vincelot (romain) (PAUCE/L'Equipe)

«À la fin, je pourrais faire un guide des meilleurs pubs» : Romain Vincelot, neuf saisons en Angleterre, raconte son road trip

Exilé depuis neuf saisons outre-Manche, Romain Vincelot porte aujourd'hui les couleurs de Crawley Town, son septième club anglais et actuel 17e de League Two (D4). Pour FF, il revient sur son road trip anglo-saxon, des traditions à la ferveur des stades britanniques.

«Vous quittez Gueugnon en 2009, et le choix est directement d'aller en Angleterre. Pourquoi ce pays ?
C'est un pays qui m'avait toujours donné envie par rapport au football et au peu d'images que j'avais quand j'étais gamin : les stades, les fans... Même dans les divisions inférieures, il y a un engouement de dingue ! Quand quelqu'un supporte un club, c'est tous les jours. L'engagement et le rythme me correspondaient bien. J'étais allé à Gueugnon pour jouer la remontée en Ligue 2, ça ne s'est pas très bien passé... Puis tu te déplaces dans des stades comme celui de Pacy-sur-Eure, avec 500 personnes un samedi soir, tu te dis : "C'est ça le football dont je rêve ?" J'avais du mal à me donner à 100% sans cet engouement. Il me fallait ce feu en moi. Donc à 23 ans, je me suis dit : "Il faut changer et tenter le rêve de gamin." J'ai galéré pour y aller, car je n'avais aucun contact, et c'est le cousin d'un de mes meilleurs potes qui m'a aidé... Au final, ça valait le coup !

Et en presque 10 ans, vous avez pu faire des villes comme Londres, Bradford, Brighton et bourlinguer du Nord au Sud. Vous avez ressenti des différences entre les régions ?
Franchement, je trouve ça assez uniforme. Les Anglais, eux, vont te dire qu'il y a plus d'engouement au nord, même si personnellement je dois avoir un point de vue assez biaisé. Je jouais à Bradford, on faisait 20.000 spectateurs donc forcément il y avait de l'ambiance. Mais sinon j'ai pas vraiment vu de différences. Tous les clubs, que ce soit en D2, D3 ou D4, c'est des ambiances de dingue. Partout ! La seule différence, ce sont les accents des gens.

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On a quelques clichés en France sur le football anglais, surtout sur les divisions inférieures. Ça se justifie ?
Oui, ça correspondait à 100% à l'image que j'en avais. Les mecs à fond pour le club, surtout. Peu importe ce qui arrive. Parfois, ils vont même en rigoler si on n'est pas bon. Bon un certain temps quand même... Mais avant que les fans ne se retournent contre les joueurs, il faut vraiment qu'on soit mauvais et surtout qu'on ne donne pas le meilleur de nous-même. En Angleterre, tu peux être mauvais, rater des contrôles, mais il faut avoir une réaction derrière, tout faire pour rattraper son erreur. Se battre pour le maillot ! C'est le cliché, mais c'est vraiment ça. Ils savent reconnaître les efforts, et ça c'est gratifiant pour le joueur. Et ce que j'adore, c'est quand il y a un bon gros tacle, les gens se lèvent et crient comme si c'était un but ! Y'a rien de tel. Un paquet de fois, tu mets un gros tacle, tu récupères le ballon, tu relances puis tu te retournes vers les tribunes, tu cries 'COME ON' et les gens sont fous, le poing levé !

Quel est votre meilleur souvenir avec les fans justement ?
C'était à Leyton Orient. On a eu une saison magique, avec une finale de play-offs qu'on avait perdue 3-2 pour monter en Championship. Et à l'intérieur du stade, les mecs ont leur propre association de supporters, leur propre bar. Les joueurs sont plus que bienvenus après les matches. Et j'y allais tout le temps. C'était une très bonne ambiance, et ce que l'Angleterre offre de mieux. J'avais tout le temps des amis ou de la famille qui venaient, et je leur montrais ça. Au final, ils ont pris le pli et je retrouvais amis et famille là-bas. Tout le monde se connaissait, et c'était assez marrant. Et je reste toujours en contact avec les supporters de Leyton, c'est une grande famille. Et ce qu'ils ont fait quand le club s'est cassé la gueule et est descendu en cinquième division, c'est énorme. Les fans ont racheté le club (NDLR : grâce à du financement participatif) et le club est reparti !

