Anthony Gonçalves célèbre son deuxième but personnel contre Reims, mercredi. (Frederick Florin/AFP)

Anthony Gonçalves (Strasbourg) : portrait d'un battant hypersensible

Anthony Gonçalves, le milieu de Strasbourg qui avait créé la polémique en janvier en critiquant Neymar, est un joueur très apprécié de ses entraîneurs. Pour son abnégation, mais pas seulement.

« Cela fait sortir de ses gonds un mec comme Gonz ! » Signée Fabrice Levrat, ex-équipier à Laval (2009-2012) d'Anthony Gonçalves, la formule explique pourquoi le Strasbourgeois a exprimé sans détour son sentiment sur Neymar. Le 23 janvier, après une défaite à Paris (0-2) en 16es de finale de la Coupe de France, le milieu (33 ans) avait lâché : « Quand tu veux jouer comme ça, ne viens pas te plaindre si tu prends des coups derrière. Qu'il ne vienne pas chouiner ! »Comme le Brésilien s'est blessé au pied droit ce soir-là, cela avait déclenché une polémique, avec au bout un rappel à l'ordre de la commission de discipline de la Fédération.

« En France, les gens n'aiment pas la franchise, déplore Levrat, retraité depuis 2014. Antho est un gars hypersensible qui vit et dit tout à 200 %. » Sa sensibilité à fleur de peau était palpable mercredi, à l'issue du triomphe du Racing contre Reims en Ligue 1 (4-0), fête parfaite après la Coupe de la Ligue décrochée contre Guingamp samedi dernier (0-0, 4-1 aux t.a.b.). Au bord des larmes, Gonçalves a confié, en faisant allusion à la perte récente de sa tante : « Depuis que j'ai une belle étoile au-dessus de moi, elle veille sur moi. Je ne vis pas des jours très heureux depuis un moment et le foot permet de s'évader et d'évacuer. C'est une belle récompense pour les miens. »

Il venait d'inscrire un superbe doublé, qui porte son total à 4 buts cette saison (ses premiers en L 1) en 10 apparitions, dont 6 titularisations. Freiné par des pépins physiques lors de la phase aller et confronté à une concurrence accrue, le milieu de terrain affiche un état d'esprit exemplaire : « Quand l'équipe tourne, tu fermes ta gueule, tu bosses et tu essaies d'apporter ta pierre à l'édifice de façon différente, en étant garant de certaines valeurs. »

La combativité, l'abnégation, la solidarité, il les a longtemps incarnées à Laval, où il a été formé à partir de 2001, notamment par Denis Zanko, qu'il a retrouvé en équipe première entre février 2014 et l'été 2016. « Quand je l'ai connu, il avait 15 ans, arrivait de Chartres (où il est né) et jouait attaquant, se souvient l'actuel directeur technique du centre de formation de Toulouse. On l'avait resitué au milieu, mais à 18 ans, je lui ai annoncé qu'on ne le conserverait pas... Une semaine plus tard, j'ai changé d'avis, car un petit truc me disait qu'il méritait quand même une chance, malgré ses lacunes. Il vient de très loin, a une véritable résilience et a fait son trou patiemment. »

«C'était mon cinquième enfant ! Il marche beaucoup à l'affect» - Philippe Hinschberger, son ancien entraîneur à Laval

En National (2007-2009), puis en L 2, il a progressé et s'est affirmé comme un vrai leader sous la direction de Philippe Hinschberger (aujourd'hui à Grenoble), qui l'a entraîné pendant six ans et demi : « C'était mon cinquième enfant ! Il marche beaucoup à l'affect. Une fois, à l'entraînement, il a mis un pain à un mec et on ne s'est pas dit bonjour pendant un mois. Puis il s'est excusé et est revenu dans l'équipe. C'est un super mec, entier. »

Son impulsivité s'est aussi exprimée la saison dernière, durant laquelle il a découvert la L 1 à 31 ans, lors d'un Strasbourg-Metz bouillant (2-2, le 1er avril 2018). Il a bousculé le gardien remplaçant adverse, Quentin Beunardeau, assis sur son banc, qui en a beaucoup rajouté. « Il me l'a avoué ensuite, confie Thierry Laurey, troisième entraîneur de Gonçalves, depuis 2016 au Racing. Il est indispensable dans un vestiaire, car multicartes (au milieu et capable de jouer latéral droit) et se sacrifiant toujours pour ses équipiers. Quand on l'a recruté, je lui ai dit que s'il continuait à prendre autant de cartons, on ne pourrait pas faire affaire. Et il a su canaliser son énergie. » Débordante.