17 September 2019, Portugal, Lissabon: Soccer: Champions League, Benfica Lisbon - RB Leipzig, Group stage, Group G, 1st matchday at Estadio da Luz. Player Adel Taarabt of Benfica on the ball. Photo: Jan Woitas/dpa-Zentralbild/dpa | usage worldwide (Jan Woitas/DPA/PICTURE ALLIANC/PRESSE SPORTS)

Adel Taarabt (Benfica), phénix chez les Aigles

Une arrivée en 2015, aucun match avant 2019 : l'aventure d'Adel Taarabt à Benfica tournait au fiasco avant que Bruno Lage ne lui fasse confiance et donne un coup de polish à un joueur dont le beau a toujours été la marque de fabrique.

La génération Z est heureuse. Des années après, celle qui a été biberonnée aux highlights des plus beaux magiciens du football, peut de nouveau se régaler des dribbles, des passes, et du jeu de corps d'Adel Taarabt. Pas de quoi être repu - le poids des années a laissé un gros manque à combler - mais tout de même. Si au Portugal, on n'oublie quatre années absolument désastreuses, il faut bien avouer que ces quelques coups de rein bien sentis hument un bon fumet des 2010's, où il régalait l'Angleterre de fulgurances magnifiques. Et, alors qu'on pensait son aventure lisboète vouée à l'échec, il est parvenu à renaître de ses cendres jusqu'à s'imposer comme une des rares satisfactions d'une saison ô combien compliquée pour Benfica. Un des seuls capables d'apporter de la lumière à l'estadio da Luz. A l'unanimité. Pedro Rebocho, qui l'a côtoyé chez les Aigles, abonde : «Aujourd'hui il est un joueur très important du Benfica. Pour moi,c'est le meilleur». Plus mesuré, Manuel Dos Santos, président de Casa do Benfica, club de supporters à Paris, salue tout de même la performance : «C'est un des joueurs qui a sorti de la tête de l'eau cette saison avec Pizzi et Vinicius». Même son de cloche pour Bruno Andrade, journaliste local pour Goal : «Il est l'un des rares points forts de Benfica. Il est revenu alors que personne ne s'y attendait, et pour ça il mérite une mention honorable.» 

Bruno Lage, confiance et déclic

Arrivé à Lisbonne en 2015, le Marocain n'a jamais eu les faveurs de Rui Vitoria, entraîneur pendant trois ans et demi. La faute à une préparation où il était hors de forme (on parle de 8 kilos en trop, minimum), et à une tendance à succomber facilement aux sirènes de la nuit. Condamné à jouer en équipe B «Similaire à du National 1 ou 2», selon Dos Santos, il a pu trouver une bouée de sauvetage en la personne de Bruno Lage. Entraîneur de l'équipe réserve pendant sa traversée du désert, ce dernier a noué une vraie complicité avec le milieu offensif. Pedro Rebocho, coéquipier d'alors, détaille : «Le coach lui a donné beaucoup de confiance, la motivation pour bien bosser et l'opportunité d'être au top niveau après. Il l'a aidé à redevenir le bon joueur qu'il était. Ça lui a fait changer sa mentalité, il a compris que c'était ce chemin qu'il devait suivre.» La confiance de retour...mais aussi l'équipe A ! Ses premières minutes en pro ont donc lieu près de quatre ans après son arrivée, et sont estampillées Bruno Lage. «Ç'à été le tournant, attaque Bruno Andrade. Bruno Lage a pris la responsabilité de parier sur Adel.» 

Bruno Lage n'a eu de cesse d'encourager Adel Taarabt durant son passage au club. (Goran Stanzl/Pixsell/EXPA/PRES/PRESSE SPORTS)

Pari gagnant. Même si Bruno Lage, lui, n'est plus à Lisbonne, Taarabt est encore là, et s'est imposé comme le beau joueur de cette équipe, capable de jouer partout. On l'a en effet vu évoluer à différents endroits : 9 et demi, 10, 8... Ce qui explique, en partie, des statistiques faméliques (1 but et 1 passe en Championnat). Mais partout où il a joué, il a su apporter sa touche technique. «Adel est le joueur avec une "special touch" en attaque. Il a une vision du jeu différente et beaucoup de talent. Il joue avec de la personnalité. Benfica a une équipe très fainéante, endormie, avec peu de créativité. Adel essaie toujours d'être le catalyseur», analyse Andrade. Et ça se voit. Un cran plus bas sur le terrain - l'idéal pour son profil assez lent mais combatif - il pèse sur le jeu des siens. Au global, il est impliqué dans 7 buts en Championnats cette saison. Là encore, sa qualité de passe et sa vision aiguisée ont fait la différence par moment.

«Je ne veux plus jamais qu'il porte le maillot de Benfica»

La technique, il l'a toujours eue. Rebocho confirme : «Il est plus léger qu'à l'époque. Je ne parle pas de la technique parce qu'il l'avait tout le temps, mais en termes d'intensité de jeu, et dans un poste qui n'est pas naturel, il travaille plus sur le terrain, récupère beaucoup de ballons. Il a des qualités qu'il n'avait pas avant.» Le physique manquait cruellement, déjà. Et puis le mental s'est ensuite montré défaillant, entraînant le Marocain dans un cercle vicieux. «Quand j'étais avec lui là-bas, il s'entraînait bien, mais il n'avait pas la motivation, parce que c'était un grand joueur qui était avec nous dans l'équipe B», confesse Pedro Rebocho. Un manque de confiance en lui sans doute exacerbé par la sortie du président Luis Filipe Vieira, qui avait dit que Taarabt ne jouerait plus jamais pour Benfica. Une fois l'orgueil mis de côté, et le frein rongé avec l'équipe B, une discussion en bonne intelligence a aplani les choses : «Après cette phrase du président, ils ont parlé ensemble et ils ont trouvé une solution pour arranger la situation. Lui de dire 'je vais bosser pour avoir des opportunités dans la première équipe', le président a compris. Ensuite, Adel a montré qu'il était là, et c'était important», rembobine la latéral de Guingamp. 

Merci Rui Costa

Aujourd'hui, après quatre ans maudits et quelques semaines compliquées à cause d'une cheville douloureuse, voilà Adel Taarabt de retour, prêt à aider Benfica dans la conquête d'une coupe nationale, qui sauverait les apparences d'une saison ratée. Si les supporters, comme le vestiaire, ne comptent pas uniquement sur lui - il n'est pas un taulier mais un joueur apprécié de tous -, il y a tout de même un regain d'espoir. Pour deux raisons, selon Manuel Dos Santos : «Déjà, c'est Rui Costa qui est allé le chercher. Tout le monde lui a fait des éloges là-dessus. La deuxième chose importante, c'est que très peu de personnes signent cinq ans au Benfica, c'est son cas.» Charge à lui d'arriver à faire durer cette idylle pourtant si mal partie. Mais pas que. Puisque Jorge Jesus, qui était partie juste avant l'arrivée du numéro 49 en 2015, revient, et composera son onze à partir d'une page blanche. Sûr que si Bruno Lage était en charge de rebâtir l'effectif, il aurait inscrit Adel au centre du projet, lui qui se dit «fier de son come back». Son avenir lisboète s'écrirait alors avec davantage de poésie. Tout en douceur, tout en toucher, histoire de se remémorer une dernière fois ses highlights.

Emile Gillet

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