«Un paquet de fois, tu mets un gros tacle, tu récupères le ballon, tu relances puis tu te retournes vers les tribunes, tu cries "COME ON" et les gens sont fous, le poing levé !»

Les supporters de Leyton Orient ont marqué Romain Vincelot par leur dévouement sans faille. (L'Equipe)

Il y a la passion, mais que ce soit en D3, D4 ou même D5, c'est aussi très professionnalisé, et souvent bien organisé...
Tant qu'on ne l'a pas vu, on ne peut pas le penser. Mais par exemple l'été, quand on va faire des matches à huis clos contre des clubs de cinquième ou sixième division, le terrain est niquel. C'est des petits stades, 4000 ou 5000 personnes, mais c'est niquel. Parfois il y a même des petites loges. En cinquième division, il y a plein de clubs qui sont professionnels avec des effectifs où tous les joueurs sont à plein temps. Avec gros centre d'entraînement ou autre. Ça fait bien 100 ou 150 clubs en Angleterre qui ont des structures impressionnantes et très pro.

Il y a aussi une grosse spécificité en Angleterre, le Boxing Day. Comment vous l'avez perçu en arrivant ? Pour un Français, jouer à Noël, ça peut être un peu particulier...
C'est la tradition, vraiment ! C'est le côté anglais qui reste très attaché à ses traditions. En tant que Français, tu es habitué à te reposer, c'est dur pour les joueurs. D'habitude tu récupères, tu vois ta famille et tu coupes mentalement. Là, c'est la pression qui est plus importante. Il y a toujours un peu plus de monde au stade, c'est souvent le tournant de la saison aussi. Après, une fois habitué, c'est très cool. Tu sais qu'il y a un engouement extraordinaire, il y a la magie de Noël en même temps, dans les rues etc... Et tu es content d'être acteur de cette période-là, de faire du spectacle dans une atmosphère spéciale. Les gens sont aussi d'une humeur plutôt cool. C'est génial ! Et maintenant, il va y avoir une pause en janvier (NDLR : même pour les clubs de Premier League), et ça c'est bien car c'est dur après de tenir jusqu'à mai... C'est bien de garder le Boxing Day, mais cette nouvelle pause, ça assure un Championnat où tout le monde est en forme, fait du spectacle, du jeu.

Les divisions inférieures anglaises, c'est aussi cette image du "kick & rush" à l'ancienne, avec un attaquant grand et costaud devant. C'est toujours la norme ?
C'est de moins en moins stéréotypé, il y a de nouvelles façons de voir maintenant. Mais ils ont cette tradition avec ce qu'on appelle le "target man", sur qui on envoie le ballon pour faire remonter le bloc et qui doit pouvoir garder la balle. Après, je pense que c'est toujours d'actualité, mais d'une autre manière. Le "target man", il faut qu'il soit bon avec ses pieds. Ça joue de plus en plus, même en quatrième division, avec des managers beaucoup plus jeunes qui ont une autre mentalité. Il y a toujours cette présence physique mais certaines équipes jouent avec d'autres gabarits. Mais bon, il reste un "target man" sur le banc de toute façon...

Et qu'est-ce qui vous manquera le plus du football anglais ?
L'engouement des stades, vraiment. L'adrénaline du samedi ou, peu importe où tu vas, tu sais que même si c'est old school, il y aura le stade plein. Ça met le match à un niveau d'intensité toujours élevé. Et c'est ça qui va me manquer. D'apprécier, le samedi matin, cette petite boule au ventre positive, cette adrénaline... Où t'es juste impatient du coup d'envoi ! Après je garderai toujours, avec ma famille, cette envie d'avoir cette atmosphère anglaise. Le pub, la cheminée, peu importe la ville où on s'installe. Je crois même qu'à la fin, je pourrais faire un guide des meilleurs pubs selon les régions. Ça serait une bonne idée de bouquin (rires)

Propos recueillis par Antoine Bourlon