equipe)

Ducasse, case départ

Sans club durant plus d'un an, l'ancien espoir bordelais peut de nouveau exercer son métier, à Boulogne, en National. À vingt-huit ans, il revit.

C’était le bon temps. Celui où Pierre Ducasse remportait le Championnat d’Europe 2004 des U17 avec Jérémy Ménez, Hatem Ben Arfa ou Karim Benzema. Celui encore où le milieu de terrain disputait son premier match avec les Girondins avec un but et une victoire nette (0-2) au Stade-Vélodrome pour son entrée chez les pros. Celui, enfin, où le natif de Bordeaux remportait le titre de champion de France avec les Girondins de Laurent Blanc en 2009 (il avait disputé huit matches). C’était le temps des espoirs et d’un avenir prometteur. Mais le destin ne lui a pas toujours souri et les coups du sort ont fini par s’enchaîner. «Peut-être que je ne suis pas arrivé à la bonne époque chez les professionnels, avoue avec franchise le milieu de terrain. À Bordeaux, il y avait beaucoup de très bons joueurs au même moment que moi. Ensuite, je suis allé à Lorient une saison, puis à Lens, où je me suis blessé au mauvais moment. Disons que j’ai connu beaucoup de choses dans ma carrière. Le succès, les blessures, les bonnes périodes, les périodes plus difficiles. Tout cela fait partie de la carrière d’un footballeur. Mais je ne suis pas du genre à vivre dans le passé.» Plutôt à effacer les mauvais souvenirs pour avancer. La dernière saison surtout.

Des propositions d'Inde et du Kazakhstan

Été 2014. Pierre Ducasse arrive en fin de contrat avec Lens. Le club doit dégraisser pour ne pas disparaître. Le milieu doit boucler ses valises. Pas le choix. «Lens ne pouvait prolonger personne. Nous étions plusieurs à devoir partir. Mais comme j’ai su très tôt que je ne serais pas prolongé, j’étais préparé. J’espérais vite retrouver un club, même en Ligue 2 ou en National.» Mais la proposition n’arrive pas. Pendant près de trois mois, le téléphone ne sonne plus. Même son agent ne donne plus de nouvelles. «Je ne veux pas l’accuser. Il n’y avait peut-être rien, mais je n’avais quasiment pas de retour.» Ou alors des offres difficiles à accepter à vingt-sept ans à peine. «On me proposait des pays exotiques. L’Inde où le Kazakhstan, par exemple. Mais je ne voulais pas partir là-bas. J’étais trop jeune pour ça. Je pensais vraiment pouvoir rebondir.» Mais le temps passe, et rien ne se passe. Même ses connaissances dans le milieu ne peuvent rien pour l’aider. «J’ai essayé partout, mais c’était compliqué. Le marché était assez bizarre cet été-là.» Ducasse finit par rejoindre l’UNFP et son équipe de chômeurs. Une première. «On se pose pas mal de questions dans ces moments-là. Surtout quand vous voyez les clubs reprendre, puis les Championnats. Vous ne comprenez pas toujours...» Mais le milieu ne lâche jamais l’affaire, espère un signe jusqu’au 31 août et la clôture du marché des transferts. «J’étais disposé à faire des essais ou à rebondir en National, mais on ne m’a rien proposé.»

Menez, Ben Arfa, Costil, Nasri... et Ducasse. (L'Equipe)

Invité à un match à Bordeaux, il n'y va pas

Ducasse file alors à Bordeaux, passe six mois avec la réserve girondine pour garder la forme. Au cas où. «Heureusement, ils m’ont accueilli à bras ouverts.» Avant de se tourner vers un petit club amateur, tout près du lieu de résidence de ses parents. «J’avais des amis proches là-bas. Je touchais le ballon deux fois par semaine, et le reste du temps je faisais du foncier.» Seul, sans coach. «Ce n’était pas toujours évident de se motiver le matin quand le réveil sonnait. Heureusement, j’avais la volonté. Je me suis accroché et je n’ai pas pris un gramme.» Mais les efforts ne payent pas. Le mercato hivernal ne change rien à sa situation. «Encore une fois, je recevais des propositions exotiques. Ma femme était enceinte, je ne voulais pas partir comme ça. Je n’avais rien d’autre.» Nouveau coup au moral. «Heureusement, j’avais un peu investi dans l’immobilier, mais les impôts faisaient mal. À côté de ça, j’arrivais à regarder le football à la télé. Une fois, les Girondins m’avaient invité au stade, mais je n’y suis pas allé. C’était un peu dur…» Comme d’attendre la fin de la saison. «J’ai changé d’agent. Il m’a bien boosté. Parfois, je disais que j’allais arrêter pour jouer chez les amateurs. Il me disait de tenir. Il a bien fait.» Boulogne, en National, finit par lui passer un coup de fil fin mai. «J’ai vite dit oui. Je vous assure qu’on ne cherche même pas à négocier le salaire dans ces cas-là. (Rire.) Sans rire, Boulogne a des installations superbes, un beau projet, c’est vraiment parfait.» La fin d’une longue galère. «C’est oublié. Je suis quelqu’un qui sait relativiser. Et puis ce n’est pas parce que Pierre Ducasse n’avait pas de club que tout allait s’arrêter. Aujourd’hui je m’éclate.»

Olivier Bossard