Torino 15.12.19, Serie A 16a Giornata, Allianz Stadium, Juventus- Udinese-Rabiot *** Local Caption *** (ALBERTO RAMELLA/RAMELLA/PRESSE/PRESSE SPORTS)

Adrien Rabiot (Juventus) à quitte ou double dans cette Ligue des champions

En grande difficulté en début de saison, Adrien Rabiot a su faire son trou dans le onze de Sarri depuis plus d'un mois. Le tournant est important pour l'ancien du PSG.

Le poing droit est serré. La gueule est grande ouverte. Le regard plus que jamais déterminé. Adrien Rabiot est heureux. Il a même des airs de leader quand il harangue ses coéquipiers après son but somptueux face au Milan. Ces derniers le lui rendent bien. Tour à tour, les Juventini affluent pour venir faire la révérence au «Duc». Il faut dire que le raid solitaire a de quoi hérisser le poil. Dans sa moitié de camp, Rabiot surgit au-devant de Bennacer, chope le ballon à l'Algérien. Raffut sur Kessié. Petit pont sur Théo Hernandez. La course folle se poursuit. Inarrêtable, le port altier, la main gauche fendant l'air. Adrien est libre. Libre dans sa tête. Alors, il enclenche pied gauche et troue Donnarumma. Un but marquant qui aura même fait lever le légendaire Marcello Lippi de son canapé. «Un geste technique de top-player. Une accélération fantastique et une conclusion imparable, s'enthousiasmait alors dans la Gazzetta dello Sport le sélectionneur de la Nazionale en 2006. S'il trouve de la régularité, il peut devenir très important pour la Juventus». La régularité justement, le natif de Saint-Maurice n'en fait que fi depuis des années. L'éclair de San Siro est venu illuminer une saison pour le moins terne. Un coup de tonnerre salvateur sur la tronche et un Rabiot de plus en plus tonique depuis quelques semaines. Mais jusqu'à ce coup de jus, le temps était plutôt maussade pour lui de l'autre côté des Alpes.

Fusillé par la presse et les tifosi en début de saison

Arrivé à l'été 2019 après six mois d'inactivité et un divorce chaotique avec le PSG, son club formateur, le milieu de terrain de 25 ans pose à peine ses valises à Turin que son passé ressurgit. Le déserteur des Bleus, le fils à maman, le gréviste, le nonchalant, la tête de lard... Toutes les étiquettes qu'il s'est foutu sur le front tout seul comme un grand parfois, ou qu'on lui a stické de force, sont de sortie. Les premières sorties sont accablantes. Forcément. Paumé dans son nouveau club, peu combatif, Rabiot ramasse dans la presse et chez les tifosi. Les anciens montent aussi au créneau. «Je suis sans cesse dans l'expectative avec ce joueur, souffle Alessio Tacchinardi, ancien milieu de terrain de la Juve de 1997 à 2005. Pour être honnête, sa saison est une déception même si ces derniers temps, il est dans le vrai. Son adaptation a été trop longue. Je comprends le problème de physique au départ et le temps d'adaptation bien entendu. Mais je n'aimais vraiment pas son attitude au départ. À la Juve, on veut des mecs au milieu qui commandent. Lui était très passif. Je dirais même peureux

Jusqu'au "restart", Adrien Rabiot ne prenait pas toujours le meilleur sur la concurrence. (Massimo Rana/IPP/PRESSE SPORTS/PRESSE SPORTS)

Un peu comme un gosse isolé et qui n'arrive pas à se faire de copains à la rentrée dans sa nouvelle classe, l'ancien Parisien se poste en victime et se laisse marcher sur les pieds. Les six mois d'inactivité pèsent. Le titi a pris de la masse musculaire mais la fluidité ne suit pas. La gestuelle n'est pas naturelle. Tantôt lourdaud, tantôt dépassé, Rabiot fait tache. La Gazzetta le fusille après une énième contreperformance : «La saison de Rabiot est tout simplement désastreuse : la Juve pensait avoir arraché un joyau aux autres grands européens. Au lieu de cela, le Rabiot de Paris n'a jamais été vu à Turin».

