Martin Odegaard of Vitesse celebrate his goal during the Dutch Eredivisie match between Vitesse Arnhem and De Graafschap Doetinchem at Gelredome on May 12, 2019 in Arnhem, The Netherlands (ANP SPORT/PRESSE SPORTS/PRESSE SPORTS)

Comment les Pays-Bas et l'Eredivisie ont permis à Martin de redevenir Odegaard

C'est au fil de deux prêts au SC Heerenveen et au Vitesse Arnhem que Martin Odegaard a renoué celui de sa progression après des débuts compliqués du côté de Madrid. Deux témoins privilégiés racontent comment les Pays-Bas ont relancé celui qui fait actuellement les beaux jours de la Real Sociedad.

Johnny Jansen : «On a dû lui apprendre à hausser le ton lorsque le ballon ne lui parvenait pas dans les pieds»

Entraîneur adjoint du SC Heerenveen et en charge du développement des jeunes joueurs de l'effectif au moment du premier prêt néerlandais du Norvégien, Jansen se souvient d'un garçon presque trop bien élevé à qui il a fallu apprendre à s'affirmer. Celui qui est désormais numéro un chez les Superfrisons a par ailleurs tout de suite été frappé par l'intelligence de jeu du joueur de la Real.

«Il est arrivé très jeune et je dirais qu'il avait déjà ce don. Il était très technique, d'abord, mais il était aussi capable de très bien parler de football. Il faisait par ailleurs déjà la une des journaux mais il était très calme, très posé et très attentif aux consignes. La perception des autres par rapport au fait qu'il venait du Real Madrid et ce genre de choses ? On en a parlé à son arrivée. Mais j'ai vite compris qu'il ne ressentais pas de pression particulière par rapport à ça. C'est un type normal qui aime tout simplement jouer au football et faire partie d'un groupe. Il adore s'entraîner, aussi, donc ça aide. Le regard des autres est donc très rapidement devenu bienveillant. Les premiers jours tout le monde l'observait et l'attendait un peu au tournant mais une semaine plus tard c'était fini. Il est très facile à vivre au quotidien et à entraîner. Il n'a jamais eu un comportement de star ou que sais-je. Jamais. C'est quelqu'un de très ouvert d'esprit, aussi. Je me souviens très bien de notre première rencontre. Nous avions parlé de tout. Du Real Madrid mais aussi de la Norvège, puis de la façon dont on entendait jouer. Ce qu'on lui a appris ? Peut-être le fait de savoir comment s'y prendre pour s'imposer. Je me souviens lui avoir répété à de nombreuses reprises que si le ballon ne lui parvenait pas il devait savoir se plaindre. Il devait apprendre à hausser le ton, à s'affirmer, car ce n'était pas forcément dans sa nature à ce moment-là. Mais il a vite appris. Et puis il faut dire qu'à partir du moment où les autres ont compris tout ce qu'il pouvait nous apporter, le ballon a commencé à lui arriver de plus en plus souvent dans les pieds (rires).

«Sur le plan mental j'avais envie qu'il apprenne à se faire encore plus mal. Je crois qu'il avait besoin de ça.»

Il avait aussi besoin de s'aguerrir physiquement mais il a bien progressé à ce niveau-là. Il a également fallu travailler sur un petit détail au niveau de la prise d'information. Il jouait souvent couloir droit chez nous et au moment de recevoir le ballon son regard était trop souvent pointé vers notre moitié de terrain. On lui a donc demandé de s'orienter légèrement différemment et de regarder vers le but adverse plutôt que vers le notre. Mais voilà, c'est tout. Sur le plan mental, j'avais envie qu'il apprenne à se faire encore plus mal. Je lui en demandais donc toujours plus. Mais je crois que c'est ce dont il avait besoin. J'étais de toute façon persuadé qu'il allait franchir le "cut" du très haut niveau. Ses deux dernières saisons ne me surprennent absolument pas. J'espère désormais qu'il pourra performer au Real, un jour. Il a l'intelligence de jeu pour, il n'est plus très loin de ce niveau-là. Et puis malgré ce que je vous ai dit, il ne faut pas s'y tromper : il a du tempérament. Au fil de la saison, il a commencé à prendre la parole lors des débriefings de nos rencontre et je peux vous dire qu'on entendait les mouches voler. Tout le monde l'écoutait car tout le monde savait qu'il connaissait très bien le foot. Je tiens enfin à ajouter une dernière chose qui résume assez bien quel type de personne il est. Lorsque nous avons joué contre Vitesse l'an dernier, Martin m'avait ramené un maillot du Real dédicacé pour me l'offrir. Ce n'était peut-être pas grand chose pour lui mais ça en dit long sur quel type de personne il est.»

