kalimuendo (arnaud) (V.Michel/L'Equipe)

Avant PSG-Lens : Arnaud Kalimuendo, le Titi parisien ne perd pas le nord

Quand il s'agira de nommer les meilleurs jeunes joueurs de la saison 2020-21 de Ligue 1, il paraît certain qu'Arnaud Kalimuendo fera partie de la liste. À 18 ans, le joueur formé au PSG en est à 7 buts pour sa toute première saison chez les pros avec le RC Lens, où il est prêté. Toujours plus prometteur.

Ils sortent de l'hôtel les uns derrière les autres. Direction le car. Le calme des chambres de l'établissement laisse place à une ambiance dingue : les décibels sont au maximum, les fumigènes craqués colorent l'atmosphère. Il y a comme l'impression que les Lensois partent en mission, pour un grand soir. Certains joueurs en prennent plein la vue et ne peuvent s'empêcher d'immortaliser la scène en filmant avec leurs téléphones. Arnaud Kalimuendo, 18 ans, issu de la talentueuse génération 2002 (Tanguy Kouassi, Timothée Pembélé, Lucien Agoumé, Adil Aouchiche, Isaac Lihadji, Johann Lepenant, Nathanael Mbuku, Georginio Rutter...) dégaîne sa caméra, les yeux grands ouverts. C'est clair : son premier avant-match en tant que joueur du Racing Club de Lens, il s'en souviendra très longtemps. Le 18 octobre 2020. Auteurs d'un excellent début de Championnat malgré leur statut de promu (quatre victoires, un nul et une défaite), les Sang et Or se rendent chez le voisin et ennemi lillois, qui les devance d'un petit point au classement. C'est le retour du derby du Nord, malheureusement à huis clos. Au stade Pierre-Mauroy, s'il entre en tout début de seconde période pour ses premières minutes lensoises, Arnaud Kalimuendo ne peut que constater les dégâts avec cette gifle subie par le LOSC (0-4). Mais le souvenir est là. «Il voyait les supporters en folie allumer des fumigènes. Ça l'avait tout de suite marqué et motivé», se souvient Johan Caurant, l'agent du jeune attaquant français.

Thiago Motta, Ronaldo, Neymar et Lisbonne

Une entrée en matière qui reste en tête et qui fait dire à Kalimuendo que le choix de Lens est le bon. Ce choix avait été définitivement acté un peu plus tôt dans le mois d'octobre. Huit ans après son entrée à la préformation du PSG alors qu'il atteint à peine les dix piges, le natif de Suresnes amorce un premier virage important dans sa carrière professionnelle. En permanence surclassé en formation, auteur de neuf buts en dix matches de Youth League avec Paris (dont un triplé au Real Madrid et un doublé face à Liverpool alors qu'il n'a pas 17 ans) sous les ordres notamment d'un Thiago Motta qui a eu son importance, Kalimuendo signe son premier contrat professionnel avec le PSG en juillet 2019. Une année où il termine également troisième du Mondial U17 avec l'équipe de France. Bilan personnel : sept matches, cinq buts, dont un triplé lors de la petite finale face aux Pays-Bas. Avec les félicitations de Ronaldo, le Brésilien, sur le podium, un souvenir indélébile.

Kalimuendo, aux côté des Verratti, Paredes, Neymar, Choupo-Moting ou Di Maria avec le PSG. (F.Faugere/L'Equipe)

Intégré aux professionnels du club parisien, il apparaît quelques fois dans le groupe du PSG. Au point même d'être du voyage pour Lisbonne en août afin de disputer le Final 8. Pas de première sur le terrain pour lui en Ligue des champions, mais qu'importe, le vécu avec Kylian Mbappé et consorts est déjà très précieux : «La première séance que tu fais avec eux, tu as les yeux grands ouverts, avouait Kalimuendo à L'Equipe en octobre dernier. Ce sont des joueurs que tu choisis sur la PlayStation et d'un coup tu t'entraînes avec eux... Je me souviens d'une séance où je m'étais précipité. À la fin du jeu, Neymar est venu me dire que j'aurais pu contrôler, qu'il fallait privilégier la maîtrise pour optimiser les chances. Depuis, j'y repense tout le temps quand je suis devant le but.» Sur la feuille de match pour le quart de finale de C1 arraché en fin de match face à l'Atalanta grâce à Marquinhos et Eric Maxim Choupo-Moting, Arnaud Kalimuendo vibre : «Je l'ai vécu pleinement, continuait-il, toujours dans L'Equipe. Avant tout, je suis un supporter parisien, le plus important était que l'équipe gagne la C1. J'étais à fond à l'entraînement, au stade. Quelque chose d'historique était en train de se passer, on voulait montrer qu'on était là nous aussi pour pousser, aider si besoin. C'était une expérience exceptionnelle et inoubliable, un apprentissage accéléré. Avoir vu ça de près est une motivation supplémentaire pour revivre ce genre de moments en tant qu'acteur.»

