silva (adrien) (F.Porcu/L'Equipe)

Adrien Silva : «Je ne sais pas vraiment quelle direction est en train de prendre l'AS Monaco»  

Alors que l'AS Monaco semblait compter sur lui pour la saison prochaine, Adrien Silva s'est finalement vu indiquer la sortie il y a quelques semaines et n'évoluera pas en Principauté la saison prochaine. L'international portugais (31 ans) revient sur une décision qu'il a du mal à comprendre, évoque les récentes difficultés de l'ASM et se projette sur la suite avec l'Euro 2021 en point de mire.

«Il y a quelques semaines, vous estimiez que la décision d'arrêter le Championnat de France était la bonne. Avez-vous toujours le même avis sur la question alors que l'on a rejoué un peu partout en Europe ?
Oui, bien sûr. Si je parle en tant qu'humain et en tant que joueur, je ne peux qu'avoir le même avis. Je pense que la meilleure décision a été prise en France et je trouve ça dommage que les autres pays n'aient pas suivi. Je parle de mon point de vue à moi, pas de celui qui possède un club ou qui a une entreprise à faire tourner.

On imagine toutefois que le foot doit énormément vous manquer...
Ça c'est sûr. La compétition c'est ce qui m'anime depuis des années donc le fait d'en être privé n'est pas facile. Le fait de ne plus faire partie de la vie d'un vestiaire, de ne plus voir les collègues, aussi. Tout ça manque beaucoup, c'est sûr.

Et comment gère-t-on une période si particulière ? On dit souvent que l'incertitude est le pire ennemi du sportif de haut niveau...
C'est vrai que ce n'est pas simple. Ne serait-ce que de s'adapter à une situation inédite, déjà. On n'est pas prêt pour ce genre de choses. J'ai essayé de trouver les bons ajustements le plus vite possible. Heureusement j'ai une solide équipe autour de moi qui a bien planifié les choses.

Voir : La fiche d'Adrien Silva

Vous-êtes parvenu à couper ? Certains joueurs semblent avoir eu du mal à le faire...
Oui oui. On avait fait le choix de maintenir un entraînement individuel costaud pour nous amener jusqu'à la fin mai, date à laquelle le Championnat aurait dû s'arrêter, puis de prendre du repos durant une quinzaine de jours. Et là c'est reparti, ça fait une dizaine de jours que j'ai repris avec mes préparateurs physique. L'idée c'est de perdre le moins possible.

La période est d'autant plus particulière pour vous que vous ne savez pas précisément de quoi votre avenir sera fait...
J'ai encore un an de contrat avec Leicester donc je suis dans une meilleure situation que certains joueurs. C'est un point positif. Mais ce qui vient de se passer vient une nouvelle fois de me prouver que rien n'était jamais acquis dans le foot. En tout cas pas avant que les choses soient couchées sur papier...

«Peut-être que le projet a changé ? Je ne sais pas.»

Vous faites référence à l'AS Monaco et au fait que le discours des dirigeants monégasques à votre égard ait subitement changé...
Oui. Monaco avait émis le souhait de me garder en tant que cadre au sein de son prochain effectif. C'est en tout cas ce que les dirigeants m'avaient indiqué. Mais pendant la crise, le club m'a fait part de son changement de décision. C'est quelque chose qui m'a (il cherche ses mots)... surpris. Ça m'a étonné car je me suis très bien adapté à l'ASM et que je pensais avoir rendu des services à un moment où le club était en proie à de grosses grosses (il insiste) difficultés. Quand je suis arrivé, le club était avant dernier ! J'ai pris ce risque car j'avais envie de rejouer et de retrouver le coach Jardim. Ça a tout de suite matché avec les gens et j'aurais aimé poursuivre ici.

Comment expliquez-vous ce revirement de la part du club ?
Peut-être que le projet a changé ? Je ne sais pas. Je ne sais pas pour quel projet ils ont opté... Beaucoup de cadres sont partis. Je ne sais pas vraiment quelle direction est en train de prendre le club et quels seront ses nouveaux objectifs.

L'équipe sortait toutefois de deux saisons compliquées...
Oui mais les deux derniers groupes ont su sortir Monaco de grosses difficultés donc je trouve ça étrange. Au fur et à mesure, un groupe était en train de se construire. Un groupe avec des joueurs d'expérience capable d'aider les jeunes, de leur permettre de se mettre en valeur. Les choses prennent apparemment une tournure différente...

«Monaco était sur une pente ascendante, le regard des adversaires avait changé.»