«On ne devient pas un point cardinal dans une équipe en un coup comme ça»

Et vogue la galère jusqu'à sa catastrophique performance à l'aller à Lyon (0-1). À coup sûr l'un des plus beaux nanars de la Ligue des champions 2019-20. Un peu plus de cinq mois ont passé. Le Covid-19 a balayé toutes les certitudes. Rabiot a une fois de plus fait parler de lui. Confiné sur la Côte d'Azur, le numéro 25 bianconero fomente une grève des joueurs selon la presse transalpine. Le frondeur est de retour ? Balivernes, le gamin du Val-de-Marne s'en amuse et ironise sur la situation. En solo, Adrien Rabiot baisse alors la tête et s'entraîne dur. Moins de blabla, plus de prépa. Maurizio Sarri qui préférait Blaise Matuidi en début de saison écarte petit à petit le champion du monde 2018 et fait de la place pour l'ex-Toulousain après le "restart". Les observateurs se laissent séduire par la nouvelle mouture. «Oui, il lui a fallu du temps. Mais on ne devient pas un point cardinal dans une équipe en un coup comme ça non ?» Massimo Carrera, ancien joueur et coach de la Juventus, n'hésite pas à apostropher. «Physiquement, tactiquement, il a pris de l'épaisseur, affirme l'ancien fidèle assistant de Conte à la Juve et en équipe d'Italie. Il a maintenant toutes les cartes en main pour devenir un joueur clé pour Sarri». Dans les yeux du technicien de la Vecchia Signora, l'affection pour Rabiot se lit à des kilomètres. Désormais autant accro au Français qu'à ses soixante clopes par jour, le technicien juventino n'hésite plus à le louer en conférence de presse : «Je n'ai pas vu beaucoup de joueurs capables de courir avec la balle comme Rabiot».

«Une belle opportunité de montrer qu'il est un champion»

La courbe s'est désormais inversée. Turin s'époumone désormais pour le «Duc» et tous les espoirs sont permis pour Adrien Rabiot. Plus fluide dans ses mouvements, plus sûr dans ses choix, l'international français a retroussé les manches. Tacchinardi, malgré les doutes, voit en lui le joueur le plus à même de pouvoir faire des différences. «Aujourd'hui, il est sans conteste l'homme le plus en forme de ce milieu de terrain. Les milieux de la Juve sont tous très fatigués et usés. La Coupe d'Europe, c'est une belle opportunité de montrer qu'il est un champion, s'enthousiasme l'homme qui fait partie des cinquante plus grandes légendes du club. J'ai l'impression qu'il s'est bougé là. Il a le cuir dur après toutes les critiques qu'il a pris. C'est maintenant à lui de prendre les choses en main. Il doit porter cette équipe. S'il continue sur sa lancée, en montrant du caractère, du charisme et en insufflant du combat, je serai le plus heureux même si je ne l'ai pas épargné. Maintenant, quel Rabiot va-t-on voir ? Celui du début de saison ou celui du restart ?» À Adrien Rabiot de relever le défi de porter cette Juventus fatiguée et en mal de transition dans le jeu. Le rôle est primordial. Entre un Pjanic, formidable distributeur mais peu amène à porter le cuir vers l'avant, un Bentancur très discret ou un Matuidi usé en cette fin de saison, la qualité balle au pied de Rabiot et sa capacité à se projeter vers l'avant en cassant les lignes adverses en font un atout maître dans l'entrejeu bianconero. La Juve attend la Coupe aux grandes oreilles depuis 1996. C'est peut-être l'heure pour Rabiot de basculer enfin dans la catégorie des fuoriclasse.

Johan Tabau

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