«Je me souviens d'une séance où je m'étais précipité. À la fin du jeu, Neymar est venu me dire que j'aurais pu contrôler, qu'il fallait privilégier la maîtrise pour optimiser les chances. Depuis, j'y repense tout le temps quand je suis devant le but.»

Une première en L1 à Bollaert... avec le PSG

Mais pour rêver entendre de nouveau la petite musique, il faut se lancer. Celui qui est passé par les équipes de France de jeunes ne peut imaginer gratter assez de temps de jeu au sein du PSG de Thomas Tuchel. En tout début de saison, alors que Paris sort à peine de la finale de la Ligue des champions perdue et qu'il enchaîne les pépins et les cas de Covid-19, Arnaud Kalimuendo dispute ses premières minutes en Ligue 1 avec son club formateur. Le lieu ? Le stade Bollaert-Delelis, pour un match comptant pour la 2e journée de la saison 2020-21. Kalimuendo est même titulaire à la pointe de l'attaque. Une opportunité devant un Jean-Louis Leca qui sort bien juste avant la pause, puis une sortie à un quart d'heure de la fin. Avec un Paris qui s'incline (0-1, but d'Ignatius Ganago).

Moins d'un mois plus tard, lui qui avait bien compris que même à 5000 spectateurs, les supporters artésiens étaient capables de faire (beaucoup) de bruit, va passer d'adversaire à membre du RCL. A la veille de la fin du mercato, Arnaud Kalimuendo, convoqué pour la première fois en octobre en équipe de France Espoirs (il compte 1 sélection), est prêté un an avec option d'achat, juste après avoir prolongé son contrat de deux ans avec le club de la capitale. «Je pense qu'il a un physique au-dessus de la moyenne, il est très puissant, raconte à l'époque Florian Sotoca, son coéquipier à Lens, à FF.fr. Il fait de bons appels de balle. Et je pense qu'il est adroit devant le but. On a hâte de le découvrir. Il va très bien s'intégrer au groupe.» «À mes yeux, c'est le début de l'histoire, argumente Kalimuendo dans L'Equipe. Je connais mes ambitions. Pour moi, la progression passait vraiment par le temps de jeu. Je ne vois pas ça comme une régression. C'est l'opportunité de m'aguerrir, montrer ce que je peux apporter à une équipe de L1. Quand un tel club t'offre l'opportunité de jouer à mon âge, comment la refuser ?»

Arnaud Kalimuendo, lors de Lens-PSG, quelques semaines avant de passer dans l'autre camp. (P.Lahalle/L'Equipe)

«À mes yeux, c'est le début de l'histoire.»

Dans les petits papiers de Franck Haise

Egalement courtisé par Brest, "Kali" rallie le Pas-de-Calais, lui qui est ardemment courtisé par Franck Haise. Retour en janvier 2020. Alors entraîneur de la réserve lensoise, en N2, Haise planche très souvent sur les jeunes. En plein hiver nordiste, le RC Lens reçoit le Paris Saint-Germain pour le compte des 32es de finale de la Coupe Gambardella. Au stade François-Blin, non loin de La Gaillette, le centre d'entraînement lensois, Franck Haise vient jeter un oeil. «J'avais entendu quelques noms, dont celui de Kali, raconte pour FF.fr l'actuel technicien du RC Lens. Je suis allé assister au match, ça m'a permis de le voir d'un peu plus près et d'avoir des images en tête.» Le PSG de Kalimuendo, auteur d'un doublé, Tanguy Kouassi et Adil Aouchiche étrille le RCL (6-2 !) : «Je vois un garçon à l'aise techniquement, juste dans ses déplacements, capable d'être altruiste et d'être bon finisseur. Un joueur assez complet.»