Roy Beerens : «Je n'avais jamais vu un joueur travailler aussi dur sur son corps» 

Alors qu'il était en concurrence avec la pépite au moment de son second prêt, Beerens garde un très bon souvenir de son jeune coéquipier. Il décrit un garçon extrêmement travailleur, qui se comportait comme un joueur lambda malgré son statut d'élément le mieux payer du vestiaire et qui avait simplement besoin d'engranger de la confiance. Un garçon qui avait retenu certaines leçons apprises du côté d'Heerenveen, aussi.

«Il était déjà différent de tout le reste de l'équipe. Il était malin et rapide. Il y avait une idée derrière chacun de ses mouvements. Je n'ai que des choses positives à dire sur lui alors que l'on était en concurrence, couloir droit. Ce n'est pas seulement du football. Il y avait aussi sa personnalité et Martin était déjà un grand professionnel. Je n'avais jamais vu un joueur travailler aussi dur sur son corps. Avant les entraînements, après. Il est jeune mais il a toujours donné l'impression de vouloir rejoindre le top et il met tout en place pour. Il était différent ! Il travaillait si dur qu'à un moment donné tout ce qu'il faisait sur le terrain était (il cherche ses mots)... bon. Il est peut-être un peu timide mais surtout très poli. Mais par contre, une fois sur le terrain, il se transforme. C'est un joueur dominant. S'il veut le ballon et qu'on ne lui donne pas, il va venir le chercher. Son attitude était d'autant plus remarquable qu'il venait d'un immense club et qu'il était évident qu'il était le joueur le mieux payé de l'effectif et de très loin. Mais il était calme, poli, voulait toujours aider. Il se comportait comme un type normal, en fait. La différence ne se ressentait que sur le terrain, en réalité ! À ce moment-là, il était déjà largement au dessus de tout le monde. Est-ce qu'il écoutait nos conseils ? Je pense qu'il est si intelligent qu'il savait parfaitement quoi prendre chez les uns et les autres. Il a toujours ses oreilles ouvertes mais sait faire le tri. Il ne prendra que les choses dont il a besoin. On a en tout cas très vite compris qu'il était beaucoup trop fort pour Vitesse.

«Il faudra que son corps puisse suivre sa tête et aller aussi vite que son cerveau»

La seule chose dont il avait besoin c'était d'accumuler de la confiance. Et il a trouvé ça ici car à un moment de la saison il a commencé à inscrire son nom sur chaque feuille de match, via une passe décisive ou un but. C'est de ça dont il avait besoin ! Le fait d'entendre des autres que vous êtes capable de faire un certain nombre de choses est déjà un bon point. Mais le fait de les accomplir réellement, ça change tout ! Ici il a eu l'importance qu'il méritait et ça lui a permis de franchir un cap. Il est devenu de plus en plus consistant. Il a su supporter la pression, aussi. Car ici tout le monde parlait sans cesse de lui ! Ce qu'il a besoin de travailler ? Je ne sais pas si je peux me permettre de suggérer quelque chose car je n'atteindrai jamais son niveau (rires). Mais au vu des caractéristiques du football moderne, je dirais qu'il a besoin de continuer de se forger un corps capable d'aller aussi vite que son cerveau. Il est déjà rapide et plutôt costaud mais s'il veut aller tout en haut, il faudra que son corps puisse suivre sa tête et aller aussi vite que son cerveau. S'il parvient à atteindre ça, il fera une immense carrière. Au-delà du foot, je retiens par ailleurs que Martin est un garçon qui ne parle pas pour rien dire. Par contre, quand il parle, tout le monde écoute car tout le monde sait qu'il va dire quelque chose de pertinent. J'espère et je pense en tout cas qu'il va retourner à Madrid et qu'il y fera de grandes choses.»

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