fontaine (thomas) (L.Argueyrolles/L'Equipe)

Thomas Fontaine : «Montrer une belle image de Madagascar»

C'est un événement majeur pour la 107e nation au classement FIFA : Madagascar fait ses grands débuts dans l'histoire de la Coupe d'Afrique des Nations ce samedi en affrontant la Guinée. Joueur du Stade de Reims, Thomas Fontaine livre son sentiment.

«Vous allez disputer, à l'image de votre sélection, votre première Coupe d'Afrique des Nations. Est-ce qu'on l'aborde avec les yeux grands ouverts pour profiter du moment ou en se disant d'abord qu'il va falloir jouer sa chance ?
Oui, c'est une première historique pour notre pays. On l'aborde comme une compétition, on fait tout pour être prêt. On y va pour jouer notre chance à fond. On est dans un groupe costaud. Chacun a ses qualités et ses défauts. On ne va pas aller là-bas pour compléter la poule mais pour donner le meilleur de nous-mêmes et décrocher une place pour la phase à élimination directe.

Burundi, Guinée et Nigeria seront vos adversaires dans ce groupe B : ça vous inspire quoi ?
C'est une grosse poule ! Trois équipes qui ont été invaincues lors des matches de qualification. On va relever le défi, montrer une belle image de notre pays et jouer notre chance à fond.

L'objectif, c'est aussi de montrer que Madagascar existe à l'échelle du football.
Oui, on y va pour montrer qu'on n'est pas qualifiés par hasard, qu'on mérite notre place d'être parmi ces pays qualifiés pour la compétition. On fait du foot pour vivre ce genre de choses. Je ne vais pas y aller en tant que spectateur ou touriste. On y va vraiment pour faire quelque chose.

La fiche de Thomas Fontaine

«Financièrement, on n'a pas beaucoup de moyens»

Racontez-nous le jour où Madagascar a décroché son ticket pour la première CAN de son histoire...
J'étais suspendu. J'avais joué l'aller en Guinée-Équatoriale (1-0) et j'étais suspendu au retour (1-0 également). On avait en plus décroché la qualification chez nous, à domicile. Quelque chose de magnifique. Surtout quand on repense à tout ce qu'on a fait et par où on est passé jusqu'à maintenant. On se rappelle de ça.

De quoi par exemple ?
De matches comme au Soudan ou en Guinée-Équatoriale. Le nul décroché face au Sénégal chez nous. Tout ça nous a donné motivation et solidité pour la suite.

Quelle est la place de Madagascar aujourd'hui dans le foot africain ?
On n'a pas vraiment eu notre chance. On a toujours essayé de se qualifier pour la CAN mais, malheureusement, par manque d'expérience et de tout, on n'a pas eu cette opportunité. On a pris tout ça comme leçon. Financièrement, on n'a pas beaucoup de moyens mais on essaie de faire en sorte que l'amour du maillot et du pays prenne le dessus par rapport aux autres nations qui, elles, peuvent avoir certains moyens. On tente également de se faire entendre et de se montrer comme on peut dans nos clubs respectifs.

«Quand votre pays fait appel à vous, c'est encore mieux que la France»

Vous êtes né à La Réunion, comment et pourquoi avez-vous opté pour Madagascar ?
Ma grand-mère est Malgache. Je ne l'ai pas connue. C'est ma mère qui m'a dit qu'il fallait y aller si j'en avais l'opportunité. C'est parti de là. Mes parents m'ont fait grandir avec les mêmes traditions que le pays. Madagascar et La Réunion, c'est pratiquement la même culture. Avant, la sélection appelait souvent les locaux donc ce n'était pas évident pour avoir ma chance. C'étaient trois, quatre expatriés pour dix-huit joueurs locaux. Désormais, j'ai l'opportunité de pouvoir venir. Le coach et le capitaine ont effectué pas mal de travail à ce niveau. Aujourd'hui, on est plusieurs expatriés à rejoindre la sélection, on apporte notre expérience à travers tout ça. Personnellement, ça fait huit ans que j'ai réfléchi et attendu pour prendre la bonne décision. Quand vous êtes jeune, et même si vous évoluez en équipe de France de jeunes (NDLR : Il compte six matches avec les U20 français), quand votre pays fait appel à vous, c'est encore mieux que la France. Certes, je vis en France, mais quand Madagascar m'a convoqué, j'ai eu encore plus envie de participer à ça qu'à autre chose. Le projet était de se qualifier pour la CAN. On a tous mis la main à la patte.

En octobre dernier, Jérémy Morel a opté pour la sélection de Madagascar. Un choix critiqué pour un certain "opportunisme". Qu'en avez-vous pensé ?
Il n'a pas eu sa chance en équipe de France et il voit une opportunité de venir avec Madagascar. Nous, c'est ce qu'il nous a manqué. À savoir des gars d'expérience. Avec le travail que l'on fait depuis plusieurs années, on voit aujourd'hui qu'il y a pas mal de joueurs qui aimeraient venir en sélection. Ils ont vu qu'il y avait une situation plus stable. Et que la qualité est nettement meilleure dans la façon de travailler. Le coach a en plus une bonne gestion par rapport à son groupe. Tout ça fait la différence. On a appris de nos erreurs sur le tard. Quand on voit la chance qu'on a de participer à cette CAN, on a pris des risques, mais ç'a été des risques payants. On commence à avoir un peu plus de popularité et de personnes qui s'intéressent à nous. Les gens veulent en savoir un peu plus sur nous.»

Timothé Crépin