Ajax : Schöne, personne ne s'en Lasse
Arrivé libre il y a sept ans, le bien surnommé (K)lasse Schöne est devenu le joueur étranger le plus capé de l'histoire de l'Ajax. Sa justesse technique, sa qualité de frappe et surtout sa grande polyvalence en font un rouage essentiel de la mécanique amstellodamoise, à 32 ans.
Le regard était déterminé. L’équilibre, parfait. La frappe, pure. La trajectoire, illisible. Le 27 avril 2014, Lasse Schöne inscrivait un authentique coup franc de plus de trente mètres face à Heracles Almelo (1-1) et offrait à l’Ajax, ce qui reste encore aujourd'hui, son dernier titre de champion des Pays-Bas. L’international danois de 1,78 m brillait, à cette époque, par la précision de ses centres et par sa créativité balle au pied au poste… d’ailier droit. Cinq ans plus tard, sa patte droite dorée a conservé toute sa létalité. En témoigne ce nouveau coup franc "junihnesque", tiré dans un angle fermé et qui a nettoyé la lucarne opposée de Thibaut Courtois à Santiago Bernabeu, en huitième de finale retour de Ligue des champions contre le Real Madrid (1-4), le 5 mars dernier. Pourtant, son fond de jeu a bien changé. Son répertoire footballistique s’est étoffé d'habiletés à la récupération et à la relance, qui ne lui étaient pas prédestinées.
«Techniquement, Lasse était au-dessus de tous les autres»
Formé au poste de meneur de jeu tout au long de ses années de formation néerlandaise à Heerenveen (2002-2006), le natif de Glostrup (Danemark) a réalisé ses premiers matches professionnels dans cette position haute de leader technique, en soutien de l’attaquant. À De Graafschap (2006-2008) où il a été champion de deuxième division néerlandaise, mais aussi au NEC Nimègue (2008-2012) en Eredivisie. «C’était notre créateur, le joueur le plus inventif de l’équipe. La star qui touchait déjà à la sélection danoise, se remémore le Belge Thomas Chatelle, qui l’a côtoyé en 2010-11 dans le club de l’est des Pays-Bas. Techniquement, Lasse était au-dessus de tous les autres.»
La mue passe par Amsterdam et ses principes légendaires. Arrivé libre du NEC en 2012, Lasse Schöne débarque dans une institution au passé glorieux mais surtout gardienne d’un jeu de possession qui lui correspond parfaitement. «Il demandait toujours le ballon, ne se cachait jamais sur le terrain, prenait des risques. Il fallait que ça tourne autour de lui. Cette petite arrogance positive colle parfaitement à la philosophie sans peur de l’Ajax.» Recruté pour donner de la profondeur à l’effectif ajaxien, le néo-Amstellodamois connaît, néanmoins, des débuts compliqués dans le club des mythiques Michels et Cruyff. C’est alors sur l’aile droite du dispositif de Frank de Boer qu’il se rend indispensable. Sa vision du jeu et la justesse de ses centres lui permettent d’accumuler 21 passes décisives lors de ses deux premières saisons pleinement réussies. Avec comme apothéose, un coup franc mythique contre Heracles, deux sacres consécutifs en Championnat et le titre de joueur de l’année de l’Ajax en 2014.
Polyvalence, compensation, anticipation
Malgré ce nouveau statut, sa place n’a jamais été totalement assurée. Frank de Boer lui préfère Anwar El-Ghazi lors de la saison 2015-16, réduisant drastiquement son temps de jeu. Et ses statistiques : 24 apparitions pour 4 buts et 4 passes décisives seulement. Cependant, le Danois n’est jamais poussé vers la sortie. Ses dirigeants savent trop bien l’importance de ce type de joueur caméléon dans un effectif. Ils ne se sont pas trompés. En 2016, exit Frank de Boer, Peter Bosz pose ses valises. Et titularise Lasse Schöne au poste de milieu défensif. Un rôle ingrat et moins exposé qu’il adopte sans broncher. «Je ne suis ni physiquement le plus fort, ni le plus rapide. Mais mon expérience, mon intelligence et le fait que je sois une seconde plus rapide dans ma tête font la différence», déclarait-il à De Telegraaf en 2016. Le Scandinave excelle, encore aujourd’hui sous le doux et ambitieux régime d’Eric Ten Hag, dans cette position reculée, grâce à sa faculté à combiner dans les petits espaces, son gros volume de course et sa lecture du jeu.
Pour Thomas Chatelle, sa remise en cause tactique lui a été pleinement bénéfique : «C’est même la chance de sa vie ! Il sait sortir le ballon sous pression et il a le coffre adéquat pour enchaîner les efforts. Il a aussi progressé dans la gestion des pertes de balles et sait compenser sa lenteur par son sens de l’anticipation pour combler les espaces libres.» Garant de l’équilibre amstellodamois, il soulage par son agressivité dans la récupération, par le travail défensif abattu dans l’ombre et par son très faible déchet à la relance, comme l’illustre ses 89,6% de passes réussies en moyenne en Championnat. Chatelle encore : «Il est exactement où il doit être. Si tu le mets dans une équipe où il doit juste défendre, cela ne le ferait pas. Ce n’est pas Makelele.» À 32 ans, il semble n’avoir jamais été aussi fort, aussi épanoui.
«Il aurait pu jouer dans n'importe quel top club européen»
Offensivement, il le sait. Avec Van de Beek, Neres, Tadic, Ziyech, l’Ajax ne manque pas d’arguments. «Lasse a compris qu’il y avait d’autres joueurs créatifs. Et que le haut niveau qu’il affiche, il le doit en grande partie à son repositionnement», assure Chatelle, ancien joueur de Genk et d’Anderlecht, qui regrette que ce revirement tactique ne soit pas intervenu plus tôt. «Il aurait pu jouer dans n’importe quel top club européen.» Oui, possiblement. Mais le fidèle et discret Lasse Schöne, lié à Amsterdam jusqu’en 2020, s’en moque sûrement. Son éternelle ténacité face à la concurrence et son impressionnante capacité d’adaptation lui donnent aujourd’hui raison. Pour un homme qui a misé sur l’ombre pour prendre la lumière.
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— UEFA.com DE (@UEFAcom_de) 19 avril 2019
Augustin Audouin