Djamel Abdoun a été le meilleur passeur du championnat grec ces deux dernières saisons. (AFP)

Djamel Abdoun (ex-Olympiakos) : «Si un club a des c... qu'il me prenne»

Libre depuis son départ du PAE Veria, en Grèce, Djamel Abdoun traverse une période compliquée. «Tricard» en France, selon ses mots, le milieu offensif de trente ans s'explique sur son cas, et espère qu'on lui «décolle cette réputation».

«En 2012-13, vous êtes élu meilleur joueur du Championnat grec avec l'Olympiakos, vous êtes homme du match en Ligue des champions face à Arsenal et Montpellier... Et à la surprise générale, à l'issue de cette saison, vous rejoignez Nottingham Forest en Championship. Comment expliquez-vous ce choix ?
J'estime que mes agents n'ont pas travaillé correctement. En 2012, Mirallas a le même parcours que moi en Grèce mais lui signe à Everton pour 7 M€. Je ne sais pas si je suis aussi bon que Kevin Mirallas mais j'aurais mérité un meilleur club si le travail avait été fait correctement.
Mais personne ne vous a obligé à accepter ?
On m'a vendu du rêve. Le président m'a expliqué que l'équipe serait construite autour de moi, que l'objectif était la Premier League. J'ai donc signé pour trois saisons à Forest dans un club considéré comme mythique par les Anglais. Pour le coup, je me suis dit "pourquoi pas". Quand je débarque là-bas, je me rends compte que le président ne décide de rien. C'était un pion.

«J'étais dans un top 20 européen, et là, je suis en galère avec une D2 anglaise...»

C'est-à-dire ?
Le manager Billy Davies ne me voulait pas du tout. Cela a été très vite, il m'a mis à la cave. Je fais 22 matches dont 15 comme titulaire mais je sens que la confiance n'est pas là. Je joue avec le couteau sous la gorge. Je me dis que si je ne suis pas bon, je suis déjà cuit pour la prochaine rencontre. Ensuite, c'est parti en c... Le club a des résultats très décevants. Là, Stuart Pearce débarque. Je l'avais eu à Manchester City, six ans auparavant. Il ne compte pas sur moi et me le dit cash "tu peux partir". Je vais voir le président. Je lui dis : " Vous me faites venir comme une tête d'affiche alors que j'étais très bien à l'Olympiakos. Vous m'avez cassé la tête pour venir. Je suis parti en guerre avec mon boss au Pirée avec qui j'avais des rapports exceptionnels." Je me suis rendu compte de mon erreur à ce moment-là. J'étais dans un top 20 européen, et là, je suis en galère avec une D2 anglaise...

Que vous a rétorqué votre président ?
Les dès étaient pipés. Je suis pris au piège, je me braque aussi avec le président du club par dépit. Il n'y a ni de son ni d'image entre nous. A ceux qui vont dire que je n'ai pas été nickel, c'est faux... Regardez l'évolution du club, il y avait un vrai problème de management. C'est de pire en pire.

Abdoun : «Je ne devrais pas être sans club»

On vous sent en colère...
Oui, je le suis un peu contre tout le monde. Je me rends compte que quand on est dans la difficulté, plus personne n'est là. Je suis un affectif, que ce soit dans mon jeu, ou dans ma manière d'être. On peut dire ce qu'on veut de moi, mais je sais être fidèle aux gens. La moindre des choses pour un bon agent, c'est de se battre pour son joueur quand il est dans le dur. C'est comme ça, on grandit aussi avec des écueils. Sincèrement, je ne devrais pas être sans club...

Vous en avez connu d'autres, non ?
En 2010, je suis en difficulté à Nantes, personne ne veut de moi en France, même Arles-Avignon, le promu. Je pars en Grèce, et cela me fait du bien. Je gagne en maturité dans mon jeu. Trois saisons plus tard, je suis meilleur joueur du Championnat grec. J'ai toujours été déterminé au fond de moi. Je n'ai jamais oublié d'où je viens. C'est ma force.

En France, votre nom a été proposé à des clubs. On a l'impression que vous êtes "grillé" ?
Oui, je suis tricard. Pourquoi ? Je n'en sais rien. Je sais qu'on n'aime pas les joueurs à caractère. Que voulez-vous que je fasse ? On m'a collé une étiquette de joueur à problèmes depuis mes vingt ans... Les choses évoluent, je ne suis plus le même. Je sais que ce n'est pas sportif. En pleine bourre, je joue quasiment dans n'importe quel club de L1 sauf les trois ou quatre gros, et encore... Je n'étais pas ridicule en C1, c'est juste une question de confiance, et de sensation.

Vous avez trente ans. Quel homme êtes-vous aujourd'hui ?
C'est aussi le sens de cet interview. Je suis un peu fatigué qu'on parle de moi, de mon caractère, alors que la réalité est beaucoup plus nuancée. Je suis un père de famille de trente ans avec trois enfants. Si j'étais un garçon aussi compliqué qu'on le dit, je propose à tout le monde d'aller voir Jardim ou Ernesto Valverde, ils vous diront qui je suis, ainsi que mon comportement au quotidien. J'aimerais qu'on me décolle cette réputation que j'estime fausse. Mes antécédents me coûtent cher...Tout le monde a le droit à une deuxième chance. J'ai 300 matches en pro, 15 en C1. J'ai une très bonne VO2 max, je suis un marathonien... Aujourd'hui, je vis à Paris, où je m'entretiens avec un préparateur physique.

«Si un club a des c... qu'il me prenne»

Qu'espérez-vous ?
Je veux juste rejouer au foot. Je n'en fais pas une question financière du tout. Le ballon, c'est ma vie... (Il coupe.) Si un club a des c... qu'il me prenne. Et je vous promets qu'on en reparle après.
 
Suivez-vous toujours la sélection algérienne ?
Je suis très déçu qu'elle soit en difficulté pour le Mondial. L'épisode Rajevac nous a coûté très cher.
 
C'est-à-dire ?
C'est une catastrophe. Quand on apprend qu'il ne connaissait même pas Mahrez, on a du mal à y croire. Il l'appelait "Hey Leicester, Leicester...". C'est fort quand même. Il ne savait même le prénom de Mahrez, il a demandé à Brahimi de jouer libero. A cause de ça, on va passer à côté d'une Coupe du monde. Il n'y a plus qu'à tout gagner, et prier... Là, il y a la CAN, je suis avec eux.»

Nabil Djellit