soumare (boubakary) (E.Garnier/L'Equipe)

Boubakary Soumaré : «Bougba» va devenir grand

C'est certainement sa discrétion assumée qui fait qu'on ne parle pas encore énormément de lui. Mais Boubakary Soumaré, c'est le milieu de terrain de l'avenir. Du Paris FC au LOSC, en passant bien sûr par le PSG, et avec de nombreux témoignages, découvrez l'itinéraire de celui que ses amis surnomment «Bougba».

Les mêmes actions, chaque week-end. Les mêmes percées. Les mêmes chevauchées. Les mêmes lignes adverses cassées. Les mêmes sentiments de supériorité. Et les mêmes impressions que le futur est prometteur. Pour trouver la trace du point de départ de la trajectoire de Boubakary Soumaré, rendez-vous dans le XXe arrondissement de Paris, dans le quartier Saint-Blaise, là où il a grandi. Né le 27 février 1999, le jeune "Bouba" tape à la porte du club du coin, au stade Déjerine du Paris FC. «Un jour, le coach est venu nous voir pour nous dire comme quoi un U10 allait monter avec nous. C'était Bouba.» Luca Spurio se souvient très bien avoir vu son jeune coéquipier débarquer. «On était enfant. Au début, tu te dis "Oh non, c'est qui ?". On était un peu réticents. Mais le terrain a parlé. C'est vite devenu notre pote. Il n'est pas monté en mode "je suis une star".»

Quand "Bouba" met tout le monde d'accord

Soumaré n'a pas signé sa licence depuis bien longtemps qu'il est déjà surclassé. Ce sera le cas durant toute sa formation. «Ça l'a aidé, souligne Marc Moesta, son entraîneur en U12 et en U13 au PFC. À un moment, c'est devenu une habitude et il n'y avait plus de différence d'âge. Même avec la génération du dessus, il était aussi bon, si ce n'est plus que les autres. Demain, vous le mettez dans n'importe quelle équipe, il se mettra vite au niveau.» Oui, la génération du PFC de l'époque est bourrée de qualité, mais c'est bien Soumaré qui était au-dessus. «"Bouba", dans sa façon d'être, un peu réservé, dans son coin, il mettait tout le monde d'accord par rapport à ses qualités techniques et le talent qu'il avait, poursuit Moesta. Quand je l'ai vu, c'était un bon joueur, à l'aise des deux pieds. La seule chose que je lui reprochais, c'était qu'il avait du mal à faire des passes, dans le sens où il avait toujours appris à jouer de manière un peu individuelle. Ce que j'ai beaucoup travaillé avec lui, c'est cette façon de varier le jeu de percussion et le jeu avec le collectif.»

Des aptitudes qui l'amènent très vite au PSG. Il est alors un U13, mais toujours surclassé, à l'image de Dan-Axel Zagadou ou Mattéo Guendouzi, également nés en 1999. «Sur la promotion 99, c'était celui qui possédait le plus de maturité dans son jeu, nous dit-on. On sentait beaucoup d'envie. Il était déjà très performant techniquement. Il avait beaucoup de prestance, de la personnalité, il rayonnait. Il était déjà prêt.» Chez les U14, Boubakary Soumaré est coaché par Sébastien Thierry. Et alors qu'il n'est qu'un adolescent, il va marquer les esprits de son entraîneur. «Un joueur extrêmement déterminé, un guerrier sur le terrain, avoue-t-il. Avec une idée très précise de ce qu'il avait envie de faire. Avec le souci de vouloir sans cesse s'améliorer. Un pur régal pour un entraîneur. Il était toujours dans le questionnement, dans l'enrichissement personnel quand on se pose des questions tactiques, techniques.»

«Il avait beaucoup de prestance, de la personnalité, il rayonnait. Il était déjà prêt.»

