PALMA DE MALLORCA ESTADIO DE SON MOIX ©LEONARDO COMPARINI 1100 *** Local Caption *** (LEONARDO COMPARINI/CORDON/PRES/PRESSE SPORTS)

Tombé en D3 puis remonté deux ans plus tard : comment Majorque a réussi son retour

Insulaire, instable sportivement, révélateur de jeunes, le Real Majorque a toujours occupé une place particulière dans le paysage espagnol. Tombé en troisième division il y a deux ans, le club vient de remonter deux fois de suite, pour retrouver la Liga.

«Ils font bien les choses, mais il faudra être encore plus professionnels dans leur gestion, car la Liga est un des meilleurs Championnats au monde.» Le jugement de Pierre Cornud, prêté par le Real Majorque à Oviedo, est plutôt optimiste envers son club. Promue en Liga, la formation des Îles Baléares s’apprête à souffrir cette saison, en témoigne sa 18e place avant d’affronter le Real Madrid. Mais cette situation, et la lutte pour le maintien qui s’annonce, constituent déjà une satisfaction autant qu’un soulagement pour les Majorquins. Car il y a à peine deux ans, l’équipe historique du football espagnol, bien loin de la finale de la C2 1999 ou de la Coupe du Roi 2003 gagnée par la bande à Samuel Eto’o, Miguel Angel Nadal et Walter Pandiani, entrevoyait face à elle le bord du gouffre.

Le déclin puis la remontée

Il y a deux ans, en effet, le club tombait pour la troisième fois de son histoire en Segunda B, la troisième division ibérique. Un panaché aux allures de bricolage entre équipes réserves, clubs pro et semi-pro, ces derniers unis dans une volonté de survivre économiquement avant tout. Quatre ans plus tôt, en 2013, Majorque était descendu en deuxième division après seize ans consécutifs en Liga. Mais cette fois, c’est la goutte de trop. «Lors de la descente en D3, après un nul contre Mirandés, une grosse centaine de supporters qui avait fait le déplacement est partie au clash avec les joueurs et le staff, raconte Alexandre, qui gère le compte Twitter fan du club (RCD Mallorca France). Le week-end suivant, pour le dernier match de la saison à domicile, certains sont même montés en tribune présidentielle pour essayer d’attraper la direction.» L’aboutissement violent d’une instabilité aussi bien financière (Majorque est alors criblé de dettes) que politique, qui mine le club depuis des années. Entre juillet 2010 et 2017 se succèdent pas moins de treize entraîneurs et cinq présidents.

L’équipe dirigeante actuelle, arrivée en 2016, est composée d’un agglomérat assez improbable : l'Américain Andy Kohlberg, aussi propriétaire des Phoenix Suns (NBA) ; son associé et homme d’affaires Robert Sarver ; l’ancienne star du basket Steve Nash ; l’ex-latéral anglais Graeme Le Saux... «On espérait pas grand-chose de leur arrivée, confie Alexandre, parce qu'on était tellement désespérés de voir notre club dans cette situation… On voulait des actes.» Malgré des premiers résultats décevants, y compris la fameuse descente en 2017, la vingtaine de millions d’euros injectés par les Américains à leur introduction dans le capital offre un grand bol d’air au Real Majorque. Pour éviter de s’engluer dans cette division et, à terme, perdre le statut professionnel, le club mise sur une montée immédiate. «Il y avait beaucoup de joueurs d’expérience en Segunda B, expose Pierre Cornud, arrivé au club cet été-là. Le club a mis la barre très haut, c’était une évidence et une obligation de remonter.» Opposés à d’autres anciens pensionnaires échoués de Liga comme Hércules ou Elche, mais aussi à l’Atlético Baleares, face auquel ils disputent un derby insulaire pour la première fois depuis 37 ans, les Majorquins surnagent. La montée est assurée en une saison, lors d’un match face à… Mirandés, contre qui ils étaient descendus l’année précédente. Coup sur coup, une autre promotion suit en 2018-2019 : en juin dernier, suite à une confrontation contre le Deportivo La Corogne en play-offs de Segunda, Majorque remonte en Liga. Le pari d’Andy Kohlberg et ses associés est réussi.

Un plan quinquennal

Kohlberg, décrit comme «assez présent» par Pierre Cornud, vit de plus en plus en Europe et sur l’île en particulier, son investissement au club augmentant un peu plus chaque jour. Un investissement sur la stabilité, en témoignent le maintien et la confiance accordée à Vicente Moreno, sur le banc depuis la troisième division. Adepte d’une ligne défensive de quatre joueurs et d’un milieu renforcé, le jeune (44 ans) entraîneur espagnol mise avant tout sur une stabilité défensive et un jeu très direct. «Moreno est un entraîneur très exigeant, perfectionniste. Il ne laisse rien passer», témoigne Cornud. Une rigueur soutenue par Andy Kohlberg, cette semaine, dans une interview à Marca : «Son travail est fantastique. Même en cas de descente, nous garderions confiance en lui. Nous aimerions qu’il reste sur le banc pour les cinq prochaines années au moins.»

Ils pourront compter sur une politique de jeunes qui a fait ses preuves, de Eto'o à Asensio

Les hommes des Baléares voient les choses à moyen, voire à long terme. Pour ce faire, ils pourront compter sur une politique de jeunes qui a fait ses preuves, de Eto’o à Asensio en passant par Diego Tristan. Ainsi, formés au club et ayant fait leurs classes aux échelons inférieurs, le latéral Joan Sastre (22 ans) et le milieu Iddrisu Baba (23 ans) «vont très certainement exploser cette saison», parie Alexandre. Situé dans la ville de Palma, mais représentant dans l’esprit et les faits tout un archipel, le club peut également compter sur un fort sentiment d’appartenance des joueurs originaires du coin. De quoi espérer assurer une forme de pérennité, malgré des ressources limitées (masse salariale la plus faible de Liga). À ce titre, où Andy Kohlberg voit-il son club dans cinq ans ? «J’espère que nous serons un des meilleurs clubs de la Liga, du niveau de la Real Sociedad, par exemple, et surtout j’espère que nous aurons suffisamment de solidité pour que même une descente ne soit pas un problème.» Plutôt qu'à la Real Sociedad, Alexandre préfère comparer son club à Eibar : «C’est l’exemple parfait car c’est aussi un club qui a réalisé deux montées successives et s’en est sorti. Sur le plan structurel, on n'est pas mal, parce que le Real Majorque a toujours été un club de Liga à ce niveau.» L’objectif est ambitieux, mais raisonnable. Il faudra bien ça pour éviter de revivre une période de doute pour les supporters.

Erwann Simon