bassi (amine) (E.Garnier/L'Equipe)

Amine Bassi (Nancy) : «J'ai faim de jouer au-dessus»

Le meneur de jeu de l'AS Nancy-Lorraine, remarqué en Ligue 2, est amené à quitter le deuxième échelon du football français pour l'élite et la Ligue 1. Il évoque sur France Football ses références, son parcours et ses rêves.

«Le Neymar de Nancy ou l’ordinateur. Quel surnom vous préférez ?
Je préfère l’ordinateur… Le Neymar de Nancy… (il coupe) Déjà, utiliser Neymar avec mon nom, c’est juste pas du tout le même niveau. Et je préfère qu’on m’appelle l’ordinateur, car j’aime organiser le jeu.
 
C’est votre formateur au Racing qui vous appelait comme ça. Vous nous racontez cette époque ?
Je venais de deuxième division district et j’ai atterri directement en U17 nationaux avec Serge Zomo comme entraîneur. C’était un très grand écart de niveau, mais on a bossé ensemble pour que je puisse y arriver. La saison avait été bonne, avec une cinquième ou sixième place au classement. Le coach, lui, me faisait énormément confiance et j’essayais de lui rendre le plus possible.
 
Qu’est-ce qu’il dirait, le Amine de l’époque district, si on lui avait dit qu’il finirait professionnel ?
Que c'est surprenant, bien sûr. Atteindre la Ligue 2 quand tu arrives de deuxième division district à 17 ans… Mais dans ma ville, on a toujours cru en moi. Tout le monde me disait de partir de Bezons pour atteindre un meilleur niveau. Du jour au lendemain, j’ai écouté, je suis parti au Racing. À partir de là, tout s’est enchaîné pour moi. Ç’a été le déclic.
 
France Football titrait en début d’année «L’ordinateur a fait une mise à jour». En quoi vous avez évolué ?
C’est exactement ça. Il me manquait quelque chose à travailler. Même s’il y a toujours quelque chose à faire progresser, je n’avais pas ce côté défensif. C’était mon plus gros défaut. Aujourd’hui, cette mise à jour, c’est l’apparition de cet aspect-là. Je défends énormément avec mon équipe, désormais. Je ne le faisais jamais… Donc c’est quelque chose en plus dans ma palette, et c’est bien pour mon équipe : plus on est, mieux c’est pour récupérer le ballon. Ce côté-là, je l’ai énormément travaillé, surtout avec Alain Perrin. Quand on est un joueur technique, on est plus porté vers l’avant que sur le côté défensif. C’est quelque chose de difficile à changer. Je repense à une phrase d’Alain Perrin : «C’est plus dur d’attaquer que de défendre.» Cette phrase m’a fait déclic, je m’en suis rendu compte en me disant : «Dans ce cas-là, si tu sais attaquer, tu dois savoir défendre.»

Mais il faut savoir trouver l’équilibre entre la création, le plaisir et le travail de l’ombre.
C’est ça. Dans le jeu offensif, j’ai beaucoup de libertés. Je peux me déplacer à gauche, à droite, où je veux. Par contre, en défense, je dois me situer à la perte du ballon. On a énormément bossé pour que je réintègre au plus vite le bloc pour aider l’équipe. Je crois qu’on a trouvé le juste milieu.
 
Comment cela s’est fait ? Du discours, de la vidéo, les deux ?
C’est davantage au niveau des paroles et de l’entraînement. Les coachs qui m’ont eu ont trouvé les bons mots. Mais ce n’était pas un manque de motivation de ma part. C’était plus un manque de concentration, celui qui te fait oublier un replacement ou ce genre de choses.
 
Comment vous jugez votre saison ?
C’est un peu mitigé. Dans le sens où on se dit que ce n'est pas mauvais, mais avec des regrets car on pense qu’on aurait pu faire mieux. À titre personnel, j’ai vécu un début de saison mouvementé avec ce faux-départ… (à Metz, ndlr) Mais je savais que j’allais revenir sur le terrain. La saison a commencé pour moi au bout de 10 matches. Avec ensuite quelques buts, quelques passes décisives… Mais j’aurais pu mieux faire aussi. Donc c’est une bonne saison, comme je l’ai dis, mais avec des regrets. Depuis l’arrêt, je bosse avec un préparateur physique qui me fait des séances quotidiennes. Ça me permet de rester au niveau.
 