«Tous ses matches, c'étaient des grands matches»

Au-delà du terrain, Soumaré créé des liens qui sont encore forts aujourd'hui avec toute une génération qui devient très vite une bande de potes. Dan Axel Zagadou (Borussia Dortmund), Moussa Diaby (Bayer Leverkusen), Antoine Bernède (Red Bull Salzbourg), Stanley Nsoki (Nice), Mahamadou Dembélé (Troyes), Metehan Güclü (Rennes), Arnaud Luzayadio (Orléans)... «On était tous ensemble, on rigolait, confirme ce dernier, il n'y avait pas de clan, quand on sortait, on sortait tous ensemble, une vraie bande de potes. Et on se parle toujours, on a un groupe sur Snapchat. C'était vraiment une bonne génération. Mais pour moi, il y avait Antoine Bernède, Dan-Axel Zagadou et lui qui étaient au-dessus.» Lui, c'est bien sûr Boubakary Soumaré. «Il a toujours été au-dessus de notre génération, prolonge Luzayadio. Il arrivait à faire des choses de haut niveau pour son âge. C'était facile pour lui. Tous ses matches, c'étaient des grands matches.» Boubakary Soumaré hérite alors petit à petit du surnom de "Bougba" en référence à Paul Pogba dont le style de jeu se rapproche du jeune milieu parisien. «Je ne sais pas si c'est un modèle, mais il s'est souvent comparé à lui, détaille Luzayadio. Il regardait beaucoup de vidéos pour s'en inspirer.»

«Il est capable de tout faire depuis qu'il a 11 ans, voire même avant, prévient Dan-Axel Zagadou. Il a toujours été en avance sur les autres. C'est l'un, si ce n'est le meilleur milieu de terrain de sa génération.» Quant à Metehan Güclü, qui a rejoint Rennes l'été dernier, il loue un certain sang-froid : «Il a toujours été au-dessus de la norme. Tout se joue dans sa tête. Il est insouciant. Il ne se pose pas de question. Il ne craint rien.»

«Mais ça avait un certain charme, tempère Sébastien Thierry. Sa moue un peu boudeuse ne durait pas longtemps. Il se donnait ensuite les moyens pour y arriver. Avec lui, il y a eu très, très peu de problèmes. C'est quelqu'un d'extrêmement sain, qui ne perturbait pas. Ils avaient tous de très forts caractères. Certains essayaient de manger les autres. Lui, ce n'était pas le cas.» Sentiment confirmé par Marc Moesta, entraîneur au PFC : «Un boudeur né, oui, mais je n'ai jamais vu de larmes dans ses yeux. C'était un enfant super adorable, super poli et qui aimait ce qu'il faisait. Il prenait plaisir à jouer au football. C'était le garçon dans son petit coin, qui parlait sans être le joueur qui se met en avant.» Mais à entendre Luca Spurio, ce trait de caractère a évolué de façon positive. «C'était un boudeur. Plus jeune, au bout d'un moment, il y avait un pétage de plombs et il le transmettait par le fait de bouder. Maintenant, avec le temps et les responsabilités, je trouve qu'il est beaucoup plus dans l'encouragement, il est beaucoup plus dans le côté leader.»

"Bouba", le boudeur

Question caractère, Boubakary Soumaré fait également l'unanimité en ce qui concerne son côté... boudeur dès lors que les choses ne se passent pas comme il l'aurait souhaité. «Ça, c'est vrai, sourit Luzayadio. Quand quelque chose ne lui plaisait pas, ça l'atteignait trop facilement et ça se voyait sur le terrain. Ça se voyait quand il n'était plus à fond.» Et le joueur d'Orléans a un exemple tout trouvé en tête : «Je me rappelle d'un match où il avait joué défenseur central. Mais il détestait ça ! Du coup, il boudait. Il jouait quand même... mais il boudait.» «C'était marqué, facile à deviner», confirme Cédric Cattenoy, un des formateurs de Soumaré au PSG. Et il n'y a pas qu'au sein de l'académie parisienne que ce trait de caractère ressort. «Il manquait de régularité à l'époque, y compris dans son côté lunatique, analyse Laurent Guyot, son sélectionneur en équipe de France U16. On pouvait avoir le Bouba souriant, qui avait envie, et de temps en temps, l'autre face de quelqu'un qui ne décrochait pas un sourire et qui mettait moins d'enthousiasme dans son jeu. Quand tous les feux étaient au vert, il y avait un potentiel.»

«Sa moue un peu boudeuse ne durait pas longtemps. Il se donnait ensuite les moyens pour y arriver. C'est quelqu'un d'extrêmement sain, qui ne perturbait pas. Ils avaient tous de très forts caractères. Certains essayaient de manger les autres. Lui, ce n'était pas le cas.»

