Julian Brandt. (ThorstenWagner/Witters/Presse Sports)

Bundesliga : Julian Brandt, le «faux 10» à la vraie influence dans le jeu du Borussia Dortmund

Après s'être révélé en jouant sur le côté, Julian Brandt excelle depuis deux saisons dans un rôle plus axial, plus ou moins haut mais toujours dans le sens du jeu. Au point d'avoir transformé le visage du Borussia Dortmund ces derniers mois.

Il dribble comme un ailier virevoltant, trouve des angles de passes dignes d'un meneur de jeu, sait conserver et orienter tel un regista, et même conclure avec le sang-froid d'un avant-centre. Balle au pied, ce n'est pas nouveau, Julian Brandt sait à peu près tout faire sur un terrain. Ce ne sont pas les joueurs et entraîneur de Schalke 04, balayés par la classe du numéro 19 du Borussia Dortmund il y a dix jours (4-0), qui diront le contraire. Depuis la reprise de la Bundesliga, et en attendant probablement le retour à 100% de Jadon Sancho, Brandt a retrouvé un positionnement haut dans le 3-4-2-1 instauré par Lucien Favre au coeur de l'automne. Ce qui lui a permis de se faire voir plus facilement que lorsqu'il évolue dans l'entrejeu. Bilan : deux passes décisives et une implication directe dans les deux autres buts de son équipe dans un derby de la Ruhr à sens unique. Ce qui n'a pas changé, en revanche, c'est son rôle central dans le jeu du BVB depuis ce changement de système, après un début de saison irrégulier et passé en partie sur le banc après son transfert du Bayer Leverkusen il y a un an contre 25 millions d'euros.

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Roi de l'esquive, prototype du joueur de demi-espace, casseur de pressing par le déplacement, le dribble ou la passe, l'homme qui avait été préféré à Leroy Sané dans la liste des 23 de Joachim Löw pour la Coupe du monde 2018 possède une qualité de mouvements avec et sans ballon offrant l'impression qu'il a toujours de l'espace et un temps d'avance. Pour ne rien gâcher, le jeune homme dispose d'un QI foot qui lui permet de respecter le sens du jeu en toute circonstance. Un package forcément très utile pour son entraîneur, qui l'a même ponctuellement utilisé en pointe cette saison. «Julian peut jouer à plusieurs positions et dans plusieurs systèmes, appréciait Favre la semaine passée en conférence de presse. Sur un côté, entre les lignes, dans un milieu à deux ou à trois... Il est tellement polyvalent que ça m'offre beaucoup de solutions différentes. C'est une grande qualité, et c'est ce qui fait sa force.» À tel point que quel que soit le poste que lui assigne le coach des Borussen, il définit toujours son rôle de la même manière : celui d'un ''faux numéro 10''.

«Je n'avais jamais entendu parler de "faux numéro 10", seulement de "faux numéro 9", mais il aime décrire mon rôle ainsi, détaillait Brandt sur la chaîne du BVB quelques jours après avoir démoli Schalke 04. On joue avec un avant-centre et deux ailiers qui doivent rentrer à l'intérieur. Le coach m'appelle "faux numéro 10", mais il m'offre surtout beaucoup de liberté. Je n'aime pas être limité. Bien sûr, il faut respecter le plan de jeu et le replacement défensif, mais lorsqu'il me donne cette liberté d'aller à gauche, à droite, devant ou derrière, ça m'aide beaucoup et ça me rend heureux.» Vice-champion olympique en 2016 et vainqueur de la Coupe des Confédérations en 2017 avec la sélection allemande, le playmaker de 24 ans à peine a toujours apprécié être au coeur du jeu («Pour moi, c'est optimal») et faire parler ses pieds sans en rajouter. Balayant ainsi les comparaisons avec Joshua Kimmich ou Thomas Müller, bien plus directifs par la voix, pour s'imaginer plus proche d'un Mesut Özil : «On ne l'entend pas sur le terrain, mais il peut dicter le rythme d'un match.»

«Le coach m'appelle "faux numéro 10", mais il m'offre surtout beaucoup de liberté»

À Dortmund, les blonds ne sont pas que des pions. (FrankPeters/WITTERS/PRESSE SPO/PRESSE SPORTS)

Chef d'orchestre et lien permanent

La comparaison ne surprendra pas Peter Bosz, l'entraîneur du Bayer Leverkusen qui a délogé pour de bon Julian Brandt de son aile gauche pour l'installer dans l'axe, créant avec un autre phénomène technique, Kai Havertz, un monstre à deux têtes surnommé "Bravertz". «J'ai observé beaucoup de matches de Julian, et je l'avais affronté quand j'entraînais Dortmund, expliquait Bosz en février 2019. Il jouait dans un couloir mais je l'ai toujours vu comme un milieu axial. C'est un joueur tellement bon, et il faut que les bons joueurs touchent le ballon le plus possible.» L'intéressé ne s'en plaint pas, évidemment, et a donc trouvé avec Lucien Favre une continuité bienvenue pour sa progression. Avec les Jaune et Noir, dans un double pivot ou en tant qu'ailier intérieur, il est celui qui dicte le tempo, notamment sur attaques rapides. Celui qui fait le lien entre les différents talents offensifs, des latéraux hyper-actifs à un avant-centre ultra-opportuniste, en passant par un Jadon Sancho super-productif. En bref, celui qui met de l'huile dans un moteur supersonique.

Les ballons touchés par Julian Brandt, dans un double pivot, face à l'Union Berlin (5-0, 1er février). (WhoScored)

Et qu'importe si l'équilibre défensif de son équipe a parfois pu pâtir de sa liberté positionnelle. Julian Brandt est un esthète, et il n'a aucune intention de changer. «J'aime quand l'amour du jeu prend totalement le dessus, quand un joueur fait quelque chose de spécial, d'inattendu, d'instinctif, décrivait-il dans le journal Die Welt en 2018. Ce côté "Waouh" qui vous fait lever de votre siège, c'est la raison pour laquelle je joue au football : pour surprendre les gens. Je me suis promis que je garderais toujours cet élément de surprise dans mon jeu, même en dépit de certaines responsabilités tactiques.» Un vision finalement assez proche de celle d'un... vrai numéro 10.

Les ballons touchés par Julian Brandt face à Schalke 04 (4-0, 16 mars), dans un positionnement plus haut sur le papier. (WhoScored)

«Ce côté "Waouh" qui vous fait lever de votre siège, c'est la raison pour laquelle je joue au football»

Cédric Chapuis