martinez (jackson) (SABRIE GILLES/L'Equipe)

«Un combat quotidien», Jackson Martinez l'énigme aux chevilles fragiles

Attendu comme le sauveur pour le maintien de Portimonense, l'attaquant patauge cette saison. La faute à des vieux démons, mentaux et physiques, qui ne veulent pas le lâcher.

75e minute d’un match anodin entre Porto et Portimonense, en décembre 2018, l’Estadio do Dragaõ s’enflamme. En cause, la sortie de Jackson Martinez, ancien crack de la maison. 92 buts en 136 matches, même trois ans et demi après, ça ne s’oublie pas. Cette standing ovation suivie de chants à son encontre, le Colombien a dû la savourer. Car depuis, il n’y a que très peu goûté,. Il y a bien eu ce match, la semaine suivante, contre Setubal, où il claquait deux buts et délivrait une passe décisive, mais sinon... Sans briller, il inscrivait tout de même neuf réalisations pour son retour au Portugal la saison dernière (il était prêté par Guangzhou Evergrande). De quoi signer définitivement cet hiver. Mais depuis, la machine s’est enrayée, et la saison du buteur n’est qu’une succession de déceptions.

«Personne ne sait ce qui se passait dans sa tête»

Martinez traine son désarroi comme un boulet depuis qu’il a quitté Porto. 2015, 37 millions d'euros et un vol pour Madrid et l’Atlético. Comme une promesse, il marquait pour son deuxième match. Mais la greffe avec Simeone n’a jamais vraiment pris. «À l’Atlético, les choses n’ont pas fonctionné, confie-t-il à Marca. L’important, c’est de s’adapter à un style de jeu et, de toute évidence, je ne me suis pas adapté. J’étais triste, quand je suis parti, d’entendre les coéquipiers dire que je n’étais pas engagé dans l’équipe.» Le début d’une spirale infernale destructrice. Un ancien coéquipier à Madrid susurre au quotidien espagnol : «Tout le monde a essayé de l’aider, mais personne ne sait ce qui se passait dans sa tête. Il croyait plus en Dieu qu’en lui-même. La pression l’a battu.» 

Jackson Martinez lors de son passage à l'Atletico, en 2015. (Acero/EXPA/PRESSE SPORTS/PRESSE SPORTS)

Réveillé chaque nuit par la douleur

La pression, celui qui a hérité de son prénom en hommage à Michael Jackson croyait s’en émanciper en partant pour la Chine six mois plus tard. Sauf qu’une blessure en décidait autrement. Au lieu de reprendre confiance en lui sereinement, il se précipitait dans un gouffre à mesure que le cartilage de sa cheville gauche s’effritait. Une blessure qui l’éloignait des terrains pendant quasiment deux ans et qui, aujourd’hui encore, le hante. «C’est un combat quotidien ! Chaque entraînement, chaque moment où je me mets au lit pour dormir. Presque chaque nuit, vers 3 ou 4 heures du matin, mon sommeil est interrompu par une gêne au niveau du pied. Après quelques minutes ça passe et je me rendors, souffle le Colombien à MarcaS’entraîner n’est pas facile non plus, je ne peux pas le faire deux ou trois jours de suite. Je voudrais travailler normalement tous les jours, mais les médecins et le kiné m’ont fait comprendre que ce n’était pas possible. Je suis un programme spécifique. Je dois penser à ma santé, je ne peux pas me tromper.»

Traduction : La passion qu’a Jackson Martínez pour jouer au football est incroyable. Un homme qui a été au sommet et, même boitant et avec une douleur évidente dans chaque mouvement qu'il tente, ne renonce pas à essayer.

Les séquelles, tenaces, font que Martinez n’est plus le même joueur. Comment continuer à être le renard des surfaces explosif qu’il était sans pouvoir s’entraîner tous les jours et répéter les efforts ? Jornal I, média lisboète, résume la situation avec poésie : «Jackson Martinez n’a jamais cédé à la malchance. Il a surmonté des malheurs et des blessures qui auraient mis fin à la carrière de nombreux professionnels, et même dans des conditions très contraignantes, il continue de défendre les couleurs de Portimonense avec une énorme volonté. Mais plus avec la même joie car la douleur du corps atteint déjà l’âme.» L’âme mais aussi le cerveau. Si bien que quand il n’a plus qu’à transformer un penalty - contre Porto, heureux hasard - il réfléchit trop et manque le cadre.
 
Il suffit de regarder quelques minutes de ses apparitions cette saison pour voir qu’il est à l’économie. Son sens du but est intact, son placement aussi, mais la vitesse et le physique ne suivent plus. De quoi altérer ses statistiques (un seul but), mais plus l’homme. «Ce n’est pas le même avant-centre que celui dont la Colombie a rêvé. Mais il reste un exemple de dépassement, de persévérance et de croyance.» relate Jornal I. À 33 ans, Jackson Martinez est obligé de jouer avec le frein à main pour préserver son physique. Pourtant, alors que certains évoquent une retraite, A Bola se montre optimiste : «On attend beaucoup de Jackson. Il s’est entraîné avec les autres et semble même être revenu plus fort du confinement.» Comme si prendre du temps pour lui lui avait permis de retrouver le joueur qu’il était. Ou plus important encore, sa santé.

Emile Gillet