Boubakary Soumaré compte 6 sélections chez les U16, 2 chez les U17, 8 chez les U18, 12 chez les U19, 7 chez les U20, 4 chez les Espoirs. C'est dire combien il est dans les radars de la FFF depuis longtemps. (Gerrit Van Keulen/ANP SPORT/PR/PRESSE SPORTS)

Et à y regarder ses prestations et son profil, on a plutôt envie de croire ceux qui le côtoient depuis longtemps. «Il n'est pas encore à 100% de ses qualités, tranche Marc Moesta. Il a une très grande marge de progression. S'il reste dans le même état d'esprit qu'aujourd'hui, je pense qu'il fera beaucoup parler de lui.» Son entraîneur au Paris FC sait déjà où il peut voir son ancien poulain briller encore plus. «Il a déjà beaucoup pris en termes de volume de jeu, mais il peut en prendre encore plus. Il doit s'améliorer dans la finition. Il n'a pas encore ce geste, cette dernière passe qui fera la différence. Aujourd'hui, sa qualité de casser une ligne sur une passe, c'est très bien, mais je pense que finir les actions, être un peu plus buteur, ça va venir avec le temps.» Des propos qui font écho à ceux de Metehan Güclü, le Rennais : «Je le chambre souvent : je lui dis de plus tirer !» «Honnêtement, il est encore loin du niveau qu'il peut atteindre, et je ne dis pas ça parce que c'est mon pote, s'enthousiasme Luca Spurio. En regardant les matches de C1 avec mon père, on se dit qu'il joue comme à ses 10 ans, sans pression. Il s'en fout un peu. Et, malgré ça, il va te sortir une grosse perf'. Ça peut aller loin, une trajectoire à la Pogba.»

Au PSG, la progression est linéaire, les impressions restent les mêmes. Chacun ayant son souvenir d'un match parfait portant la marque de Boubakary Soumaré. Dan-Axel Zagadou : «Face au Havre, en U17, il récupère le ballon en défense, le remonte seul jusqu'à la surface adverse avant de buter sur le gardien. Sur cette action, il avait démontré toute l'étendue de son talent technique. Il est puissant, intelligent, il possède toutes les qualités qu'un milieu de terrain doit avoir.» Arnaud Luzayadio se remémore la finale du Championnat de France U17 face à Saint-Étienne : «On gagnait 3-2 et on était vraiment acculés alors qu'il restait peut-être cinq ou deux minutes. On pouvait prendre un but à tout moment. On était presque cuits. Sur un contre, on envoie Antoine Bernède en profondeur. Mais vu qu'il n'est pas rapide, il temporise. Et là, de nulle part, on voit "Bouba" faire un sprint de notre camp jusqu'à leur but. Antoine n'avait plus qu'à lui mettre et il a fini le travail. C'était comme un soulagement, c'est lui qui nous avait assuré cette victoire.»

Famille, amis, foot : les seuls endroits où vous pourrez voir un Soumaré libéré. «Le "Bouba" que vous voyez n'est pas celui que nous côtoyons tous les jours», prévenait Christophe Galtier, l'entraîneur des Dogues, dans La Voix du Nord. «Il n'aime pas s'afficher, mais contrairement à ce qu'on peut voir à la télé, il était très chambreur, il chantait, tout le temps là à taquiner, il animait notre génération», sourit Metehan Güclü. «En apparence, on a l'impression qu'il est froid, mais pas du tout, relance encore Mahamadou Dembélé, également ex-Parisien aujourd'hui à Troyes, c'est un mec qui ne fait que rigoler. Mais il est mature pour son âge.» «C'est un gars simple qui aime les choses simples, poursuit encore Dan-Axel Zagadou. Il fait vivre le vestiaire, il aime chambrer. "Bouba", c'est comme un frère pour moi. C'est une fierté d'avoir pu partager six ans de formation avec lui, de l'avoir vu progresser chaque année.» Une progression qui passera inévitablement par un départ, très vite. Au regard du modèle lillois et de la cote grandissante de Boubakary Soumaré, aujourd'hui international Espoirs et promis à un futur en équipe de France A, on ne peut s'empêcher de penser qu'un transfert interviendra l'été prochain. Avec, pourquoi pas, un jour, un retour à Paris ? «Je l'ai déjà dit pour Mattéo Guendouzi, mais nous, formateurs, on aurait rêvé qu'ils jouent au PSG. Au fond d'eux, ils ont une symbolique parisienne. Ils peuvent vous raconter ce qu'ils veulent, ils ont tous ça dans un coin de leur tête.» Vivement la suite.

