kone (lamine) mothiba (lebo) (E.Garnier/L'Equipe)

Ses débuts en défense centrale, son idole Balotelli, Thierry Laurey et ses rêves... À la rencontre du rafraîchissant Lebo Mothiba (Strasbourg)

Grand artisan de la belle saison du RC Strasbourg et belle surprise de la saison, Lebo Mothiba (9 buts toutes compétitions confondues) continue de grandir loin de son Afrique du Sud natale. Pour FF, il retrace son parcours et dévoile quelques uns de ses secrets.

«Vous allez disputer la finale de la Coupe de la Ligue. Elle aura une forte valeur symbolique...
Oui, cela se disputera à Lille (NDLR : Son ancien club), et en plus, ce sera contre mon "grand-frère", Lebogang Phiri (milieu de Guingamp) ! Je suis très excité. Disputer une finale de Coupe, c'est un rêve qui devient réalité. Le fait qu'elle soit à Lille, c'est très spécial, ç'a une signification. C'était ma première maison. Tout a débuté là-bas pour moi en Europe.
Mais avant d'arriver dans le Nord, vous avez commencé en Afrique du Sud.
À 10 ans, je jouais arrière central ! (Il rit.). Je marquais des buts et c'est à ce moment-là que j'ai commencé à évoluer en attaque. Mon coach n'avait pas beaucoup de joueurs à ce poste. Il m'a dit : "Bon, laisse-moi te tester comme attaquant"...
À quel moment le grand saut vers Europe a-t-il débuté ?
Quand j'étais à la Diambars Academy, Lille avait envoyé des recruteurs. Mais quand ils sont arrivés, j'étais blessé à la cheville ! Je ne m'entraînais même pas. Ils souhaitaient un attaquant différent de ceux qu'ils avaient, quelqu'un qui pouvait garder le ballon par exemple. Les entraîneurs lui ont alors dit que le gars qu'ils cherchaient était actuellement blessé. C'était moi. Le recruteur a répondu qu'il n'y avait pas de problème, qu'il attendrait que je sois sur pied pour que je vienne en France.
Quand avez-vous pu vous montrer ?
Je n'étais même pas prêt physiquement, j'avais encore des broches dans la cheville. Mais je me disais que c'était l'Europe, c'est là que tout le monde veut jouer. Je suis allé faire les essais, mais c'était très difficile. De tous les joueurs présents, ils n'ont gardé que moi. C'est à ce moment-là que ma carrière a démarré. J'avais 18 ans.

La fiche de Lebo Mothiba

Lebo Mothiba, sous les couleurs de Valenciennes. (S.Boue/L'Equipe)

«À Strasbourg, c'est la première fois que je profite autant»

Comment s'est passée l'intégration à Lille ?
J'ai commencé avec les U19, parfois avec la réserve. On disputait des matches contre les pros et je marquais des buts. J'ai été pris avec l'équipe première. Et puis le coach (Frédéric Antonetti) est parti et je devais tout recommencer, convaincre de nouveau. J'ai joué presque un an avec la réserve et puis je me suis dit qu'il fallait que je sois prêté. Pour gagner de l'expérience et de la confiance pour progresser. C'est là que je suis allé à Valenciennes.
Mais vous êtes vite revenu à Lille, qui avait besoin de vous...
Je suis resté un an en prêt et puis Lille était en difficulté, Galtier est arrivé. Il voulait que je revienne. C'était difficile, les gens à Valenciennes comptaient sur moi, le président, les coaches. Ils ne voulaient pas que je parte. On a parlé, je leur ai expliqué que c'était mon club, qu'ils se battaient pour la relégation et que je devais y retourner pour les aider. J'ai fait de mon mieux et on a survécu. Je n'étais là que pour six mois. Lille avait des difficultés financières. Ils n'avaient pas beaucoup de choix. Ils me l'ont expliqué, qu'ils avaient acheté beaucoup de joueurs, des attaquants comme Loïc Remy, qui est un super joueur. Il était numéro un. Ils m'ont dit que j'étais jeune (Il a 23 ans) et que j'avais du potentiel. Je devais jouer, ne pas être sur le banc. Strasbourg était très intéressé, vraiment très impliqué. Ils m'ont garanti du temps de jeu. J'ai pensé à ma carrière. Mon agent m'avait aussi expliqué que c'était un bon choix.
Et aujourd'hui ?
C'est la première fois que je profite autant. Vous savez, Strasbourg, c'est comme une famille. Les fans, le coach, les joueurs... Tout le monde t'encourage, c'est une équipe familiale. Tout le monde est content. Je suis super heureux.

Comment décririez-vous votre relation avec Thierry Laurey ?
J'adore le coach, c'est quelqu'un qui te pousse toujours, qui est derrière toi, qui t'encourage à faire le maximum. Il me parle souvent pour m'expliquer où je peux m'améliorer. Et en plus, il fait toujours des blagues et il se marre... (Lebo a lui-même un fou rire) Mais quand c'est l'heure de bosser, c'est l'heure de bosser ! C'est un super entraîneur.
Un entraîneur qui a été critiqué ces derniers jours pour ses propos sur Neymar...
J'ai entendu parler de cette histoire. Neymar est super fort... il dribble tout le temps, et les défenseurs s'énervent, ça les rend fou, il faut suivre. Il est Brésilien, c'est normal, il est comme ça.
Du coup, on a envie de croire que vous êtes heureux de ne plus être défenseur comme à vos débuts...
(Il rigole.) Si tu es défenseur et que tu dois défendre sur Neymar... Ouf ! C'est un joueur génial. Je n'aurais jamais pu imaginer affronter des joueurs pareils. C'est encore une part de rêve. Je remercie Dieu pour que tout ce qui arrive aille dans mon sens.

