Silva (bernardo) joao moutinho (BOUE SEBASTIEN/L'Equipe)

Avec Joao Moutinho, Bernardo Silva ou encore Anthony Lopes, le Portugal est déjà à l'heure française

Plus l'Euro approche, plus le Portugal se rapproche de la France. Et plus le temps passe, plus la Seleção pourrait carrément aligner un onze de Ligue 1.

Les superstitieux y verront un signe. Le 11 octobre 2014, Fernando Santos enfilait pour la première fois le costard de «seleccionador» au Stade de France. Son Portugal allait perdre cet amical (1-2) mais bientôt conquérir une place pour la phase finale de l’Euro. Et - fait inédit depuis 2008 - sans passer par les barrages. Son billet pour l’Hexagone, «L’Ingénieur» se l’est payé avec l’aide d’une légion de «soldats» évoluant en Ligue 1. Sur les 20 joueurs lancés par le technicien de 61 ans (en quinze matches), quatre évoluent en France (Anthony Lopes, Ricardo Carvalho, Raphaël Guerreiro et Bernardo Silva). Les «baptisés français» sont les plus nombreux de l’ère Santos (hors Portugal). Si l’envie lui prenait, FS pourrait carrément coucher une compo 100% L1. Sa dernière liste pour les amicaux face à la Bulgarie (0-1, le 25 mars) et la Belgique (ce soir) incorpore encore cinq salariés de L1 : le Lyonnais Anthony Lopes, le Lorientais Raphaël Guerreiro, les Monégasques Ricardo Carvalho et Bernardo Silva et le Lillois Eder. Le tout, sans les tauliers Fabio Coentrão et Joao Moutinho, deux autres Monégasques, blessés.

Guerreiro, une carte à jouer. (MICHEL VINCENT/L'Equipe)

Une défense «made in France»

Ses trois sélections en A, Anthony Lopes les doit à Mister Santos. La place de numéro un de Rui Patrício a été maintenue après le départ de Paulo Bento, mais le natif de Givors est le deuxième portier le plus couché sur les feuilles de matches signées par Santos (treize fois) après celui du Sporting (quatorze). Aligné à trois reprises par l’ancien sélectionneur de la Grèce, il est, devant Beto (deux), le plus employé après Patrício (dix).
Le secteur défensif est le plus francophile de l’équipe nationale portugaise. En embrouilles avec Bento, Ricardo Carvalho a été l’un des rappelés de Santos, lors de sa première au SDF. Le joueur de trente-sept ans est, depuis, redevenu un habitué de la Seleção (83 sélections, 5 buts). Le genre de retour qui pourrait donner des idées à Rolando. Le défenseur central de trente ans (dix-neuf capes) n’a plus été appelé en sélection depuis mars 2014. Mais parviendra-t-il à faire oublier l’instabilité chronique qui règne à l’OM ?

À Monaco, Fábio Coentrão est bien dans les plans. Malgré les blessures. Le blondinet a rechuté sur le Rocher mais, une fois sur pied, il devrait être à l’Euro. À son poste, c’est Raphaël Guerreiro qui l’a (bien) secondé. Bien qu’il alterne entre défense et milieu à Lorient, le gaucher est devenu une solution plus que sérieuse. Il a été mis en concurrence avec Eliseu (Benfica). Dans l’autre couloir, Ricardo Pereira a été convoqué en équipe olympique. Le Niçois de 22 ans prêté par Porto est l’une des révélations des Aiglons. Moins probable mais même constat pour Damien da Silva qui réalise une année pleine avec Caen. À 27 ans, cet ex-Bleuet ne cache pas son rêve d’être appelé en Seleção. Un honneur que le Rennais Pedro Mendes a déjà connu… avec les jeunes. Fernando Santos scrute ses performances depuis maintenant quelques mois.

Fábio Coentrão, Ricardo Pereira, Damien Da Silva, Pedro Mendes, ...

