Foto IPP/Cavaliere Emiliano Roma 30/04/2017 Calcio Campionato Serie A 2016-2017. Roma - Lazio nella foto Monchi, nuovo direttore sportivo della Roma Italy Photo Press - World Copyright *** Local Caption *** (L'Equipe)

Serie A : Un feu d'artifice sur le marché des transferts synonyme de come-back

Quel bonheur, pour les amoureux du football italien, que de voir le retour en grande pompe d'un Championnat longtemps annoncé comme tombé en désuétude. Avec Ronaldo et cie, la Serie A vient en effet de prendre un coup de jeune, au tournant d'un football devenu business qui bat son plein.

Derrière la Premier League, la Liga et parfois même la Bundesliga, le Championnat italien a longtemps fait figure de Petit Poucet, et l'objet, aussi, de diverses attaques quant à la qualité du spectacle proposé. Ce serait malhonnête de dire que la Serie A est la plus spectaculaire des compétitions européennes, la faute - ou le mérite - à des défenses bien organisées et à la volonté d'exercer un football efficace et pragmatique, entre despotisme de la tactique et héritage du catenaccio d'Helenio Herrera.

Pourtant, cela serait tout aussi malhonnête de la mettre dans une case résolument défensive. Comme en attestent les fantaisies de Maurizio Sarri la saison passée à Naples ou de tant d'autres apôtres du jeu qui y ont laissé leur trace, le pays de Michel-Ange sait aussi faire de son football une œuvre offensive. Là, c'est l'éternelle question : qu'est-ce que le beau jeu ? En attendant, si la philosophie footballistique de la Grande Botte ne risque pas de changer demain, la Serie A n'a pas fait les choses à moitié cet été pour rapatrier les adeptes d'Angleterre, d'Espagne ou d'ailleurs. Et c'est grâce au mercato et à quelques stakhanovistes du négoce qu'elle s'est offert une nouvelle tête, de quoi débuter la saison en trombe et avec les regards de toute l'Europe du football. C'est le grand come-back.

CR7, facteur X

Il fallait certainement être fou ou bon ami de Jorge Mendes, l’agent du joueur, pour mettre une pièce sur une arrivée de Cristiano Ronaldo à la Juventus cet été. Pourtant, le 10 juillet dernier, en pleine Coupe du monde, le quintuple Ballon d’Or FF s’engageait bel et bien chez le septuple champion d’Italie pour des émoluments chiffrés à 30 millions annuels, à des années-lumières des standards juventini, Dybala, deuxième salaire du club, émargeant lui à sept millions. Le fruit d’une négociation rondement menée par le board bianconeri, Andrea Agnelli et Beppe Marotta en tête, et d’une volonté chez Ronaldo d’un nouveau défi, après un énième désaccord avec Florentino Perez, le président du Real.

Pour la Serie A, c’est le jackpot. À lui seul, et c’est un bon indicateur de popularité au 21e siècle, CR7 pèse 139 millions d’abonnés sur Instagram, 122 millions sur Facebook et 74 millions sur Twitter. Soit un mastodonte extra-sportif qui attire toute l’attention par son unique présence et ses déplacements aux quatre coins du globe. Tout ceci au-delà du joueur exceptionnel qu’il est. La Juve, elle, n’avait pas tant besoin de lui pour remporter un Championnat qu’elle écrase. Mais vient de se positionner comme l’un des grands favoris à la C1, un trophée qui manque à son armoire depuis 1996. Pour le reste de la Serie A, si l’arrivée de Cristiano Ronaldo éloigne peut-être encore un peu les concurrents au sacre, elle reste une formidable opportunité de développer le football italien. En termes de droits télévisuels, de notoriété, de spectateurs, d’attractivité ou tout simplement au niveau du challenge sportif, beaucoup ont à y gagner.

Tour(s) de force à Milan

139 kilomètres d’autoroute séparent l’Allianz Stadium, nouveau stade de la Juve, de San Siro, antre du Milan et de l’Inter. Là aussi, beaucoup de choses ont évolué. Au Milan, déjà, où l’ancien propriétaire chinois s’est vu contraint de rendre les armes et céder le club à son créancier américain, le fonds d’investissement Eliott Management. Et ce dernier, aussi sulfureux soit-il, a semble-t-il eu du flair pour donner un second souffle au club lombard. Exit le board mis en place par Li Yonghong et retour aux affaires d’anciens de la maison : Leonardo, en tant que directeur sportif, puis Paolo Maldini, légende du club, au poste de directeur stratégique du secteur sportif. Résultat ? Arrivées de Gonzalo Higuain, de Mattia Caldara, l’un des plus prometteurs défenseurs centraux d’Italie, de Diego Laxalt, Tiémoué Bakayoko, Samu Castillejo et la volonté de redonner ses lettres de noblesse - et un peu de valeur marchande à moyen terme, aussi, dans l’optique de revendre le club - aux mythiques rossoneri.

Chez le voisin, on n’a pas non plus lésiné sur les moyens. En s’offrant, dès le début de mercato, la pépite argentine Lautaro Martinez, puis Radja Naingollan, Stefan De Vrij, Kwadwo Asamoah, Sime Vrsaljko, Matteo Politano et d’autres encore. Un mercato malin, avec quelques arrivées bien négociées, qui redonne encore un peu plus d’intérêt aux futurs derbies de la Madonnina et aux matches du dernier club italien à avoir remporté la Ligue des champions. On a même cru voir arriver Luka Modric en fin de mercato, un rêve qui aurait pu devenir réalité sans le refus du Real. Une nouvelle preuve de l’attractivité florissante du Calcio, qui a aussi vu le Napoli s’attacher les services de Carlo Ancelotti. Excusez du peu.

Monchi, un loup pour la Louve

Et si tout n’est pas rose pour le football italien («Il faut sauver le football italien», titrait par exemple la jeune revue Supersub en début d’année) et que les récents faits d’arme des grands clubs pourraient avoir tendance à être l’arbre qui cache la forêt, la Serie A vient inévitablement de prendre un tout autre virage. Qui va sûrement lui assurer une toute autre audience et de nouvelles ambitions, loin du marasme des quelques décennies précédentes et de l'affaire des matches truqués. C’est le cas, aussi, à la Roma. Fort de son nouveau dirigeant Ramon Rodriguez ‘Monchi’, ancien du FC Séville, le tout récent demi-finaliste de la Ligue des champions a signé un marché des transferts tonitruant mais aussi bien senti. Dans l’ordre, du plus au moins cher : Nzonzi, Pastore, Kluivert, Santon, Bianda, Coric… De quoi compenser les pertes d’Alisson et Nainggolan, ce qui permet au club de la Louve de rêver plus grand dans les années à venir.

Avec l’ambitieux Eusebio Di Francesco sur le banc, auteur d'une mémorable remontada face au Barça en avril, le club romain a des atouts à faire valoir. Et tout ce mic-mac des transferts, que ce soit à Rome, Naples, Turin ou Milan, stimulera forcément la croissance du Championnat. D'abord sportivement, avec une exigence tactique qui sera toujours sa particularité, puis économiquement, alors que Sky et Perform viennent de payer 943 millions d’euros pour retransmettre les extravagances du Calcio. Qui, on l'espère, gardera son charme et son romantisme malgré la révolution estivale des gros cadors.

Antoine Bourlon