Adrien Rabiot est titulaire ce dimanche. (Benjamin Crémel/Lâ?™Équipe)

«Un corps étranger dans cette Juve» : la situation d'Adrien Rabiot vue d'Italie

Remplaçant en début de saison, Adrien Rabiot avait commencé à se faire une place à la Juventus au fil de la saison. Un moteur diesel qui semble avoir épuisé son crédit de l'autre côté des Alpes avec l'épisode de la vraie fausse grève.

La Vieille Dame n'oublie pas facilement. Et l'Italie dans son sillage. Un constat qui contamine l'avis général sur Adrien Rabiot, arrivé l'été dernier à la Juventus. Alors quand le Français ne répondait pas directement à l'appel de son club pour retourner à l'entraînement après la trêve due au Covid-19, il n'en fallait pas plus aux médias transalpins pour aiguiser leurs plumes. Exemple avec le Corriere dello Sport : «Rabiot a décidé de rester sur la Côte d'Azur. Pour s'entraîner, oui, mais dans le jardin de la villa familiale. Pas vraiment une attitude professionnelle, pour l'ancien du PSG, qui n'était pas apprécié (euphémisme) à Continassa (NDLR : le centre d'entraînement turinois), au point qu'un froid glacial est apparu entre les deux parties.» Si la lumière n'est pas encore complètement tombée sur cette affaire, et qu'on peut accorder le bénéfice du doute au Français - qui singeait les critiques d'une «grève» sur les réseaux sociaux -, les Italiens ne goûtent guère à cette tolérance. Pour eux, cet épisode est le reflet de son manque de sérieux.

«Le Rabiot de Paris n'a jamais été vu à Turin»

La pilule a clairement du mal à passer, et l'absence de football pendant plusieurs mois n'a fait que renforcer cette tendance. Pas moyen pour lui de faire oublier ces critiques sur le terrain. Encore que, sur les 24 rencontres qu'il a disputées cette saison toutes compétitions confondues, il est loin d'avoir fait l'unanimité. De quoi intégrer l'équipe type des flops de la saison concoctée par la Gazzetta dello Sport, alors qu'il était arrivé gratuitement. «La Juventus l'a pris pour zéro euro, même si elle a versé à la mère du Français une commission importante et lui a garanti un engagement princier. Peu importe le montant de sa vente, il s'agira d'une plus-value. On a le sentiment que la greffe n'a jamais pris et qu’un adieu serait le bienvenu des deux côtés. La saison de Rabiot est tout simplement désastreuse : la Juve pensait avoir arraché un joyau aux autres grands européens après son départ du PSG. Au lieu de cela, le Rabiot de Paris n'a jamais été vu à Turin.» Des espérances non atteintes des deux côtés. «On attendait quelque chose en plus d'un joueur qui a coûté zéro, mais qui gagne 7,5 millions d'euros par an, tout comme Rabiot s'attendait à être plus utilisé et considéré. Bref, aucune des deux parties n'est heureuse. Profitons de sa présence, car dans quelques mois, il ne sera plus en Serie A.»

La déception est d'autant plus intense que les médias italiens sont conscients de la qualité intrinsèque du joueur. Toujours le quotidien aux pages roses : «Ce n'était pas de la poudre aux yeux. Il avait un objectif spécifique et un projet technique ambitieux. Rabiot est jeune et talentueux, mais son impact sur la Juve a été inférieur aux attentes. Il gagne beaucoup, peut-être trop, par rapport à son emploi. Rabiot a coûté jusqu'à présent à la Juventus 315 000 euros par match, soit 4 841 euros pour chaque minute passée sur le terrain.» Pour un rendement plus que timide. Aucun but, aucune passe décisive, et peu de matches références.

«Rabiot a coûté jusqu'à présent à la Juventus 315 000 euros par match, soit 4 841 euros pour chaque minute passée sur le terrain»

«Un corps étranger dans cette Juve»

Avec en point d'orgue l'un des derniers matches avant la pause, face à l'OL en Ligue des champions. Titularisé, le milieu avait l’opportunité de se refaire une image. Au lieu de ça, sa prestation semble avoir précipité son impopularité. Tuttosport n'y va pas avec le dos de la cuillère : «Il aurait dû faire preuve de ténacité et de courage pour défier ses compatriotes et montrer qu'il est redevenu un bon joueur, mais au lieu de cela, les choses se sont passées comme prévu : mal.» Alors que le football italien reprend ce vendredi avec un match de Coupe, le destin d'Adrien Rabiot semble inévitablement se dessiner hors d'Italie. «Sarri a su l'attendre puis le lancer, mais Rabiot l'a laissé tomber et il faut maintenant le gérer encore plus, malgré le fait qu'il semble être un corps étranger dans cette Juve.» Deux mois pour reconquérir toute l'Italie, même Tom Cruise ou Kiefer Sutherland ne s’y aventureraient pas.

Émile Gillet