Des solutions au milieu et en attaque

Pas la peine de présenter João Moutinho. Pierre angulaire du milieu de l’ASM, il est le seul «survivant» dans l’entrejeu du Portugal, le secteur de jeu dans lequel Fernando Santos a l’embarras du choix. Bernardo Silva pourrait bien faire le voyage avec lui. Taulier des Espoirs, finalistes de l’Euro 2015 de la catégorie, l’offensif est un élément sur lequel beaucoup d’attentes sont fondées. Tout comme Rony Lopes pour qui le Brésil de ses parents est aussi une possibilité. Mais l’actuel Lillois a encore le temps de voir venir et de choisir.
Au LOSC, Eder est à la relance. Après six mois de disette à Swansea, le longiligne attaquant reste l’un des prétendants au poste du 9 de son pays. Aujourd’hui, il semble avoir plus de chances d’en être qu’Ivan Cavaleiro (déjà international A) dont la première saison à Monaco est douloureuse.

Merci à Monaco et... au PSG

Sur les treize Portugais de Ligue 1 (sans compter Da Silva), six sont liés à Monaco (n’oublions pas Hélder Costa). La lusophilie de l’ASM a été légitimée par les résultats de Leonardo Jardim. Et il y a de tout : joueurs à la relance (Carvalho, Coentrão), jeunes en manque de temps de jeu dans les grands clubs portugais (Bernardo, Ricardo, Hélder Costa), «restes» du grand projet du grand Monaco (Moutinho)…
À en croire Paulo Machado, premier joueur à avoir connu la Seleção A grâce à la L1 (Toulouse), un autre club a contribué à rendre le Championnat de France plus captivant aux yeux des Portugais : «Le Paris-SG donne une immense visibilité à la Ligue 1. Il l’a rendue plus attractive. Si à mon époque il y avait eu ce PSG, j’aurais été appelé plus souvent en sélection…» «Au Portugal, on regarde maintenant plus le Championnat français. On se rend compte que la L1 n’est pas si faible que ça. Physiquement, il y a même de l’avance en France», poursuit l’actuel milieu de terrain du Dynamo Zagreb.

Une rémunération cinq fois plus élevé en L1

Le nombre record de Portugais en L1 (quatorze) et L2 (dix) de cette saison a aussi une explication économique. «La plupart des clubs portugais paient moins et/ou mal, poursuit Machado. Les salaires ne tombent pas toujours en temps et en heure.» La rémunération moyenne de la Ligue 1 (autour de 45 000 euros mensuels) reste cinq fois plus élevé que celle de la Liga portugaise.
Un phénomène nouveau se développe au sein de la Seleção : celui des binationaux. Le Portugal, qui a formé bon nombre de joueurs devenus internationaux pour des pays africains notamment, jouit aujourd’hui des enfants de sa diaspora. Lopes et Guerreiro en sont l’illustration. La Seleção se met au «made in France» et d’autres productions devraient suivre…

Bon signe ?

Les Portugais doivent-ils se réjouir de cette nouvelle tendance francophile ? Après tout, leur Championnat aux moyens bien plus limités est toujours au coude-à-coude avec la France à l’indice UEFA et, mis à part le PSG (qui ne compte aucun joueur portugais), plus aucune formation de l’Hexagone n’est engagée en Coupe d’Europe. Les plus critiques insisteront sur l’hégémonie des Parisiens, leur avance indécente sur leurs poursuivants ; les autres remarqueront que Monaco, Nice, Lyon et Rennes - où évoluent des Portugais - sont les mieux classés du Championnat de France derrière l’ogre PSG.
Quels que soient les choix de Fernando Santos pour l’Euro, la Seleção devrait connaître un nombre de joueurs de L1 jamais atteint et aller au-delà des trois «Français» convoqués pour le Mondial 2006 : Tiago pour l’OL, Pauleta pour le PSG et Postiga pour l’ASSE. Le Portugal avait alors atteint les demi-finales. Sa meilleure performance (avec l'Euro 2012) depuis dix ans… Avant de tomber, une nouvelle fois, face à… la France (0-1).

Nicolas Vilas (MCS)