Pas toujours titulaire (12 fois en 24 apparitions jusqu'ici), Arnaud Kalimuendo met très bien à profit son temps de jeu. 1181 minutes Ligue 1 et Coupe de France confondues, 8 buts (dont 7 en Championnat) et 2 passes décisives. Il est ainsi à la finition ou à la dernière passe d'un but toutes les 118 minutes. Avec des styles de réalisations différents : en se jetant joliment pour finir face à Angers, du pied gauche à Rennes, de la tête face à Brest, avec un enchaînement rapide contrôle-frappe à Saint-Etienne, en renard face à Lorient ou encore d'une tête plongeante encore face au SCO. «C'est un joueur qui avait jusqu'alors joué dans sa catégorie d'âge, en Youth League, enchaîne Franck Haise. Même si c'était au PSG, même s'il connaissait les entraînements avec les pros, passer de ça à jouer régulièrement en L1, ce n'est quand même pas anodin. Je ne suis pas étonné, mais ce n'était pas gagné d'avance.» «Le RC Lens est un club familial, il s'y sent très, très, très bien, analyse Johan Caurant. Il a découvert un nouvel environnement très accueillant, avec des valeurs, avec un coach qui a fait exploser l'équipe.» Et le représentant le promet, de tels états de services pour un bizutage à ce niveau ne le surprend pas : «Le contraire nous aurait étonné. Quand il était U17, il jouait avec les U19 et claquait 30 buts dans la saison. C'est un serial scoreur. Le but, il a ça en lui, il a l'ADN du buteur. Qu'on le veuille ou non, il marquera des buts toute sa carrière.»

Joue-la comme Varane

Avec, donc, neuf mois plus tard, l'opportunité de fin de mercato pour le faire venir. Et une adaptation, pas forcément évidente sur le papier, lui qui quittait l'Ile-de-France pour la première fois de sa carrière, si ce n'est de sa vie, qui se fait parfaitement, comme annoncé par Sotoca. «On a un groupe de joueurs avec un super état d'esprit, qui est accueillant et même bienveillant, remarque Franck Haise. Kali est une très bonne personne, c'était assez facile pour que ça matche.» Un groupe qui vit bien, tant mieux, mais il faut un peu plus que ça. Franck Haise : «Il y a un élément essentiel : le joueur qui arrive doit d'abord être un très bon joueur. Car si c'est un très bon mec mais qu'il ne fait pas grand-chose sur le terrain, ce n'est pas suffisant. Là, non seulement il y a quelqu'un avec des valeurs et une bonne éducation, qui comprend le jeu, mais il est en plus un très bon joueur de foot. Il s'est vite et assez naturellement mis au diapason de l'équipe qui était déjà lancée.»

Franck Haise et le staff Sang et Or prennent le temps qu'il faut pour l'intégrer. Avant de le lancer comme titulaire le 22 novembre à Dijon. Victoire 1-0, premier but en Ligue 1 pour Arnaud Kalimuendo, d'un tacle efficace face à un Anthony Racioppi, le portier du DFCO, qui s'emmêle les pinceaux. «C'est une fierté, ce n'est pas forcément mon plus beau but, mais il est très important», sourit alors le principal intéressé qui, ce jour-là, devient à 18 ans et 307 jours le deuxième plus jeune buteur pour le RC Lens en Ligue 1 derrière Raphaël Varane (18 ans et 12 jours).

«On a essayé qu'il se sente bien, poursuit aujourd'hui Franck Haise. Il y a eu recadrage quand cela a été nécessaire. Mais il a accepté la concurrence. J'ai cinq attaquants de qualité. Il a toujours été respectueux du cadre. A un moment, il a un peu moins marqué et joué, ça fait partie de l'apprentissage. Il ne faut jamais baisser la garde, toujours s'investir. On a pu avoir quelques échanges, et ça repart toujours à un moment ou à un autre quand on a de la qualité.» Pas de quoi en effet faire flancher un Arnaud Kalimuendo, très proche de Loïc Badé, Ismaël Boura ou Gaël Kakuta, qui retrouve la bonne carburation, pour être décisif sur des buts, donc, mais pas que. Regardez plutôt son entrée salvatrice du week-end passé face à Nîmes. Le Titi parisien entre à la 67e minute à 1-1 avec un Lens en difficulté à dix contre onze. «Sa rentrée, avec celle de Tony Mauricio, a contribué à nous redonner une bouffée d'oxygène sur les vingt-cinq dernières minutes, se félicite Franck Haise. Pour nous amener une occasion qui a ensuite donné le corner du but qui a permis de gagner. Dans un match où il a fallu se débattre parfois un peu seul, il a été capable de le faire. Je ne sais pas s'il aurait été capable de ça il y a huit ou neuf mois.»