Qu'est-ce qui domine : la déception ou l'incompréhension ?
L'incompréhension, oui. Il n'y a pas qu'un seul club dans le monde donc je saurai passer à autre chose mais je m'étais attaché aux gens du club, je m'y sentais bien. Et quand un joueur est bien dans sa tête, les choses fonctionnent bien. J'aurais donc aimé continuer comme ça.

Vous avez joué 40 matches en France. Quel bilan faites-vous de votre passage à l'ASM ? Vous avez l'impression d'avoir fait le job, comme on dit ?
Je pense (gêné). Je suis un joueur de collectif donc je ne parle jamais des performances individuelles. Qu'il s'agisse des miennes ou de celles de mes coéquipiers. Il y avait en tout cas un groupe qui commençait à tirer dans le même sens et qui vous rendait les choses plus faciles. Je crois que Monaco était sur une pente ascendante, le regard des adversaires avait changé.

À Monaco, le problème ne vient donc pas du terrain ?
C'est parfois trop trouble. Je crois que c'est très important pour un club d'exposer clairement la voie qu'il souhaite emprunter. J'ai ressenti ça un moment mais j'ai l'impression que les choses ont changé. Et c'est dommage car Monaco était en train de redevenir fort.

Comment était l'ambiance au sein du groupe ?
Le groupe était en train d'évoluer positivement. Les jeunes s'y exprimaient bien car une base de plus en plus solide le leur permettait. Je le répète : dans le foot, vous avez besoin de stabilité et de cadres.

Adrien Silva au moment d'entonner l'hymne portugais, en finale de l'Euro 2016. (A.Reau/L'Equipe)

Vous garderez quand même un bon souvenir de votre passage en France ? Cela vous tenait forcément à coeur vous qui êtes né à Angoulême et avez débuté le football aux Girondins...
Oui, bien sûr. On parle de mon pays natal ! J'ai des amis et de la famille dans toute la France donc il y avait toujours quelqu'un qui venait me voir jouer, dans chaque stade. Le fait de revenir ici en tant que pro était quelque chose de très spécial. Je n'oublierai jamais ce passage.

Et comment avez vous trouvé le niveau ?
J'ai été agréablement surpris par l'intensité. C'est un cran moins intense que l'Angleterre, bien sûr, mais il y a du rythme. Au niveau physique, ce Championnat n'a rien à envier aux autres. Le seul petit bémol se situe au niveau tactique. La plupart des équipes attendent plus la faute de l'équipe adverse qu'autre chose. À l'exception de Paris, bien sûr, mais ce club n'appartient pas vraiment à la Ligue 1 (rires).

Vous aimeriez désormais découvrir un nouveau championnat ?
Pourquoi pas ! Mais tant que les championnats ne sont pas terminés, les choses ne peuvent pas vraiment se décanter. Je n'ai en tout cas pas vraiment de préférence concernant les pays. Ce qui m'intéresse c'est d'évoluer dans un projet gagnant, dans une équipe qui gagne.

Vous avez eu des nouvelles de Leicester ?
On attend que les championnats se finissent pour discuter avec eux et voir ce qu'ils veulent faire. Il n'y a rien d'urgent.

La presse portugaise a de son côté évoqué un retour au Sporting. Vous entendez attendre un peu avant de rentrer au pays ou c'est une vraie possibilité ?
Ce n'est pas une question de timing. La seule chose qui compte c'est l'envie que te témoigne le club. Quand un club ou un entraîneur te veut vraiment, les choses se passent bien. C'est ça, le plus important. Oui, le Sporting fait partie des possibilités. Mais ça ne dépend pas que de moi.

Et l'Euro 2021, ça ne dépend que de vous ?
L'Euro et le fait de représenter le pays sont en tout cas deux choses qui me me tiennent vraiment à coeur. Une fois que vous avez goûté à la sélection vous ne pouvez pas penser différemment. Et pour avoir une chance d'être sur la liste, il faut que je joue, que j'enchaîne.

Vous avez eu des nouvelles de Fernando Santos, ces derniers mois ?
C'est un sélectionneur qui communique très régulièrement avec ses joueurs et qui le fait très bien. Ce qui fait sa force et celle du Portugal c'est qu'il dispose d'un très gros groupe, qui ne se limite pas à 23 joueurs. Il a une sorte de noyau d'une quarantaine de joueurs qui sont prêts à se battre pour lui. Me concernant, je sais que la moitié du chemin sera faite si je joue très régulièrement.

Vous semblez en tout cas serein, confiant...
Oui oui (rires). Je ne suis pas inquiet au sujet de la suite. J'ai toute confiance en moi et dans les gens qui gèrent ma carrière.»

Thymoté Pinon

«Le Sporting fait partie des possibilités. Mais ça ne dépend pas que de moi.»