Allan Saint-Maximin, qui est un gros dribbleur, nous a dit qu’il s’entraînait avec son chien. Vous aussi, vous avez un petit truc pour ne pas perdre le contact au ballon ?
Non, rien de spécial ! Je fais surtout du travail physique. Après, j’ai toujours mon petit ballon pas loin de moi pour m’amuser. Mais je travaille très souvent tout seul.
 
Qu’est-ce que représente le dribble selon vous ?
C’est d’abord un moyen d’effacer un joueur. Sinon, dribbler pour dribbler, ça n’a aucun intérêt. Il y a aussi des zones précises où tu peux et où tu ne peux pas. Après, le dribble… C’est souvent beau et spectaculaire pour ceux qui aiment et viennent voir du football. Et pour les joueurs, le dribble, ça fait toujours plaisir. S’il n’y avait pas de dribbles dans le football, pas de but…
 
Des références ?
Il y en a beaucoup ! J’aimais bien Eden Hazard à Chelsea. Vraiment, un top player. Et puis Neymar… Évidemment. Tous les jours, ils arrivent à inventer des gestes, à le faire dans les bonnes zones… C’est du très haut niveau.
 
Vous concernant, on imagine que vous avez envie d’aller dribbler en Ligue 1 désormais…
Oui, bien sûr ! Après, je suis bien à Nancy. Mais j’ai faim de jouer au-dessus. Mon rêve, c’est de jouer à un niveau supérieur et je mets tout en oeuvre pour que ça arrive. Mais il ne faut pas se presser. Je suis à Nancy, je suis bien.

Amine Bassi, ici face à Metz, le club rival qu'il a failli rejoindre l'été dernier. (E.Garnier/L'Equipe)

La France a une réputation de football rugueux mais, dans le même temps, les dribbleurs arrivent à s’exprimer. Comment vous le percevez ?
Je pense que pour ça, le dribbleur doit éviter les duels. Ça ne sert à rien d’aller où ça joue physique. Et il n’y a qu’une solution : se déplacer énormément. C’est le plus important pour les dribbleurs. À l’arrêt, c’est très très compliqué, donc il faut toujours être en mouvement et s’éloigner du duel.
 
Au-delà de la Ligue 1, de quoi vous rêvez ?
Le rêve ultime, c’est jouer la Ligue des champions. C’est un rêve, un objectif. Mais on en est encore très très loin… Il faut bosser pour ça, et pas qu’un peu, pour arriver à ce niveau-là. Et ce n’est pas que pour la petite chanson (rires). La Ligue des champions, c’est juste magnifique. C’est LA compétition à laquelle il faut participer dans sa vie.
 
Vos coéquipiers vous décrivent comme toujours de bonne humeur.
Oui, c’est vrai. J’ai toujours le sourire, j’aime bien rigoler et être avec mes coéquipiers. Après, il faut savoir faire la part des choses, savoir être sérieux quand il le faut. Mais quand on peut se relâcher, je suis le premier à rigoler… Dans la vie, je suis quelqu’un de tranquille, qui ne se prend pas la tête. Je suis un bon vivant, quelqu’un qui aime la vie. Je ne me prends pas au sérieux.
 
Dans votre parcours, il y a quelque chose d’important, la sélection jeunes avec le Maroc.
Ç’a m’a apporté une autre expérience que celles que j’avais vécues. C’est une expérience en sélection, et c’est quelque chose de spécial. J’ai joué un match contre l’Italie, et ç'a été une belle découverte. Je ne voyais pas la sélection de cette manière. C’est vraiment une autre facette du footballeur. C’est une ferveur énorme derrière un pays. Je ne regrette rien.
 
Il y aura peut-être un choix, entre la France et le Maroc. Vous y pensez ?
Non, pas du tout. Ce à quoi je pense, c’est faire le job et ce qui doit venir viendra. Je ne suis pas quelqu’un qui veut se presser.
 
Hakim Ziyech, Amine Harit, Sofiane Boufal… Le Maroc, c’est un peu votre fibre.
Bien sûr. Ce sont des joueurs que j’admire, c’est une très belle équipe et un pays de dribbleurs. Je suis derrière eux.»
 
Antoine Bourlon