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«C'est un serial scoreur. Le but, il a ça en lui, il a l'ADN du buteur. Qu'on le veuille ou non, il marquera des buts toute sa carrière.»

Une bonne rencontre avec un lendemain ? La question, son entourage l'assure, ne sera tranchée qu'à la fin du Championnat. Il y aura d'abord le jeu de l'option d'achat (dont le montant n'a pas filtré) qui, si elle est activée par Lens, pourrait faire l'objet d'une "contre-offre" dégainée par le PSG, qui dispose d'une priorité de rachat. Un Paris qui reste très ancré dans la tête de Kalimuendo. Le principal intéressé disait d'ailleurs dans L'Equipe : «Paris, ça reste mon club. S'il y a une possibilité à l'avenir, je la prendrai direct. Je fais tout pour réaliser ce rêve, même si là ça passe par s'éloigner.» Mais c'est bien le temps de jeu qui dictera certainement la suite de la très jeune carrière du Parisien. «Je pense qu'il sait comment il s'est développé cette année, termine Franck Haise. Ensuite, c'est à lui de réfléchir de la manière dont il veut se développer sur la prochaine saison. Moi, j'ai mon idée sur la question. Ce ne sera pas moi, ni le RC Lens qui décideront au final. A lui de bien réfléchir à ce qu'il a déjà vécu ici, ce qu'il peut encore vivre pour être amené, je lui souhaite, à aller encore plus haut dans le futur. Mais il y a toujours des étapes dans la vie, il faut savoir les franchir.» Tel est le chemin pour rêver plus grand.

Nîmes, l'illustration de son évolution en quelques mois

De là à estimer que tout a parfaitement roulé pour celui qui est titulaire d'un bac ES ? Pas toujours. En début d'année 2021, il a découvert les (petites) périodes de doutes, avec les buts qui ne viennent plus et le temps de jeu qui s'effondre (cinq matches sur six à moins de 30 minutes de jeu en janvier). «Les jeunes joueurs, il faut leur laisser du temps, dit Franck Haise à l'époque. Eux sont souvent impatients. Il faut parfois qu'ils acceptent qu'on les freine un peu parce que la résilience dans leur métier est importante. S'ils pensent que les choses vont s'obtenir tout de suite... C'est rarement le cas. La gestion de la frustration est un élément central de ce métier.»

La joie d'Arnaud Kalimuendo lors de son but à Saint-Etienne. (A.Martin/L'Equipe)

«A un moment, il a un peu moins marqué et joué, ça fait partie de l'apprentissage. Il ne faut jamais baisser la garde, toujours s'investir. On a pu avoir quelques échanges, et ça repart toujours à un moment ou à un autre quand on a de la qualité.»

«Kali et le RC Lens, c'est une bonne rencontre»

Et se dire que même si le Racing club de Lens ne décroche pas l'Europe en fin de saison et même si Arnaud Kalimuendo reste bloqué à sept buts jusqu'à la fin du mois de mai, il y aura la certitude que ce prêt aura été l'un des plus fructueux du marché estival 2020. «Je pense d'abord que c'était une opportunité pour Kali, analyse encore Franck Haise. Aujourd'hui, je pense qu'il est tombé dans le bon projet. Le projet club, le projet sportif, le projet de jeu avec deux attaquants. Cela lui a permis de s'épanouir. Je ne sais pas s'il aurait pu avoir aussitôt autant de temps de jeu et autant de confiance autour de lui dans beaucoup de clubs. C'est gagnant-gagnant. Kali et le RC Lens, c'est une bonne rencontre.»

«Paris, ça reste mon club. S'il y a une possibilité à l'avenir, je la prendrai direct. Je fais tout pour réaliser ce rêve.»

Timothé Crépin