«Neymar est un joueur génial. Je n'aurais jamais pu imaginer affronter des joueurs pareils. C'est encore une part de rêve.»

L'Afrique du Sud doit vous manquer...
C'est le plus beau pays du monde. Oui, ça me manque. Mais par rapport au football, c'est différent, je m'amuse bien ici. Pour la vie, l'Afrique du Sud, c'est mieux. Ma famille est là-bas, sauf ma copine qui est avec moi.
La sélection vous permet de revenir au pays de temps en temps.
C'est toujours un sentiment extraordinaire de représenter mon pays. J'adore m'entraîner avec eux parce que les joueurs sud-africains sont très bons avec le ballon. Je souhaiterais être aussi doué techniquement. Ils vont vite avec leurs pieds, quand je les regarde, ils ont un tel talent, on dirait le Barça ! Ils sont très bons dans les petits espaces, c'est leur style. Moi, je suis un joueur qui travaille dur. C'est ça qui m'a emmené jusqu'où je suis maintenant. Le foot sud-africain est différent. C'est plus lent, ils aiment le tiki-taka. Ici, c'est plus dynamique. Le milieu passe à l'ailier qui centre. Il y a plein de buts. C'est très physique, agressif, il faut être fort mentalement.
Etes-vous en contact avec les autres Sud-Africains du Championnat français ?
Oui, bien sûr ! Je suis en contact avec Lebogang Phiri, Keagan Dolly (Montpellier) et Bongani Zungu (Amiens). On parle souvent. Surtout avec Lebo, il m'appelle tout le temps, il m'envoie des messages, il me pousse. On est très proches. Mais je suis en contact avec tous. C'est important, on parle entre nous, on se motive. C'est génial de les avoir.

«Balotelli est grand, il sait garder le ballon mais être technique aussi, il est excellent devant les buts»

Qui est votre meilleur ami à Strasbourg ?
Je suis pote avec tout le monde ! Mais surtout avec Nuno Da Costa, je l'ai rencontré à Valenciennes.

Et à Lille ? Vous aviez accroché avec quelqu'un en particulier ?
Les joueurs comprenaient que je venais de loin, que je ne parlais pas la langue. À l'entraînement, souvent, je me mettais sur le côté et je regardais les autres faire avant de m'exécuter moi-même. Mes entraineurs m'aidaient beaucoup, ils me parlaient en anglais. Mes amis aussi, surtout Benjamin Pavard ! On est encore très proches. Il m'encourage beaucoup.


La langue française, ça va mieux depuis ?
Aïe aïe aïe aïe ! C'était difficile d'apprendre le français. J'avais des cours deux fois par semaine. Maintenant, je comprends les joueurs à force de les côtoyer. J'essaie de parler, ça m'a fait progresser, j'ai appris rapidement. Je ne suis pas encore bilingue mais ça vient.
Il paraît que vous avez un surnom...
Lebotelli ! J'ai déjà joué contre lui. Mon modèle de jeunesse, c'est Mario Balotelli ! Ç'a toujours été mon idole. Il est trop fort... Il est grand, il sait garder le ballon mais être technique aussi, il est excellent devant les buts. Il y a aussi Zlatan (Ibrahimovic). Je les regardais beaucoup quand j'étais petit, maintenant j'ai l'occasion de jouer contre eux, je profite.

«Les joueurs sud-africains vont vite avec leurs pieds, quand je les regarde, ils ont un tel talent, on dirait le Barça !»

«J'ai déjà dessiné le visage de Mario Balotelli»

En préparant cette interview, on a appris que vous avez une passion pour le dessin. C'est vrai ?
J'adore ! Je prends même des cours. Ma copine m'a inscrit et j'ai un professeur qui vient chez moi. C'est ma passion depuis que je vais à l'école. C'est bien d'avoir quelque chose en plus du football.
Que dessinez-vous ?
Des choses réalistes, j'aime bien dessiner des visages.
Celui de Balotelli ?
Je l'ai déjà fait !
Lui avez-vous montré ?
Non... C'est un des meilleurs. Je me sens un peu timide. Mais je lui ai déjà dit que c'était mon modèle et je l'ai remercié.
Vous avez beaucoup parlé de rêves. Quels seraient-ils désormais ?
Remporter la Coupe de la Ligue à Lille ! Mais aussi terminer dans le top 10, voire le top 5 du Championnat. C'est notre ambition. Et si on gagne la Coupe, on va directement en Ligue Europa. C'est aussi une motivation. Et puis continuer de marquer des buts. Je ne veux pas m'arrêter là, je continuerai de me battre.»

Jérémy Docteur