Une impatience qui débouche sur un départ

Soumaré est lancé. La route du haut niveau est dégagée. Le passage chez les professionnels est évident. Mais comme de nombreux coéquipiers de sa génération, il faut partir pour avoir sa chance. Paris, avec ses stars, ne lui ouvrant même pas les portes du groupe pro pour lui donner sa chance ne serait-ce que lors des entraînements. Soumaré s'impatiente et refuse de signer un contrat professionnel. «Je pensais vraiment qu'il allait rester, avoue Arnaud Luzayadio. Il avait moyen d'avoir des minutes en pros. Ça m'a un peu choqué. Je pense qu'il voulait jouer vite. Et au PSG, c'était un processus : d'abord jouer en CFA, puis les entraînements... À Lille, le projet était de jouer directement en pros, il n'a pas hésité.»


À Lille, Boubakary Soumaré intègre d'abord l'équipe réserve. Mais cela ne durera pas très longtemps, à peine trois mois. «Il avait un tel potentiel qu'il a vite passé le pas vers les pros, constate Patrick Collot, actuellement adjoint de Christian Gourcuff au FC Nantes et entraîneur de la réserve lilloise à l'époque. Quand on l'a vu débarquer, on se demandait quel était ce joueur. Il dégage vraiment une tranquillité, des qualités techniques très intéressantes pour un milieu de terrain. De la vitesse, de la puissance... On voyait qu'il allait arriver au très haut niveau très rapidement.» Depuis juillet 2017, Soumaré est apparu à 45 reprises en Ligue 1 avec le LOSC. Un LOSC qui a pris le temps de l'intégrer petit à petit. Et depuis la fin de saison dernière, le voilà devenu indispensable, notamment après le départ de Thiago Mendes à Lyon. À l'image de son match référence à ce niveau : sa prestation à Lyon, le 5 mai dernier (2-2), avait éclaboussé les observateurs. C'est d'ailleurs ce soir-là qu'il avait inscrit son premier but dans l'élite. «Ce qui lui arrive ne m'étonne pas du tout, explique Ibrahim Amadou, ancien capitaine lillois aujourd'hui à Norwich. Il faisait partie des meilleurs à l'entraînement. C'était dommage qu'il ne parvienne pas à reproduire ce qu'il faisait en match. Il était un peu jeune. Aujourd'hui, il arrive à démontrer.»

«Honnêtement, il est encore loin du niveau qu'il peut atteindre. Ça peut aller loin, une trajectoire à la Pogba.»

Famille, amis, football

Reste à observer comment Soumaré parviendra à se faire à un haut niveau et à des projecteurs qui peuvent rapidement dépasser ceux qui n'y sont pas habitués. Archi discret, Soumaré, qui n'a pas encore 21 ans (il est toujours bon de le rappeler), refuse toutes les demandes d'interviews. Pas de réseaux sociaux publics et un club de Lille qui tente de le protéger en respectant cette volonté de discrétion. «Il parle très peu, et il faut le chatouiller pour lui décrocher un sourire, note Sébastien Thierry. Ça n'empêche que c'est une personnalité extrêmement attachante. Mais pour quelqu'un qui ne le connait pas, il peut être difficile à cerner.» Une certaine discrétion liée aussi à son éducation. «Sa famille a toujours été rigoureuse, se souvient Marc Moesta. Elle reconnaît que c'est le travail avant tout. Ça lui a permis d'avoir le comportement qu'il a aujourd'hui.» «Il est très, très bien entouré, confirme Luca Spurio. Il est issu d'une famille à son image où on respecte tout le monde et où tu ne te fais pas remarquer. Il est très, très famille. Il est toujours très attaché à son quartier. C'était et c'est toujours son petit cocon. Dès qu'il a le temps, il y revient. "Bouba", c'est simple : c'est soit la famille, soit les amis, soit le foot. Tout simplement.»

«Il n'aime pas s'afficher, mais contrairement à ce qu'on peut voir à la télé, il était très chambreur, il chantait, tout le temps là à taquiner, il animait notre génération.»

Timothé Crépin