(L'Equipe)

Steve Mandanda, numéro un tout neuf en équipe de France

Après une saison dernière en forme de long chemin de croix, le gardien de l'OM est, à 34 ans, de retour au premier plan. Récit d'une reconstruction physique et mentale.

Après une série de trois arrêts consécutifs et une prise de balle impeccable au cœur d’un morne après-midi pour les siens, Steve Mandanda se couche sur son ballon. Spontanément, "Bouba" Kamara se jette sur son gardien pour l’enlacer. Le jeune défenseur le sait bien : si l’OM s’apprête à ramener un point de La Beaujoire (0-0) en ce 18 août, il le doit en grande partie aux prouesses de son portier (6 arrêts ce jour-là). A cet instant, l’image - devenue virale sur les réseaux sociaux en cours de saison dernière - d’un Mandanda prostré devant sa cage, mains sur les hanches, après un but encaissé, semble appartenir à un autre temps. Sourire jusqu’aux oreilles au moment d’aller saluer Alban Laffont à la fin de la rencontre, le portier marseillais le sait bien : il revient de (très) loin.

Touché par les critiques, il a tout mis en œuvre pour démarrer la saison sur les chapeaux de roues, et cette première grosse prestation fait figure de déclaration d’intention. Si le numéro 30 n’a pas pour habitude de lire la presse, il a eu vent des remarques sur son poids et celles-ci ont pu le piquer. C’est en tout cas l’avis de Nicolas Dehon, qui fût son entraîneur durant deux saisons à l’OM et dont il est resté proche. «Steve est un garçon très intelligent, capable de prendre beaucoup de recul, estime celui qui est désormais en charge des gardiens amiénois. Mais il a bien sûr été touché par tout ce qui s’est dit et c’est là qu’on voit les ressources mentales du garçon

Vacances à l'italienne

Des ressources auxquelles le gardien olympien a dû faire appel, au cœur de l’été, du côté de Merano et de son centre dédié aux sportifs désireux de retrouver une condition physique optimale. Bilan du séjour ? Une silhouette affinée et une confiance retrouvée. Mais, de l’avis de ses proches, c’est plutôt l’esprit du portier qui méritait d’être délesté d’un poids. «Peut-être avait-il deux ou trois kilos en trop mais il n’était pas aussi hors de forme que ce qu’on a bien voulu nous faire croire, estime Dehon. Le déclic est plutôt mental. Dix ans à l’Olympique de Marseille, ça pèse. Pour avoir été à ses côtés un petit moment, je peux vous dire que ce n’est pas toujours simple de garder la cage de ce club. Le contexte marseillais est parfois très lourd, ce n’est pas un cliché

Riffi Mandanda, l’un des quatre frères de Steve, abonde dans ce sens. «Merano, il y va tous les ans et pas forcément pour perdre du poids, précise celui qui garde la cage de l’US Boulogne CO. Là-bas, il y a aussi un aspect détente qui est très important. Tout est mis en place pour que vous vous sentiez bien. Mon frère n’a pas eu beaucoup de vacances durant sa carrière et c’est de repos dont il avait besoin. Il ne me le disait pas car il cherche toujours à nous protéger mais il avait besoin de couper un peu avec le football.»  

Riffi Mandanda : «Mon frère n'a pas eu beaucoup de vacances durant sa carrière et c'est de repos dont il avait besoin.»

«Attends un peu, tu vas voir...»

Riffi n’est, du reste, pas surpris par le retour aux affaires de l’ainé de la famille. En fin de saison dernière, le gardien de l’OM lui avait annoncé la couleur, alors même qu’il faisait l’objet de nombreuses critiques. «Mentalement, il est fort car il a tout pris sans jamais répondre, raconte-t ’il. Je me souviens notamment d’un Canal Football Club où on se moquait un peu de lui. Certains auraient répondu, pas lui. Et pourtant, il connait les différents intervenants de l’émission. Lui, il est toujours tranquille. En gros, ce qu’il me disait c’était : “Oui je ne suis pas bien en ce moment mais attends un peu, tu vas voir...”»

Et on a vu. Depuis le début du Championnat, "Il Fenomeno" est le gardien qui a effectué le plus d’arrêts en Ligue 1, et certaines de ses prestations sont venues rappeler à quel point il pouvait peser sur le cours d’une saison. Pêle-mêle, ses parades à Nice (1-2), Dijon (0-0) ou lors de la réception de Rennes (1-1) ont marqué les esprits. Y compris celui de son entraîneur, dithyrambique à l’issue de la rencontre face aux Bretons. «Il dégage de la confiance, c’est bon pour nous qu’il se trouve dans cet état (…), appréciait André Villas-Boas. Sa qualité fait la différence, à chaque match il fait des arrêts incroyables. Est-ce que Steve est aujourd’hui le meilleur joueur de l’équipe ? Peut-être !»

Un compétiteur qui a, selon Nicolas Dehon, retrouvé certains réflexes que le niveau international requiert. «Au-delà d’une cage, un gardien qui prétend à la sélection doit être capable de défendre une zone, observe ce spécialiste du poste. Là, il est en plein dedans. Aujourd’hui, je le vois défendre sa surface toute entière. Son positionnement moyen est plus haut, notamment sur les coups de pied arrêtés adverses. Il n’est plus scotché à sa ligne de but et c’est un signe qui ne trompe pas. Il a redressé la barre

Marqué par l’exigence d’un frère que la famille a érigé en modèle, Riffi Mandanda en est persuadé : le dernier rempart de l’OM est loin d’en avoir fini avec le plus haut niveau. «Certains pensaient et pensent peut-être encore qu’il est cramé mais moi je suis convaincu qu’il peut encore performer trois ou quatre ans, y compris avec l’équipe de France», professe-t’il. Ce vendredi soir, le numéro 16 des Bleus aura en tout cas à cœur d’entériner son retour au sommet.

«Il n'est plus scotché à sa ligne, c'est un signe»

Il n’en fallait en tout cas pas plus pour convaincre Didier Deschamps de rappeler son fidèle numéro 2. Le lien de confiance que les deux hommes ont tissé au fil des trois grandes compétitions internationales qu’ils ont vécues ensemble ne s’est d’ailleurs jamais rompu. «Ils se connaissent très bien, confirme Riffi Mandanda. Il ne faut pas non plus oublier que Deschamps l’a eu à Marseille, ça compte ! Alors quand cet été le coach et Franck Raviot (l’entraîneur des gardiens de l’équipe de France) l’ont appelé pour lui faire comprendre qu’il fallait qu’il retrouve son vrai niveau pour être appelé à nouveau, mon frère ne l’a pas mal pris. Il savait qu’ils faisaient simplement preuve de franchise et que ses performances n’étaient pas à la hauteur des attentes.» L’annonce de la dernière liste a toutefois constitué un vrai moment de soulagement pour celui qui compte vingt-huit sélections avec les Bleus. «Il nous parle tout le temps de la sélection, confie Riffi. Les Bleus, ça lui tient profondément à cœur. C’est devenu une sorte de seconde famille pour lui. Il va s’arracher pour montrer qu’il est toujours là. De toute façon, il ne s’est jamais cru installé en équipe de France, il y est toujours allé en mode compétiteur

«Je suis convaincu qu'il peut encore performer trois ou quatre ans, y compris avec l'équipe de France».

Thymoté Pinon