Yohann Pelé (A. Reau/L'Equipe)

Yohann Pelé (gardien de but de l'OM), le décollage de l'Albatros

Auteur d'une parade décisive en prolongation qui a notamment permis à l'OM de se qualifier pour la finale de la Ligue Europa, Yohann Pelé continue de surprendre sous le maillot olympien. Un destin incroyable pour le gardien de 35 ans, dont la carrière a été semée d'embûches.

Contraints de disputer une prolongation après avoir été rattrapés au score par le RB Salzbourg, les Phocéens sont bougés, malmenés et semblent à bout de souffle. A la suite d’un énième corner pour les Autrichiens, le défenseur Duje Caleta-Car s’élève plus haut que tout le monde et croit catapulter le ballon au fond des filets (99e), qui aurait permis à ce moment-là de qualifier son club pour la finale de Lyon, le 16 mai prochain. C’était sans compter sur Yohann Pelé, le gardien marseillais, peu en réussite sur les deux buts encaissés en deuxième période. L’ex-Manceau a alors effectué une manchette phénoménale pour éviter aux siens une déroute qui se dessinait. Cette parade a eu le mérite d’envoyer les bonnes ondes à ses coéquipiers qui se sont ensuite démenés sur le terrain, récompensés par la reprise de Rolando à quatre minutes de la fin (116e). Yohann Pelé a une nouvelle fois endossé le costume de sauveur pour sa formation, après sa grande prestation au match aller (2-0 pour l’OM), comme sur la double confrontation contre Leipzig au tour précédent. Un statut qui peut pousser Rudi Garcia à le titulariser en finale face à l’Atlético Madrid à Lyon. Une formidable récompense pour le portier olympien, qui n’a pas connu que des joies au cours de sa carrière.

Maladie et bras de fer

Une dizaine d’années passées au Mans et voilà Yohann Pelé, considéré comme l’un des meilleurs gardiens du championnat, débarquer à Toulouse dans l’optique de remplacer Cédric Carrasso, parti aux Girondins de Bordeaux. L’aventure chez les Pitchounes va cependant tourner court, quand on lui diagnostique une embolie pulmonaire bilatérale. Ce qui devait entraîner un arrêt complet de six mois, annoncé par les médecins du club, s’est alors transformé en une indisponibilité de trois ans. Et les affaires se sont même empirées, cette fois-ci devant la justice. Le gardien, qui s’est vu proposer un poste de recruteur, a réclamé des indemnités au club, menaçant même de se retrouver au Conseil des prud’hommes.

Son coéquipier de l’époque, Mohamed Fofana – qui évolue depuis au Stade de Reims – avait même indiqué dans une interview sur le site du Téfécé en 2012 les mauvaises nouvelles : «Je n’ai pas vraiment de nouvelles, la dernière c’est que c’est mort, il ne jouera plus. Il n’a pas obtenu l’autorisation du médecin. Dommage, entre Carrasso et lui il n’y avait pas beaucoup d’écart lorsqu’il est arrivé». Le gardien est abattu et a ensuite disparu des écrans radars.  Certains lui prêtaient même une vie dissolue, entraînée par des problèmes d’alcool. Mais le dernier jour du mercato hivernal en janvier 2014, il est réapparu et signait au FC Sochaux-Montbéliard, alors en L1. Le club est descendu en fin de saison, mais Pelé a enchaîné les bons matches dans l’antichambre, et vu plusieurs clubs s’intéresser à lui. Annoncé proche de Bastia, c’est finalement sur la Canebière qu’il a débarqué en juin 2015, en tant que doublure de Steve Mandanda.

Une renaissance totale

Clin d’œil du destin, puisque lors du seul appel de Pelé en équipe de France en 2008, pour un match amical contre la Tunisie, le portier formé au Havre était titulaire dans les cages. Quand il est arrivé à Marseille, ses folles années étaient derrière lui, et certains voyaient ce recrutement un peu bancal. Surtout lors du départ de Steve Mandanda pour Crystal Palace en juillet 2016, entraînant le gardien de 32 ans à se retrouver seul aux commandes. L’absence totale de concurrence lui a offert un boulevard, mais dès le début, Yohann Pelé a réussi à faire taire ses détracteurs, qui doutaient de son niveau, en ramenant des points cruciaux à l’OM. Résultat : une grande saison (38 matches disputés en L1), et un record de clean-sheets sur l’exercice avec 18 matches sans encaisser de but. L’été dernier, Steve Mandanda est revenu au bercail, Yohann Pelé a retrouvé le banc, sans rechigner. Mais l’ancien Sochalien est prêt à en sortir à tout moment, comme en février où la doublure d’Hugo Lloris en équipe de France était victime d’une déchirure musculaire. Une blessure qui est réapparue à Dijon le 31 mars dernier à Dijon (3-1), poussant une nouvelle fois Rudi Garcia à faire appel à son numéro deux. 

A chaque fois, «l’Albatros » a répondu présent, sauvant à plusieurs reprises de la noyade son équipe, ou conservant un résultat favorable jusqu’au bout, grâce à ses parades miraculeuses. C’est simple, avec Pelé dans les buts, l’OM n’a perdu qu’une seule fois cette saison, à Paris le 25 février (0-3). Des bonnes performances que le gardien a réitérées en Ligue Europa, notamment lors de la phase à élimination directe (six apparitions en huit matches), où il a répondu présent, ses parades monstrueuses rassurant et galvanisant même ses coéquipiers. Qu’on se le dise, si Marseille se retrouve à Lyon dans moins de deux semaines, les prestations de son n°16 y sont pour beaucoup. Lui a retrouvé une confiance qu’il pensait perdue, grâce à un entraîneur qui le connaît par cœur – ils se sont cotoyés lorsque Rudi Garcia officiait au Mans lors de la saison 2007-08 – et qui n’avait pas hésité à le conseiller lors de sa signature en 2016. «Celui que je connais le mieux, c’est Yohann Pelé. Il doit croquer dedans à pleines dents, rattraper le temps perdu. Je lui ai dit». «L’Albatros» semble l’avoir suivi.
 
Joffrey Pointlane