deschamps (didier) hernandez (lucas) (S.Mantey/L'Equipe)

Bleus : Lucas Hernandez, problème au poste ?

Chez les Bleus, Lucas Hernandez a toujours assuré dans son couloir gauche. Mais depuis son arrivée au Bayern, l'entraîneur allemand Niko Kovac l'utilise comme défenseur central. Alors quid de son rôle en équipe de France ?

Fraîchement transféré au Bayern Munich cet été, Lucas Hernandez arrive en qualité de défenseur central en Bavière, le couloir gauche étant occupé par David Alaba. Pourtant, Didier Deschamps continue de compter sur lui en tant qu'arrière gauche. Et même s'il a donné satisfaction à ce poste à l'Atlético Madrid, on peut se demander s'il ne finira pas par se désaccoutumer du poste de latéral.

Des exigences physiques et mentales différentes

Lucas Hernandez connaîssait déjà le rôle de défenseur central - son poste de formation - à Madrid, bien qu'il a fini par s'installer au poste de latéral gauche au profit de Felipe Luis cantonné, lui, à une place de remplaçant. Sa polyvalence en a fait l'un des maillons forts de l'équipe de Diego Simeone. Mais dans le football moderne, les exigences à ces deux postes sont très éloignées. Longtemps, on a reproché à Lucas Hernandez son manque de participation dans le jeu et les phases offensives, lui qui préférait bien défendre avant d'oser se projeter vers l'avant, symbole de son ADN de défenseur central. Et à l'heure où les latéraux ont un rôle quasi essentiel dans le jeu de l'équipe, l'international français avait dû énormément travailler cet aspect-là. Accompagner les attaques, faire la navette sur son couloir, déborder, proposer constamment des solutions au porteur du ballon... Toutes ces caractéristiques propres au latéral demandent un apport physique logiquement plus élevé. «Le latéral moderne, c'est quasiment un rôle d'ailier. Il doit apporter plus offensivement que défensivement. Il faut avoir du coffre. On n'est jamais arrêté contrairement à ce que peut être le défenseur central. Il faut aller chercher haut le porteur du ballon, confirme Johnny Ecker, défenseur central de formation qui a fini latéral sous Vahid Halilhodzic à Lille puis sous Alain Perrin à l'OM. Physiquement, j'en avais énormément souffert de ce changement de poste.»

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Mais s'il y a un domaine où Lucas Hernandez excelle plus que les autres, c'est bien dans sa capacité à renouveler les efforts tout au long des matches et toujours avec beaucoup d'intensité. Un joueur qui donne tout sur le terrain comme lorsqu'il s'arrachait jusqu'au bout pour délivrer un centre ô combien important repris par Pavard face à l'Argentine en Coupe du monde... En d'autres termes, le physique n'est pas ce qui devrait inquiéter l'international, surtout qu'il est habitué aux durs entraînements de Diego Simeone et au haut niveau. «Je pense que quand tu joues au Bayern chaque week-end, avec tous ces matches de Championnat, de Coupe et de Ligue des champions, niveau intensité tu es servi. Il joue énormément et lui, physiquement, c'est inné», confirme Johnny Ecker. Le mental est aussi à prendre en compte dans ce changement de poste parce que le joueur doit penser différemment. «L'adaptation mentale n'est pas simple puisqu'il faut changer d'état d'esprit. Il faut accepter de ne penser qu'à défendre pour le central, ou à beaucoup attaquer pour le latéral, ajoute Rod Fanni, ancien défenseur de l'OM. La rigueur au poste de central est différente. On ne pardonne rien à ce poste au haut niveau. Mais Lucas (Hernandez) y est habitué

«L'adaptation mentale n'est pas simple puisqu'il faut changer d'état d'esprit. Il faut accepter de ne penser qu'à défendre pour le central, ou à beaucoup attaquer pour le latéral» (Rod Fanni, ancien défenseur de l'OM)

Un manque d'automatismes ?

Défenseur central en club, latéral gauche en sélection. C'est ce à quoi sera confronté Lucas Hernandez cette saison. Une situation peut-être plus difficile que celle qu'il connaissait jusqu'ici en Espagne, puisqu'il devra s'adapter et être performant très rapidement et sur une période assez courte. Enchaîner les matches en tant que central, puis quelques fois dans l'année se mettre en tête qu'il rejoint les Bleus pour un poste de latéral. « Le fait d'alterner pour lui, ça ne lui posera pas de problème. C'est un garçon qui a toujours su s'adapter. Pour ce garçon-là, à ce niveau-là, je ne pense pas que ça posera problème, c'est un très bon joueur», rassure Johnny Ecker. Mais ne manquera t-il pas d'automatismes à un poste où il en faut pour combiner avec ses partenaires ? «S'il était passé de latéral en club à central en sélection ça aurait été plus compliqué, avoue Rod Fanni. En central, on est beaucoup plus dépendant des autres. On a un rôle plus collectif, faire la connexion avec les autres joueurs parce qu'on a une vision globale du jeu. On doit corriger le placement des autres, il faut des automatismes pour ça.» Et Hernandez est un habitué des Bleus et sait comment jouer avec ses coéquipiers. De quoi rassurer les sceptiques.

Être polyvalent dans le football actuel est une force et c'est aussi une source de satisfaction pour les entraîneurs qui ont forcément plus de choix. Mais comme pour beaucoup, le risque est de ne finalement pas réussir à se fixer à un poste et donc ne pas être performant dans la continuité. «C'est un désavantage de changer de poste tout le temps. On ne peut pas se perfectionner. En tout cas, pas lorsque l'on est aussi jeune. Quand on prend de l'âge c'est différent», ajoute Rod Fanni. Finalement, on en viendrait presque à oublier que Lucas Hernandez est avant tout un défenseur central. Avec Didier Deschamps, il a été placé sur le couloir gauche à une époque où aucun des latéraux ne donnait satisfaction. Lui a su saisir sa chance. D'ailleurs, en rejoignant la Bavière cette été, il a retrouvé un autre international français qui connaissait le même problème que lui : Benjamin Pavard. Central de formation, il occupe le flan droit chez les Bleus. S'il ne fait presque aucun doute que Lucas Hernandez réussira à encore satisfaire les désirs de «DD» dans son couloir gauche et qu'il a dû évoquer le sujet avec le sélectionneur, il faut par contre se demander si c'est une solution pérenne à l'avenir...

Hanif Ben Berkane